Bizutages, week-ends d'intégration et baptêmes : l'intégration à quel prix?
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Présente à travers une grande partie des pays européens et sous diverses formes, la pratique du bizutage laisse rarement indifférent. Focus sur les récents incidents en France et en Belgique.
Certains les appellent « baptêmes » (en Belgique), d’autres « bizutages », « week-ends d'intégration » (en France), ou encore « freshers week » (au Royaume-Uni et en Irlande). Dans de nombreux hémicycles européens, l’évocation de ces termes entraine d’interminables débats entre, d'un côté les personnes opposées, voire révulsées par ces types de pratiques, et de l'autre, celles qui en vantent les mérites multiples telle que l’imprégnation aux valeurs et traditions chères à l'université. Malgré la variété des appellations, l'écrasante majorité de ces initiatives ont en commun la volonté affichée par leurs organisateurs de favoriser l'intégration des nouveaux membres au sein du milieu académique.
Bon an mal an, les pays concernés ont chacun pris, avec plus ou moins de fermeté, des mesures permettant d'encadrer ces événements estudiantins. Leur objectif étant de minimiser les risques de dérapages (dont les humiliations physiques ou morales, la consommation d'alcool excessive et les comportements sexuels à risque), et de recentrer ces activités sur leur rôle initial : l’intégration.
Interdiction ou tolérance conditionnée ?
En France, les mesures prises en1998 furent relativement radicales puisqu'une loi interdit depuis cette date tout bizutage. Des voix s'élèvent cependant pour dénoncer l'inefficacité de cette mesure. Un événement très récent vient rappeler que les agressions que cette loi est censée combattre persistent par l'intermédiaire de certaines soirées ou « week-ends d'intégration » ayant lieu dans les universités et écoles françaises. Le samedi 5 novembre2011, un étudiant en première année de l’université Paris-Dauphine a en effet déposé plainte après un bizutage au cours duquel « des lettres de sang » (l’inscription « Japad » du nom de l’association étudiante aurait été gravée sur le dos de l’étudiant à l’aide d’une capsule de bouteille, ndlr). Un acte qui a conduit à la radiation immédiate de l’association au sein de l’université. Quelques semaines auparavant, c’est un groupe d'écoles professionnelles (Groupe IGS) qui a décidé de bannir les week-ends d'intégration de ses établissements. Ces faits illustrent donc bel et bien le malaise qui perdure autour de ce type d'activités.
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En Belgique, les « baptêmes » d'étudiants ne sont pas interdits par les autorités publiques, celles-ci considérant qu'une éventuelle entrée dans la clandestinité de ces pratiques risquerait d'aggraver les choses. Les pouvoirs publics chargent par conséquent les dirigeants universitaires d'encadrer les cercles d'étudiants afin de prévenir tout débordement. Malgré les dispositifs mis en place par les universités, certains abus ont récemment fait les titres de la presse belge. Ainsi en octobre 2010, le coma éthylique d’une étudiante de l'Université Catholique de Louvain (UCL) a choqué de nombreux belges. La jeune femme avait bu plus de 50bières lors d'un concours « bibitif ». La « reine des bleuettes », qui présentait une concentration d'alcool de 3,14 grammes par litre de sang, est tombée dans le coma peu après avoir reçu son titre. Alors que le droit belge interdit de servir de l'alcool à une personne ivre, la justice ne condamna pas les responsables du cercle. Par contre, ceux-ci n'échappèrent pas aux sanctions décidées par l'UCL: fermeture temporaire du cercle et « travaux de réflexion » pour les personnes impliquées.
Nonobstant les incidents à répétition, les baptêmes dans les universités belges ne semblent pas près de disparaitre. Les membres de cercle interrogés insistent d'ailleurs sur leur utilité : intégrer, mais aussi endurcir les jeunes « bleus ».
Au cœur des « bleusailles »
A l'intérieur des universités belges, certains « comités de baptême » permettent occasionnellement aux étudiants d'observer les épreuves diverses que doivent relever les « bleus » sous les ordres des membres organisateurs ou « comitards ». Tout observateur de ces activités peut clairement distinguer un jeu de dominant-dominé (parfois accompagné de violences verbales), les comitards ayant le rôle du dominant. Et ce jeu de rôle se déroule avec l'apparent consentement des deux parties prenantes.
L’argument du jeu est d'ailleurs souvent ressorti par les défenseurs du bizutage, les « bleus » ou « bleuettes » étant effectivement libres de quitter les activités de baptême à tout moment s'ils se sentent humiliés. De manière générale, les multiples épreuves que doivent surmonter ces jeunes recrues tout au long des semaines de bleusailles et lors du challenge final visent clairement à créer un esprit de solidarité dont l'objectif est de renforcer le caractère de ces futurs baptisés.
Bref, il parait clair que les débats entre personnes pro- et anti-baptême (ou autres activités d'intégration similaires au niveau européen) mettent en scène deux visions très différentes (voire inconciliables) de la manière dont peuvent être insérés les nouveaux arrivants dans le milieu académique européen.
Photos (cc) : Une : (cc) Donzor photography/flickr ; Texte : Cul-sec (cc) paulgalipeau.com/flickr ; Bizutage homme/femme (cc) arslan/flickr ; Vidéo :(cc) julienfr78/flickr