BattleParis : Paris sous les bombes
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Chacun défend son quartier. Tous font campagne pour grossir les rangs et conquérir plus de territoire. Le chemin est semé d'embûches. Il est temps d'échafauder des stratégies de groupe, des plans d'attaque pour marquer de sa couleur les rues de Paris. Les municipales ? Non, un jeu dans lequel depuis un an et demi, une guerre fratricide oppose des soldats de l'ombre.
Le 1er mars dernier, une nouvelle bataille a commencé. La saison 6 du jeu BattleParis a débuté. Depuis, le sang coule. Et ceux que l'on pensait être des vieux amis sans histoire s'avèrent être des ennemis sans pitié.
BattleParis est un jeu sur smartphone basé sur la géolocalisation et le géoréférencement. Chaque joueur doit défendre sa zone, à savoir l'un des grands ensembles découpés dans Paris, en se checkant (grâce au GPS de son téléphone) près de l'un des très nombreux Point Of Interest (POI). Il marque ainsi des points pour son équipe en dépensant un des 4 coeurs de son avatar. Toutes les deux heures, un coeur se régénère. Il est possible aussi de déposer des mines pour empêcher un joueur d'un camp adverse de se checker, qui peut tout de même se protéger avec un bouclier. On compte aujourd'hui 6400 comptes joueurs. Sur la saison 5, 600 joueurs était actifs tous les jours et 1500 dans le mois. Il y a quelques jours, la barre des 1000 joueurs actifs dans la journée a été dépassée.
Interfacer notre monde
Thibault, l'un des deux créateurs du jeu, lui-même soldat, raconte : « j'ai toujours aimé errer dans les villes. Je me suis toujours dit que pour un jeu, le monde le plus fou que l'on puisse proposer était finalement le nôtre, et non un monde virtuel ». L'idée de base était alors « d'interfacer » notre environnement en s'adaptant au mieux au quotidien des travailleurs. Le but, celui de proposer une application interactive et non chronophage. Les premiers Points of Interest correspondaient aux stations de métro parisiennes pour suivre les commutations. Puis ce sont ajoutés les spaces invaders (mosaïques représentant originellement les figures du célèbre jeu vidéo, nda). « Ils sont si nombreux qu'ils font désormais partie intégrante de notre environnement urbain ! », commente Thibault. Vinrent ensuite les mairies, entre autres. « Aujourd'hui, remarque Thibault. On ajoute les stations de tramway. Quand le tramway a dynamisé la ville, il a dynamisé le jeu ! ».
Le jeu permet de se repérer dans la ville, de s'y balader et d'en connaître les moindres recoins, grâce au gros travail de géoréférencement de Thibault avec l'aide de son associé, Grégory. Battleparis participe du coup à un phénomène d'identification. Et depuis, une communauté s'est créée autour du jeu et des quartiers.
Bande-annonce du jeu BattleParis.
« Certains ont mis leur vie personnelle de côté »
Émilie, 33 ans est l'une des cheffes de file de la team Belleville, (le jeu compte en tout 11 équipes, ndlr). Afin de défendre au mieux sa zone et d'en conquérir d'autres, elle organise des apéros-raid. À fond dans le jeu, elle est aussi de plein pied dans un esprit de communauté. Émilie apprécie particulièrement l'effet découverte que Battleparis engendre : « Dans le quartier, j'ai rencontré des gens et découvert de nouveaux bars », précise-t-elle. Grâce à l'application, beaucoup vont là où ils ne seraient jamais allé. En revanche, la jeune femme regrette parfois les méthodes de certains, évoquant les participants qui ont plusieurs comptes : « je veux jouer contre des gens, pas contre des appareils (téléphone, ipad) !». Il y a une véritable éthique du jeu que quelques uns arrivent encore à contourner malgré le travail du développeur. Au cours de l'une des saisons passées, un joueur est allé dans un apple store créer un compte sur chaque appareil du magasin afin de faire exploser les scores de son équipe ! Le type de ruse fourbe mais ingénieuse que déplorent en rigolant Thibault et Émilie.
Cet esprit qui mêle exploration urbaine et travail de groupe donne alors à l'application une dimension profonde et innovante. C'est cet esprit qui a motivé Thibault et Grégory à créer le concept et qui les encourage aujourd'hui à le développer. Le temps de régler deux, trois paramètres sur l'application Androïd toute fraiche, ils se lancent à la conquête de Nantes et Marseille. Cela dit, Thibault ne s'attendait pas à ce que l'intérêt pour le jeu prenne de telles proportions. « Certains ont mis parfois leur vie personnelle ou professionnelle de côté pour aller se checker dans des quartiers particulièrement loin de chez eux et faire du score ! ».
Difficile en effet de ne pas être captivé par le jeu dont les rebondissements sont permanents. Ce suspense haletant révèle une passion toujours grandissante pour la ville et un intérêt grandissant pour la découverte. Battleparis n'est qu'un jeu et il n'y a évidemment aucune forme d'animosité entre participants, aussi belliqueux soient-ils sur le mur du camp (forum d'équipe, nda). Le jeu, réellement interactif, pousse surtout à parcourir Paris, la tête en l'air, les yeux grands ouverts... En criant « Go Belleville ! ».