Beaucoup de bruit pour rien ?
Published on
Deux mois après l’essai nucléaire réussi de la Corée du Nord, les pourparlers à six devraient reprendre sous la pression de la Chine. Mais que reste-t-il à négocier ?
« Vous pensez que nous avons mené un test nucléaire pour abandonner ? ». La question est signée Kang Sok-ju, porte parole du ministre des Affaires étrangères nord coréen. Si le groupe des Six -Russie, Etats-Unis, Japon, Chine et les deux Corées- vient d’accepter de retourner à la table des négociations sous l’impulsion de Pékin, le bras de fer nucléaire est loin d’être gagné.
Flash back. Entre 2003 et 2006, évoquer les négociations avec la Corée du Nord, revenait à tenter de dissuader Pyongyang de poursuivre le développement de son programme nucléaire, aux ambitions ouvertement militaires. Longtemps, les grandes puissances ont agité alternativement carottes et bâtons. La Chine, autre participant aux négociations, a jonglé entre son rôle d’allié naturel de son frère communiste et celui de nouvelle puissance internationale responsable.
En septembre 2005, coup de théâtre : Washington décide de geler unilatéralement les avoirs nord-coréens placés dans des banques étrangères. Une sanction injuste selon Pyongyang qui conditionne depuis la poursuite des négociations multipartites à la levée de cette sanction.
C’est à l’automne 2006 que le dernier régime stalinien de la planète réussit son pari et entre dans le club très fermé des puissances nucléaires. Le 9 octobre, Kim Jong-il met au défi la communauté internationale en procédant à une série d'essais nucléaires. Le ministère des Affaires étrangères nord-coréen déclare alors : « la menace extrême des Etats-Unis de déclencher une guerre nucléaire, les sanctions et les pressions contraignent à procéder à un essai nucléaire, un processus essentiel en vue de renforcer notre pouvoir de dissuasion nucléaire, en tant que contre-mesure d’autodéfense »
Des sanctions superflues
Que faire maintenant ? La question brûle les lèvres de tous les diplomates en poste. Si l’option de l’intervention armée est toujours valide, comment attaquer un pays qui possède désormais l’arme atomique ? Le risque paraît trop grand. Le missile Taepodong II, d’une portée estimée à 6700 kms, permettrait à la Corée du Nord de toucher l’Alaska. Des experts affirment qu’une autre version de ce missile pourrait avoir une portée de 15 000 km, mettant ainsi en danger l’ensemble du territoire américain.
Quant à l’affrontement militaire, aucun pays ne possède les moyens d’attaquer une armée qui aligne plus d’un million de soldats, hormis des Etats-Unis pour l’instant profondément embourbés en Irak.
L’ensemble de la communauté internationale s'empresse alors de condamner les essais nucléaires nord coréens et le Conseil de Sécurité de l'ONU vote la Résolution 1718, assortie de maigres sanctions. Au programme : un embargo sur tous les produits et technologies militaires qui pourraient profiter au régime et sur les produits de luxe. Une des nouvelles stratégies vise à priver le dictateur Kim Jong-Il et les 600 familles qui lui sont inféodées de leurs gadgets favoris : voitures allemandes, alcools français, produits de haute technologie japonais ou américains par exemple. Les sanctions visent aussi le gel de certains avoirs nord-coréens dans les banques étrangères ainsi que l’arrêt de l’aide technologique.
Trouver un juste milieu
Dans cette configuration, l’Union européenne a son rôle à jouer. Si elle soutient la résolution de l’ONU contre la Corée du Nord, Bruxelles a souhaité poursuivre son aide humanitaire évaluée à 8 millions d’euros pour l’année 2007. Les ONG européennes sont présentes dans le pays depuis les années 1990 et l'idée qui anime les diplomates européens est de ne pas punir un peuple opprimé depuis des décennies en raison de son gouvernement.
Une attitude saluée par un haut fonctionnaire nord-coréen dans un entretien récent accordé au quotidien Le Monde : « nous souhaitons que l’UE poursuive sa politique de stabilisation de la péninsule, et nous sommes prêts, pour notre part, à répondre à ses préoccupations en fournissant toutes les garanties de non-proliférationn ». Notamment trouver un juste milieu entre des Américains et Japonais intransigeants et des Nord-coréens enfermés dans un imaginaire guerrier et anti-impérialiste.
Car une autre crainte qui anime les dirigeants du Groupe des 6 est que Pyongyang transfère ou vende des secrets nucléaires à des pays comme l’Iran par exemple ou des groupes terroristes. De son côte, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) juge les sanctions prises insuffisantes.
Chacun a annoncé ses positions, le ballet diplomatique peut commencer.