Beat Assailant : les coutumes avec une plume
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Beat Assailant, c’est une recette explosive, une once des vibes d’Atlanta, déclarée capitale du hip-hop, avec une gorgée de jazz et de soul, saupoudrée de rythmes electro-rock parisiens. Beat Assailant, c’est avant tout un mec fan de poésie et de vieux hip-hop, qui nous parle de son nouvel album « B » (Discograph). Le tout dans un franglais parfait.
Le son perce les deux lourdes portes du studio du quartier d’Oberkampf à Paris. Les murs et le plafond vibrent sous les coups de la batterie et la voix d’Adam résonne dans le béton. Adam, c’est Beat Assailant, le MC plein d’énergie qui s’était fait connaître sur les ondes avec « Hard Twelve » (Hard Twelve / Twin Fizz Records ; Wagram) en 2005 et « Spy » (Rhyme Space Continuum / Discograph) en duo avec Ben l’Oncle Soul en 2009. Il est de l’autre côté du mur, en répétition avec son groupe. Je pénètre quelques minutes dans le studio pour en prendre plein les oreilles. Canapé en cuir, murs en brique et tapis persan. Cosy. Une déco qui détonne avec l’ambiance rock-electro catapultée par les cinq musiciens et le rappeur. Oui, « rock-electro », car pour son nouvel album, Beat Assailant voulait une approche « plus organique, avec du rock, du rap et des samples. » Au moment où les jeunes rappeurs commencent à mettre des cuivres dans leurs morceaux, lui préfère les enlever pour créer un album plus « pur ». Ça balance dans tous les coins de la pièce. Le batteur s’éclate sur la droite, le DJ mixe sur la gauche et Adam fait des pirouettes verbales au milieu.
Retour aux sources
« J’adore la poésie. Quand j’ai vraiment commencé à écrire des textes, je me suis d’abord lancé dans la poésie avant la musique, pour apprendre à faire des rimes, des rythmes, un style. »
« Il y a un autre vibe dans « B ». J’avais envie de faire un album un petit plus hip-hop. Revenir au début. » Éreinté par ses deux semaines de répétition, Beat Assailant reste pourtant souriant et ne quitte pas son iPad. Une casquette noire de l’équipe de baseball d’Atlanta vissée sur le crâne, Adam n’a pas renié ses origines. Né en 1977 à Miami, il a passé son enfance dans la capitale de l’État de Géorgie et a fait ses préludes au lycée sur les rythmes de A Tribe Called Quest et de De la Soul. Il assaille les beats de rimes tourbillonnantes et devient vite « Beat Assailant » aux yeux de ses potes. Atlanta, ville entièrement reconstruite sur les ruines de la Guerre de Sécession, s’est transformée en tremplin pour les jeunes rappeurs et le berceau de mouvements hip-hop. Elle y a vu naître Gucci Mane et le duo Outkast, que Beat Assailant a rencontré à ses débuts. Les États-Unis, il n’y retourne pas « assez souvent ». Récemment, il a passé un peu de temps à San Francisco où il a pris « beaucoup de vibes. C’est aussi pourquoi j’avais envie de refaire un retour aux sources. Dans les textes de mon dernier album, dans quasiment tous les morceaux, soit je cite, soit je fais un clin d’œil à un vieux tube de hip-hop américain. »
Douce France
B, son nouvel album, est avant tout une œuvre plus personnelle, entre Paris et les States. « B c’est moi, c’est juste moi 'B', 'be myself'. Pour les featuring j’ai bossé avec des amis. J’ai fait tout le 'outwork', j’ai écrit les chansons à la main pour les pochettes de disques. J’ai quasiment pris toutes les photos, en bas de chez moi à Paris. J’avais envie que ça me ressemble et que ce soit un reflet de ma vie aujourd’hui. » Beat Assailant vit depuis dix ans dans la capitale française et puise dans les ressources du pays pour enregistrer ses albums. Il a longtemps collaboré avec Dj Pfel de C2C et Ben l’Oncle Soul qui l’a accompagné sur plusieurs dates. Dans son dernier album, c’est avec le rappeur Oxmo Puccino qu’il fait un duo. En bref, « B, c’est un mélange des vieux sons américain, le son de chez moi à Paris et un peu d’electro. »
D’ailleurs, chanter en français lui plairait bien : « J’ai écrit une chanson en français, parce que j’avais envie de faire ça pour cet album, mais ce n’était pas bon. Parler, ça va. Écrire c’est autre chose. Écrire pour dire quelque chose de profond avec des rimes c’est plus compliqué. » Car plus que la musique, Beat Assailant a été bercé par la poésie, les vers de John Keats, le lyrisme de William Wordsworth et les cadences de Walt Whitman : « J’adore la poésie. Quand j’ai vraiment commencé à écrire des textes, je me suis d’abord lancé dans la poésie avant la musique, pour apprendre à faire des rimes, des rythmes, un style. »
Rap’n’roll
La musique vient peut-être après, mais ses inspirations n’en sont pas moindres et génèrent un mélange volcanique. Quand je lui demande les trois albums qui ont marqué sa vie musicale, il répond sans hésiter : The Low End Theory de A Tribe Called Quest,Kind of Blue de Miles Davis et Dummies de Portishead. Du hip-hop, du jazz et du trip-hop, mais aussi du bon vieux rock : « J’ai tellement d’influences. J’écoute aussi du rock, des classiques comme Jimi Hendrix, aux plus modernes comme les White Stripes et les Black Keys en passant par le grunge de Pearl Jam. » Et cela se voit en live. Avec Beat Assailant, le hip-hop n’est pas mort. Le rock non plus.
Photos : Une © courtoisie du site de promo d'IVOX-music ; Vidéos : Won't Dance (cc) darkfalco3/YouTube