Barcelone : la nuit, les rideaux prennent vie
Published on
Translation by:
Amélie MarinTout comme Berlin et New York, Barcelone est généralement reconnue pour avoir la scène de street art la plus vibrante et la plus abondante d'Europe. Mais contrairement à Berlin, les autorités de Barcelone n'ont jamais accepté la culture du graffiti.
Début 2011, il est devenu légal de peindre les persiennes, les portes métalliques enroulables qui protègent les boutiques de la ville et qui ne sont pas visibles de jour lorsque les magasins sont ouverts. Les graffitis dans ces zones prennent vie seulement et exclusivement la nuit. Il en reste encore beaucoup aujourd'hui et quelques uns ont été capturés par mon appareil photo.
"Graffiti" est un terme argotique - le terme vient du mot grec graphein (écrire) et signifie gribouiller ou dessiner sur une surface plane - qui recouvre un large champ, des mouvements simples, des signatures jusqu'à des compositions artistiques plus complexes.
Les graffitis ont une longue histoire allant des premières peintures murales du Paléolithique, quand les murs des grottes étaient peintes avec différents pigments naturels, aux inscriptions au crayon sur les murs des édifices des villes antiques de Pompéi et Athènes, jusqu'aux inscriptions écrites par les Nazis pour répandre leur propagande anti-juive. Les graffitis ont acquis l'image que nous leur connaissons aujourd'hui dans les années 70 du siècle passé, et c'est comme tels qu'ils furent associés à la formation de la subculture noire à New York.
Depuis la chute de Franco dans les années 70, Barcelone est devenue une ville à la culture de bohème qui a récupéré ses racines catalanes. Durant quelques décennies, la ville fut florissante grâce à la liberté, le graffiti et la musique. Une conversation publique existait dans les rues entre les artistes et les gens.
Il y a de grands noms du street art à Barcelone, comme Pez Pescao - sur la photo - et ses créatures souriantes, surtout tous les poissons, entre autres, B-Toy, Kram, Ogoch, Kenor, Tom14, SM172, Gola e beaucoup d'autres.
L'année dernière, Barcelone a organisé le deuxième rassemblement de graffitis, appelé Fem Graf, qui souligne et promeut les artistes féminines qui représentent un segment grandissant du monde du street art.
Le ''Xupet Negre'' ou ''Chupete Negro'' en espagnol, est le nom du célèbre artiste qui dessine les tétines dans tout Barcelone, mais dans une interview au journal Metro de Barcelona, il dit qu'il préfère désormais aller dans des villages aux abords de la capitale catalane et travaille sur des murs qui ne dérangent personne.
Les petits commerçants ont cru qu'ils embelliraient la ville en demandant aux artistes graffiti de peindre leurs rideaux plutôt que de les laisser aux vandales. Depuis deux ans, ces commerçants risquent une amende pouvant aller jusqu'à 700 euros. Les autorités de la ville essaient de prendre des mesures énergiques envers ce "comportement antisocial". La société d'aujourd'hui est très répressive, avec beaucoup d'interdits, ce qui rend plus difficile le développement du graffiti.
C'est une grande contradiction que de ne pas laisser les artistes peindre dans des espaces publics, même avec l'autorisation des propriétaires, alors que le même Conseil monte des expositions onéreuses sur le graffiti dans des galeries d'art. Et s'il ne s'agissait que de cela, Barcelone gagne beaucoup d'argent avec les touristes et leur Route du street art.
Il existe à Barcelone un projet appelé MBPA, établi avec l'aide de crowfunding en 2012 qui promeut la découverte et protège la liberté d'expression dans les rues de Barcelone. En octobre 2012 avait lieu sa première exposition Las calles hablan [Les rues parlent, ndlr], avec des oeuvres d'artistes graffiti. Elles se trouvent actuellement au centre de la création d'un documentaire sur l'art du graffiti à Barcelone.
Il est triste de voir qu'il existe la menace imminente que les rideaux peints, qui attirent l'attention la nuit, ne soient plus là à l'avenir.
Photos de Nina Behek, photo d'introduction de Miha Mohorič.
Translated from Por la noche las persianas cobran la vida