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Berlusconi l’éducation ni les jeunes : un manifeste pour l'après

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Laura Brignon

Politique

Réussirons-nous à réapprendre l’acceptation de l’ennui dans une éventuelle ère post-berlusconienne ?

Chaque fois que, prise de résignation et de honte, j’assiste à une nouvelle énormité de Berlusconi, quand une nouvelle blague de son cru occupe tous les journaux télévisés, et restera pour toujours sur Youtube, quand les dirigeants internationaux se moquent de lui (et donc des Italiens qu’il représente), dès que je me reprends du frisson de gêne que, même après toutes ces années, je n’arrive pas à réprimer, je me demande avec anxiété : serons-nous ainsi pour toujours ?

 Pour de nombreux jeunes Italiens, Berlusconi a été une présence de poids sur la scène politique, une présence qui les a accompagnés depuis leurs premiers pas jusqu’à l’âge adulte.

Dans une éventuelle ère post-berlusconienne, l’Italie réussira-t-elle à être rééduquée ? Les Italiens seront-ils en mesure de comprendre un discours politique sérieux, dénué de scandales, de gloussements et de coups de théâtre ? Je pense surtout aux jeunes. N’oublions pas que, pour de nombreux jeunes Italiens, Berlusconi a été une présence de poids sur la scène politique, une présence qui les a accompagnés depuis leurs premiers pas jusqu’à l’âge adulte. De nombreux jeunes Italiens ont grandi avec ses télévisions, ses émissions, avec sa présence sur l’écran de télé. Je me demande comment de nombreux Italiens réagiront en découvrant que la politique n’est pas forcément un divertissement, qu’un débat politique n’est pas forcément un one-man-show et que, parfois, les discussions et les débats d’idée sont, en fait, un processus long, ennuyeux, difficile et dépourvu de coups de théâtre.

Il y a quelques années, lors d’une interview, Indro Montanelli (historien, écrivain et journaliste italien, ndlr) affirmait d’un ton alarmant : « Ce qu’il faut craindre de la part de Berlusconi, ce ne sont pas les punitions, mais les récompenses » 

Peut-être nous sommes-nous habitués à ces « récompenses » ? Dans un article du Nouvel Observateur, publié hier et intitulé « L’Italie de Berlusconi en cinq points noirs », parmi les divers problèmes qui accableront l’Italie post-berlusconienne, tels que la crise économique européenne et le taux inquiétant de chômage chez les jeunes, une réflexion particulière est accordée à la « crise morale » de l’Italie, dans laquelle se jouera l’avenir du pays. C’est ici qu’émergent certaines des « récompenses à craindre» contre lesquelles Montanelli nous mettait en garde. Dans le même article, plusieurs éléments de la mauvaise éducation des jeunes (et des moins jeunes) sont rappelés, ainsi que la façon dont le berlusconisme a encouragé l’illégalité, la légitimité de la fraude fiscale, a mythifié l’image des soubrettes télévisuelles ou des escort-girls, une image de femme soumise et subordonnée. L’article souligne également combien Berlusconi laisse en héritage l’idée que tout peut être acheté et vendu, et rappelle combien il faudra de temps et de courage pour dépasser tout cela. Nous devrons donc nous rééduquer du point de vue moral également. Sans pour autant tomber dans un moralisme bigot.

Il n’y aura plus une figure à haïr ou à aimer à la folie

Nous devrons peut-être également réapprendre le contrôle de soi, la prise de positions équilibrées, et réapprendre que le débat sérieux et la confrontation des idées n’est pas synonyme d’ennui. Nous devrons réapprendre une forme de rationalité perdue. Je pense autant aux pro-Berlusconi qu’aux anti-Berlusconi car il n’y aura plus une figure à haïr ou à aimer à la folie. En effet, je ne crois pas qu’il existe d’autres hommes sur la scène politique italienne contemporaine qui aient promu aussi effrontément le culte de leur propre personnalité que le Cavaliere.

C’est pour cette raison également que Berlusconi a suscité des sentiments extrêmes : d’une part l’amour fou, le culte de la personnalité, le « heureusement qu’on a Berlusconi » (« meno male che Silvio c’è »), et de l’autre, la haine extrême et le mépris. Il semble qu’on ne puisse réagir avec calme ou indifférence à l’entente de son nom. Ou pire, il ne semble pas que l’on puisse émettre des critiques constructives concernant son agenda politique, un agenda qui, de façon inquiétante, passe toujours au second plan parce que nous sommes tous trop occupés à le haïr ou à l’aimer, en tant que personne. Pour vous donner une idée de ce que j’entends par réactions fortes et contrastées, il suffit de lire les commentaires sur son post récent publié sur Facebook : « les rumeurs au sujet de ma démission sont sans fondement ». Chaque déclaration de Berlusconi provoque un cataclysme, allant de celui qui écrit en lettres capitales « VOUS DEVEZ AVOIR HONTE VOUS DEVRIEZ SORTIR AVEC UN SAC SUR LA TÊTE À CAUSE DE LA HONTE ! », celui qui craint des conséquences apocalyptiques « si tu dois être destitué… le plus vite possible pour éviter une catastrophe humanitaire », et même celui qui lui souhaite de mourir : « tu ne dois pas démissionner, tu dois MOURIR ». Mais d’autres commentaires sont encourageants, « ne démissionnez pas président, allez de l’avant et pensez à nous autres citoyens », et quelques-uns similaires aux banderoles de stade, « allez Silvio !! Tiens bon !! »

Mais quand nous nous réveillerons dans un monde privé de cette personnalité à haïr ou à aimer, que ferons-nous ? Ceci est un appel, j’aimerais lire vos idées, sans qu’elles prononcent son nom, en pensant seulement à l’après… Que faire ? Écrivez !

Photo: (cc) giuseppesavo/flickr

Translated from Berlusconi ha educato i giovani. Come si fa a rieducare l'Italia?