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Berlinale : « La grande époque du cinéma d'art et d'essai est révolue »

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Amélie Marin

BerlinCulture

Aujourd'hui, notre équipe berlinoise se lance dans la couverture de la Berlinale depuis son tapis rouge, avec ses jeunes acteurs pleins d'avenir et les plus de 400 films au programme. Nous avons suivi les traces de l'art cinématographique dans les quartiers de Berlin. Apprenez-en plus sur nos cinémas de quartier de confiance. Lumière sur le cinéma Sputnik à Kreuzberg.

Andrea Stosiek, la gérante du Sputnik-Kinos, commence par préparer le café et s'assied à une petite table au bar du cinéma de quartier au coeur de Kreuzberg. Le téléphone sonne pendant l'interview. Parfois, elle doit décrocher, parfois, elle veut juste terminer de raconter son histoire.

Car Andrea a beaucoup de choses à raconter - des débuts du Cinéma Sputnik à Wedding (nord-ourst de Berlin, ndlr), en passant par le déménagement dans le « Szene-Kreuzberg » aux difficultés de programmation d'un petit cinéma d'art et d'essai, qui doit faire face à une grande concurrence à Berlin.

Malgré l'époque Netflix, Andrea garde le moral : « La grande époque du cinéma d'art et d'essai est passée - nous ne pourrons plus continuer à grandir. Mais j'espère qu'on va réussir à se maintenir comme une petite boutique de quartier », explique-t-elle. Une chose est sûre : ce cinéma, né d'une sous-culture de gauche, au-delà du mainstream américain, n'a rien perdu de son charme. Sputnik signifie en russe « compagnon de route » - le pendant du commercial Apollo.

Entre Sonic Youth, Szene-Kreuzberg et Chute du Mur

Au début des années 80, un collectif formé autour de Stefan Arndt a fondé le Sputnik I à Wedding. C'est là-bas que fut organisé le premier concert en Allemagne du légendaire groupe de rock Sonic Youth. « On a failli mettre fin à notre bail parce que le concert était trop bruyant », sourit Andrea. Et pourtant, le trajet de la ligne U6 vers Wedding avant la Chute du Mur n'était pas vraiment agréable. C'est pourquoi le Sputnik a déménagé en 1988 à Kreuzberg, « plus près de son public ». Dans les cours autour de la Südstern (place de Kreuzberg, ndt), il y avait autrefois le célèbre club gay Schwuz, ainsi que la boutique punk-rock Blockshock. Stefan Arndt a emménagé dans l'ancien bâtiment industriel et a pensé qu'il y avait là assez de place pour un cinéma. Et de la place aussi pour distribuer des films aussi connus que la série allemande de science-fiction culte Commando spatial - La Fantastique Aventure du vaisseau Orion.

La série n'est sans doute pas connue de tous, mais le public typique du Sputnik la connaît, car il se fait de plus en plus vieux : « Le cinéphile typique a 45 ans, c'est une femme, abonnée à des journaux papier, qui a des revenus supérieurs à la moyenne et la plupart du temps, un bagage universitaire », déroule Andrea. Pas de jeunes gens au cinéma alors ? Si. Mais à Berlin, il règne un état d'urgence : on observe une forte densité de cinémas d'art et d'essai, et pas seulement à cause du groupe Yorck, qui gère en tout 15 cinémas à travers l'Allemagne. Mais même avec cette concurrence, Andrea remercie le groupe d'avoir conservé le genre malgré ces temps difficiles. Puis, pour attirer le jeune public, il y a toujours des manifestations spéciales et des séries de films.

C'est ainsi que le Sputnik organise chaque année le Festival « British Shorts » - le plus grand festival du court-métrage anglais en dehors du Royaume-Uni. En 2016, quatre films seront projetés par le festival du film de Sundance, dont deux nominations aux BAFTA et un film avec l'acteur anglais Ben Whishaw. Il y aura, selon Andrea, une rétrospective  de l'école du film britannique NFTS (National Film and Television School, nda), mais également des concerts et des ateliers filmiques étalés sur deux jours.

Les prix n'attirent pas les visiteurs

À côté des éditions speciales, le Sputnik offre toute l'année un excellent programme - un mélange éclectique de films indépendants, appelés « Brotfilme » (des « films à pain » - Andrea y inclut ceux de Woody Allen, nda), de documentaires et de films pour enfants.

L'axe central est et reste le jeune cinéma européen. Mais Andrea se retrouve face à un solide dilemme : « Plus on reçoit de prix pour la programmation, moins on a de visiteurs au cinéma - et plus on attire de visiteurs, moins on reçoit de prix ». Le Sputnik s'en sort bien jusqu'à maintenant, car il reçoit tous les ans une série de récompenses, comme le prix BKM (Ministère de la Culture et des Médias) pour l'éducation culturelle.

Alors, à quoi ressemble l'avenir du cinéma européen ? « La Grande-Bretagne a les meilleures écoles de cinéma et un vivier international de jeunes producteurs. Ils ont aussi, bien sûr, l'humour. L'Allemagne n'a, de son côté, que Matthias Schweighöfer. Et la France apporte le meilleur soutien au cinéma, même pour les films les plus difficiles », explique-t-elle.

En 2016 aussi, nous aurons droit au Sputnik à toute une série de films remarquables. The Lobster par exemple, un film indépendant classique... Ou Les chansons que mes frères m'ont apprises, sur des adolescents dans une réserve indienne aux États-Unis, film qui n'a par ailleurs pas bien marché dans les cinémas allemands. Des productions indépendantes allemandes sont également intéressantes, comme par exemple Das Floß (« Le radeau », ndlr), sur un couple de lesbiennes. « Ces films ont besoin du cinéma. Il faut les voir sur grand écran », poursuit-elle.

Et même si vous avez raté ces films : il y a de nombreuses autres occasions de venir au Sputnik. Après le British Shorts Festival, qui a débuté le 21 janvier, le Sputnik sera l'un des cinémas de quartier pour la Berlinale. À partir du mois de mai, il y aura le cinéma en plein air sur les terrains de la RAW (zone abandonnée où étaient autrefois entretenus les trains, ndt). Il y aura également cette année une sélection de films espagnols, avec tapas et dégustation de vins, tout comme la semaine du film documentaire. Et, last but not least : l'Euro de foot.

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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Berlin. Toute appellation d'origine contrôlée.

Translated from Kiez-Kino Sputnik: „Die Zeiten von Arthouse-Kino sind passé“