Bartholomée I : le chef spirituel de 300 millions d’âmes en interview
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Le chef spirituel de 60 ans est né Dimitrios Arhondonis et a vécu entre l'Italie, la Suisse et l'Allemagne (Photo: Massimo Finizio/ Wikipedia) Il parle sept langues et se sent en parfait accord avec la cause écologiste.
Bartholomée I est le chef de l’Eglise orthodoxe, soit d’une diaspora de 300 millions de personnes présentes en Europe de l’est, du nord et dans le bassin méditerranéen… Et c’est à Istanbul que l’équipe d’Athènes de cafebabel.com l’a rencontré.
cafebabel.com : L’Église catholique romaine et le patriarche orthodoxe savourent un « dialogue de vérité » depuis 1980 malgré un millénaire de séparation. L’union des deux églises serait-elle finalement possible ?
Bartholomée I : Le patriarche œcuménique mène le dialogue entre les différentes obédiences chrétiennes depuis les années soixante. Au cours de la visite du pape Benoit XVI en 2006, nous avons signé une déclaration conjointe et il a récité le Pater Noster pendant le service orthodoxe. Le patriarche œcuménique prend part à la Conférence des Églises Européennes (CEC) et encourage le dialogue même si les divergences sont d’importance puisque nous sommes séparés depuis dix siècles.
cafebabel.com: L’Etat turc ne reconnait pas la légalité du patriarche œcuménique, mais il semble avoir reconnu qu’il s’agit d’une institution universelle…
Bartholomée I : Jusqu’à présent, la position du gouvernement turc s’est avérée contre-productive, avant tout pour ses propres intérêts. Mais les développements actuels sont positifs. Il est acquis que nous n’avons pas et n’avons jamais eu d’aspirations ou d’intérêts politiques. Certains arguments, peu crédibles, selon lesquels nous tenterions de recréer un « second Vatican » dans le quartier de Phanar ont été parfois exprimés. Le Premier ministre turc Erdogan a visité l’orphelinat grec sur l’île de Büyükada (dans la mer de Marmara) avant que la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg ne légifère sur notre droit à la propriété. Ce fut un geste politique courageux, d’un symbolisme extrêmement fort. De plus, nous recevons la visite de tous les politiciens qui viennent en Turquie.
cafebabel.com: Vous êtes salué comme étant le « patriarche vert ». Si les chefs religieux ne peuvent pas influencer les gouvernements, au moins ils peuvent influencer la conscience environnementale des croyants. Vous êtes d’accord ?
Bartholomée I : Il est quasiment infaisable d’avoir une influence sur les gouvernements. Les arguments financiers sont tels qu’ils rendent impossibles une entente entre les politiques eux-mêmes, comme on a pu le constater à Copenhague. La crise mondiale est avant tout conceptuelle et concerne les valeurs. Le mot écologie vient du grec « eco » et « logos », « eco » (oikos) signifiant notre maison. Nous sommes responsables de la planète que nous laisserons aux générations futures. Il nous faut d’abord comprendre que nous ne sommes pas les propriétaires mais les gestionnaires d’un monde que Dieu nous a confié.
Les membres de cafebabel Athènes rencontrent Bartholomée I à Istanbul
cafebabel.com: Est-il facile d’embrasser les concepts et les valeurs de l’orthodoxie dans une Europe occidentale imprégnée de catholicisme et de protestantisme ?
Bartholomée I : Les jeunes gens ne se sentent pas en sécurité. L’Eglise Orthodoxe peut leur offrir la foi originelle, telle qu’elle a existé pendant les dix premiers siècles de notre route commune vers l’occident : la foi et l’église comme les vrais corps du christ. Avant le grand schisme de 1054 (qui a séparé les Eglises catholiques et orthodoxes, ndlr) toute l’Europe était orthodoxe. Nous enseignons l’authenticité, l’ascèse morale et la spiritualité, qui font défaut dans les églises protestantes et catholiques. L’Occident a été coupé de ces valeurs et c’est précisément ce qui justifie la nostalgie qui se manifeste aujourd’hui.
cafebabel.com: Récemment, l’écrivain américain Stephen Hawking a provoqué l’émotion quand il a déclaré que l’univers pouvait exister sans créateur. La science et la foi sont-elles compatibles ?
Bartholomée I : La foi et la science sont complémentaires parce qu’elles mènent au même objectif de vérité. Einstein a dit une fois : « La science n’a pas de Dieu mais les scientifiques en ont un. » L’Eglise Orthodoxe n’est pas contre la science. Nous n’avons pas eu de Galilée. Les déclarations comme celle de Stephen Hawking sont provocantes et ne servent finalement qu’à diviser les gens. Notre approche est que tout ce qui fait partie de l’univers créé et que nous voyons autour de nous n’a pu exister que parce qu’il y a un créateur. Il y a quelques jours, je faisais une promenade dans le jardin avec des amis. En saisissant une fleur, j’ai remarqué à quel point elle était parfaite et belle comme elle avait été façonnée de façon artistique et judicieuse par des milliers de fleurs plus petites. C’était un régal à contempler. Ceci ne peut pas être le fruit du hasard.
Lisez l’interview Le patriarche Bartholomée I : Avant le Grand Schisme de 1054, toute l’Europe était orthodoxe, sur le babelblog d’Athènes
Photos : © Elpidoforos Lambriniadis (secrétaire du Saint Synode); © Nikos Magginas, photographe du patriarche
par Angelina , Giorgos Kokkolis , Ozcan Tikit Traduction : Audrey Laporte