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Black Lives Matter et le racisme perpétuel en Europe

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Le 25 mai dernier, George Floyd mourrait étouffé sous le genou d’un policier à Minneapolis (Minnesota). Une longue série de manifestations, jusque dans les principales villes européennes, a suivi ce drame. Sur le Vieux continent, où la question du racisme, pourtant loin d’être anecdotique, fait figure d’absente dans la plupart des débats publics, ces rassemblements ont commencé à faire réfléchir.

Durant les mois qui ont précédé le décès de George Floyd, de jeunes Européens d’origine africaine avaient aussi perdu la vie dans des circonstances mettant en cause des policiers. Parmi les derniers en date, Adil (son nom de famille n’a pas été révélé), jeune homme de 19 ans originaire du Maroc, a été percuté par une voiture de police le 10 avril 2020 à Anderlecht, pendant le confinement, après avoir tenté de se soustraire à un contrôle de routine. En Belgique toujours, le 20 août 2019, Medhi Bouda, 17 ans, également d'origine marocaine, est heurté par le véhicule d’une patrouille de police alors qu’il fuyait un point de contrôle. Autre épisode de violence raciste chez nous, sans rapport avec la police toutefois, la fusillade de Macerata (Italie) en 2018. Animé par la haine raciale, Luca Traini, y ouvre le feu depuis sa voiture sur des personnes de couleur. Force est de constater que le racisme existe aussi en Europe.

Sous le titre symbolique de « In Europe, we also can’t breathe » (en Europe non plus, on ne peut plus respirer, ndlr_), un article du journal Politico interroge les raisons pour lesquelles les manifestants Berlinois, Londoniens ou Romains se rassemblent pour reprendre en cœur les messages de « Black Lives Matter », mais restent silencieux face à la brutalité et au racisme dans leur propre pays. En fait, la réalité est un peu différente comme le montre le sixième épisode du podcast en italien Europa Reloaded. Dans certains pays de l’Union européenne, la question du racisme apparaît ponctuellement au centre du débat public, sous l’influence de mouvements sociaux et de l’action d’activistes. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas en offrent une illustration.

La réponse des institutions européennes

Le Conseil de l’Europe, principale organisation européenne de défense des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, n’avait pas attendu le meurtre de George Floyd en février 2020 pour dénoncer l’influence grandissante des politiques ultranationalistes et xénophobes. Lesquelles politiques, conjuguées à différents facteurs culturels et à la haine en ligne, engendrent des tensions raciales inquiétantes.

Ces points avaient d’ailleurs déjà été soulevés dans un rapport de la commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), une instance du Conseil de l'Europe composée d’experts indépendants. Ce document publié en 2019 montrait que les musulmans, les juifs, les Roms et, en effet, les personnes de couleur étaient les principales victimes des préjudices et des violences en Europe.

Les élections européennes de 2019 ainsi que de plusieurs parlements nationaux ont témoigné d’une nouvelle progression des partis ultranationalistes sur le continent. Il n’en reste pas moins que les institutions européennes tentent de lutter contre le problème du racisme et, ce faisant, ont donné plusieurs signes encourageants.

À la fin du mois de juin dernier, le Parlement européen réuni en séance plénière a ainsi approuvé une résolution dont le premier point reprend le mot d’ordre « Black Lives Matter » et condamne, en Europe aussi, toute forme de discrimination. Parmi les défenseurs de cette résolution, on trouvait Alice Bah Kuhnke, eurodéputée suédoise, l’une des rares six parlementaires de couleur dans l’hémicycle (ils sont six au total). Selon les eurodéputés, ce texte a pour objectif de faire pression sur l’UE pour qu’elle se munisse d’une législation adaptée et soutienne les bonnes pratiques contre le racisme et la discrimination. La résolution, portée par le groupe politique des Verts/Alliance libre européenne, a été adoptée par 493 voix pour, 104 contre et 67 abstentions.

États-Unis et Europe : des contextes différents

Le contexte historique joue ici un rôle fondamental. La société civile et les institutions nord-américaines ont entamé depuis longtemps un travail de reconnaissance pour faire face à une histoire marquée par le colonialisme, l’esclavage et les lois ségrégationnistes. Le mouvement pour les droits civiques américain, qui date des années 60, inspire d’ailleurs encore aujourd’hui les groupes antiracistes européens.

Environ 7 personnes interrogées sur 10 ont déclaré qu’il existait aux Pays-Bas un problème de racisme institutionnel

Même s’il reste encore beaucoup à faire, le citoyen américain moyen est conscient de l’histoire de son pays ainsi que des systèmes d’oppression et de racisme sur lesquels il s’est construit. Il n’en va pas de même pour les Européens chez qui parler de racisme relève encore du tabou, en particulier en Italie. Certes, le débat est plus avancé dans certains pays, comme en Belgique, au Royaume-Uni ou encore aux Pays-Bas. Les mouvements activistes luttent cependant sans discontinuer pour faire accepter à la société l’héritage de l’esclavage et du colonialisme. Et, si les débats sur les races et les privilèges des Blancs commencent à avoir lieu, ils ne concernent pas encore Monsieur Tout-le-Monde.

Le cas des Pays-Bas

Dès les premières manifestations du mouvement Black Lives Matter, les médias néerlandais ont publié des sondages sur le racisme. L'émission de télévision EenVandaag a soumis un questionnaire à 39 000 personnes, dont 5 000 d’origine non occidentale. Environ 7 personnes interrogées sur 10 ont déclaré qu’il existait aux Pays-Bas un problème de racisme institutionnel. 40 % des participants d’origine non néerlandaise ont affirmé avoir été victimes à l’école ou à l’université de discrimination en raison de la couleur de leur peau. 29 % ont été arrêtés par la police plus souvent que les Blancs. Par ailleurs, une étude conduite par le cabinet de conseil Berenschot et AFAS Software indique que seul 20 % des entreprises prennent activement en compte la question de la diversité tandis que 66 % ne s’en préoccupent pas.

Lire aussi : Les universités européennes sont-elles multiculturelles ?

Dans un article, le Groene Amsterdammer se penche sur le tabou du racisme institutionnel aux Pays-Bas. Il appuie son analyse sur le personnage controversé du Père Fouettard, serviteur au visage de clown noir et alter ego sombre et méchant du célèbre Saint-Nicolas qu’il assiste dans la distribution des cadeaux. Quant au Premier ministre, Mark Rutte, l’un des plus anciens chefs de gouvernement de l’Union européenne et responsable du VVD (droite libérale), il répugne en général à discuter des problématiques sociales qui n’auraient pas d’impact économique. De fait, s’agissant du racisme, il renvoie la balle à la société civile : « Les questions relatives au racisme et aux autres formes de discrimination doivent être traitées collectivement, en tant que société, et pas seulement par le gouvernement ». Cette déclaration est intervenue à l’occasion d’une conférence de presse alors qu’il avait été chargé de répondre à de nombreuses questions sur la discrimination raciale à la suite d’une semaine de rassemblements liés à « Black lives matter aux Pays-Bas et à l’étranger ».

La réaction de M. Rutte illustre bien l’attitude de certaines institutions vis-à-vis du problème du racisme. Il est pourtant regrettable que la réponse dépende de la mesure dans laquelle ce thème peut pénétrer les hautes sphères du monde politique. C’est pourquoi, interrogé dans le 6e épisode d’Europa Reloaded, Angelo Boccato, journaliste italien indépendant basé à Londres, explique que, « au-delà des manifestations, il faut absolument que le nombre de personnes de couleur augmente dans les lieux de pouvoir et les médias ».


Cet article fait partie de la série de podcasts Europa Reloaded en italien. Le projet est soutenu par la European Cultural Foundation.

Story by

Translated from Europa Reloaded (Ep6): Black Lives Matter e il razzismo istituzionale in Europa