Berlinale : Houellebecq par Houellebecq
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L’enlèvement de Michel Houellebecq est une des sensations de la Berlinale. L’écrivain star livre sur grand écran une ironique et hilarante version de sa propre personnalité très à part.
Le ticket d’entrée est trop petit. Il annonce seulement L’enlèvement de Michel… Il y a fort à parier qu’un film qui se serait appelé L’enlèvement de Michel… n’aurait pas forcément soulevé les foules. Sauf que le titre entier, c’est L’enlèvement de Michel Houellebecq. Et ça, ça change tout. Plus de places disponibles pour les deux premières séances durant cette Berlinale. Cinq minutes avant la troisième projection, une queue d’au moins cent personnes attend encore un hypothétique sésame pour pouvoir découvrir l'écrivain, lauréat du Prix Goncourt 2010, Michel Houellebecq sur grand écran.
Premier constat indéniable donc : le nom parle. L'auteur des Particules élémentaires et de La carte et le territoire est une star. Peut-être la star actuelle de la littérature française la plus connue à l’étranger. Son style, mais aussi son personnage fascinent le public et la presse. Comme l'histoire de cette disparition inexpliquée en septembre 2011 où Michel la vedette semble s'être mystérieusement évaporé de la surface du globe. Les spéculations vont bon train mais aucune explication ne sera apportée à cette période d’absence.
Free fight et briquet
C’est ce mystère qu'entend donc élucider le film L’enlèvement de Michel Houellebecq de Guillaume Nicloux. Et bien sûr, Michel Houellebecq ne peut être joué que par un seul homme : Michel Houellebecq lui-même. Une histoire tellement absurde qu’on se demande un moment si elle ne cache pas un soupçon de réalité. Houellebecq se fait kidnapper par trois molosses adeptes du bodybuilding. Emmené dans une maison du Loir-et-Cher, il s’habitue lentement à son rôle de prisonnier, entre discussions profondes et littéraires avec ses geôliers, initiation hésitante au free fighting, et le besoin obsessionnel d’un briquet. Syndrome de Stockholm ou prise de conscience que cet événement inattendu est venu animer une vie à laquelle il ne tient plus vraiment ? Au moment de sa libération, Houellebecq annonce à ses ravisseurs, devenus sa famille d’accueil : « je serais bien resté plus longtemps. Je reviendrai vous voir ».
Extrait du film de Guillaume Nicloux.
L’ironie comme défense
Avec ce 11ème long-métrage, Guillaume Nicloux voulait offrir une ouverture vers l’ « homme » Michel Houellebecq, mais on se demande si cet objectif est vraiment atteint. Le film est drôle, très drôle. L’absurdité de la situation et les réactions pour le moins inhabituelles du prisonnier et de ses geôliers face à cette prise d’otage rendent le tout ridiculement hilarant. Mais c’est surtout l’ironie qui règne. Et comme souvent, l’ironie est là pour monter la forteresse d’un personnage afin d’empêcher l’accès à sa véritable identité. Quel est le vrai du faux ? Est-ce le vrai Houellebecq que nous voyons là ou un personnage qui se jouerait de lui-même en permanence ? « Si ça se trouve, c’est lui-même qui a commandité son enlèvement », se demande même un des « Rapetou ». Pas forcément le scénario le plus invraisemblable.
À voir : L'enlèvement de Michel Houellebecq de Guillaume Nicloux en salles prochainement. @
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Article publié originellement sur le blog Berlinale Bloggers de l'Institut Goethe.