Participate Translate Blank profile picture
Image for Blogueuses politiques : faut-il qu'elles gueulent pour qu'on les écoute ?

Blogueuses politiques : faut-il qu'elles gueulent pour qu'on les écoute ?

Published on

SociétéPolitique

Abandonnant la politique aux hommes, les femmes ne blogueraient-elles que pour parler landaus, chiffons, modes et cosmétiques ? Pas si sûr ! Un petit coup d’œil sur la blogosphère des deux côtés du Rhin égratigne ce qui ressemble de loin à un a priori.

Réseau politique, Spreeblick, Bildblog et Sascha Lobo !… De toute évidence, en Allemagne, à la rubrique politique, les premières places au classement du portail Wikio reviennent à des blogs masculins. A ce palmarès, la première femme n’arrive qu’en septième position. Pourtant, depuis 2007 qu’elle s’exprime principalement sur des questions de politique intérieure ou de terrorisme, la blogueuse allemande Ann Roth n’a jamais cessé de dénoncer la fracture digitale qui sépare les femmes des hommes. « Ce que les hommes écrivent semble presque toujours perçu comme plus pertinent. Au fond, ce qu’il faut donc remettre ici avant tout en question, c’est le critère de pertinence en soi ; bien plus que la pertinence du contenu des blogs. La conscience que les mâles ont d’eux-mêmes me semble capitale dans cette affaire. Je veux parler de ce penchant qu’ils ont à se donner des airs importants. »

Dans la blogosphère ce sont encore les hommes qui ont les voix les plus fortes.Une approche que partage Europasionaria. Ecrivant sur des thèmes de politique européenne, la blogueuse française estime que « Les femmes se sentent moins habilitées que les hommes à donner leurs avis. Dans les débats et autres conférences, les hommes sont toujours les premiers à intervenir. » Est-ce alors la faute des femmes si leurs blogs politiques s’affirment comme moins pertinents ? Que nenni ! Autre blogueuse du pays de Simone de Beauvoir, CC BAH souligne que « les femmes bloguent moins en politique, et quand elles le font, ce n’est qu’un thème parmi d’autres. D’autant plus que dans les classements, les blogueuses ne sont pas toujours très nettement identifiables. »

L’important pour l'homme, c’est l’homme !

En fait, la position d’un blog dans le classement général dépend des blogs qui lui sont liés et de l’évaluation de ces derniers dans le même classement. Ce qu’Ann Roth ne manque pas de pointer du doigt : « La blogosphère se reproduit elle-même. Ne sera remarqué que ce que d’autres ont déjà remarqué et les liens qui s’y réfèrent. Trop souvent, les femmes considèrent comme primordial ce qui est dit par les hommes (Plus rarement par d’autres femmes) ; les hommes n’ont de considération que ce qui est dit par des hommes. » En Allemagne, la technique, les médias et la politique passent pour être des thèmes éminents. Alors que peu de femmes écrivent sur ces thèmes, les hommes sont très nombreux à le faire. Et quand les femmes expriment leur opinion dans la blogosphère politique, leurs blogs, le plus souvent, ne sont pas clairement repérés comme étant de nature politique. Peut-être comme le pense Vera Bunse : « Parce que les femmes accordent la priorité à d’autres sujets plus importants à leurs yeux. » Ann Roth remarque au passage que si la notoriété n’est pas un critère essentiel chez beaucoup de blogueurs… « Chez les femmes, l’anonymat est si élevé que cela donne malgré tout à réfléchir. » 

Mahret Kupka, Julia Knolle und Mary ScherpePour CC BAH, les femmes règnent sur les blogs de mode car elles ne manquent pas de flair : « C’est un thème plus rentable que la politique. » Olympe, qui préside aux destinées du blog féministe français Le Plafond de verre, partage elle aussi ce point de vue : « Curieusement, dans la blogosphère féminine, il existe un vrai potentiel commercial. Les billets d’entrée sponsorisés, les invitations à des week-ends en thalassothérapie… Toute une gamme de choix guidés par des considérations pragmatiques. » Toutefois, pour la blogueuse, coincées entre activités domestiques et obligations professionnelles, la question du temps disponible joue dans le choix des femmes un grand rôle sélectif : « La cuisine et les cosmétiques font partie de leur quotidien. Il n’est donc pas utile de passer sa journée connectée pour tenir un blog sur ces activités quotidiennes. » Manu, dont le blog n'est pourtant ni politique ni particulièrement féministe, corrige un peu le tir : « Si les sites consacrés à la mode et à la beauté représentent assurément une grande partie des sites fréquentés par les femmes, ils ne constituent en aucun cas la majorité. »

Mesdames, à vos blogs !

 A lire aussi : femmes sous-représentées vs femmes connectées ?

Europasionaria blogue, mais pas que. Avec table607.com et EU GIRLS GEEK, « un réseau de femmes qui s’enthousiasment pour les réseaux sociaux et l’Europe et se retrouvent régulièrement sur la toile », elle s'emploie à une meilleure connexion des blogueuses politiques entre elles. Olympe a elle aussi commencé à chambarder un peu la blogosphère politique, domaine jusqu’alors réservé aux hommes : « Début 2009, avec d’autres blogueuses, nous avons entrepris de fonder un nouveau site en commun, IM RANKING, histoire de s’élever un peu au-dessus de la mêlée. Notre lien collectif a été bien perçu. En quelques mois, nous avons effectué une véritable ascension et instauré une réelle parité dans le classement des blogs politiques. Désormais, écrire n’est plus réservé à un petit groupe de blogueuses, mais à la plupart des femmes. »

Réseau, liens et réunions entre blogueuses, les moyens existent pourtant pour donner du poids à leurs opinionsVera Bunse recommande donc aux blogueuses « de se serrer les coudes, de cliquer le plus possible, de faire entendre leurs voix, quitte à gueuler si nécessaire. » pendant qu’Ann Roth les invite « àexprimer leur opinion ; elle est importante. Les femmes doivent l’estimer à sa juste valeur et la faire connaître. » Les réseaux informatiques et leurs liens sont essentiels. Que des sites comme le Girls on web society sur Facebook aident les femmes à trouver leur place sur la blogosphère politique majoritairement masculine, nul n’en disconviendra. Cependant, d’aucunes se demandent si une telle démarche est vraiment souhaitable. Antje Schruppen doute : « Il n’est pas certain que les femmes veuillent absolument se distinguer là où les hommes se trouvent déjà en position dominante. Derrière cette attitude se cachent probablement aussi des motivations extérieures à toute parité. Nous devons être un peu débiles...» Humour féministe ? De son côté, la blogueuse d'Europasionaria pense que « les femmes ne sont pas des hommes. Elles ont quelque chose d’autre à apporter qui a encore du mal à émerger dans le débat public. »

Au final, les rédactrices de blogs politiques n’ont pas la même reconnaissance que leurs homologues masculins. Voilà pourquoi Ann Roth plaide pour une restructuration critique de l’ensemble de la blogosphère. Cet espace, en devenant alors vraiment ouvert, participatif, non hiérarchique pourrait enfin se libérer de tout rapport de force.

Photos: Logo ©antigone78/flickr; Attention Whore ©Duane Storey/flickr; Deutsche Modebloggerinnen ©Blogging Dagger/flickr; We can blog it ©Mike Licht, NotionsCapital.com/flickr

Translated from Politik-Bloggerinnen: "Ellenbogen, klappern, laut sein, 'hier' schreien"