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Aube dorée : le diable porte un chapelet

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SociétéEU-TOPIA ON THE GROUND

S'il y a une chose que l'on ne peut pas reprocher à Kostas Barmbaroussis, député du parti Aube Dorée, c'est sa bonhomie. Engagé dans une dangereuse stratégie de « normalisation » et très impliqué dans la vie sociale, le parti d'extrême-droite serait aujourd'hui la troisième force politique de la Grèce. Et le futur du pays ?

Kostas Barmbaroussis a de faux airs de d'Artagnan. Il porte une fine moustache, de longs cheveux noirs ondulés et son discours prend des accents de preux chevalier, prompt à défendre la veuve et l'orphelin. « Il n'y a pas de démocratie aujourd'hui en Grèce. Sauf si vous considérez que la démocratie, ce sont une poignée d'hommes politiques qui possèdent toute la richesse du pays et vole le pain de la bouche d'un peuple qui a faim. »

« Rien à voir avec le fascisme »

Kostas Barmbaroussis a 33 ans, il est père de trois - bientôt quatre - enfants et député d'Aube Dorée. Son véritable modèle - et pas seulement capillaire - c'est le général Georgios Karaïskákis, héros militaire de la guerre d'indépendance grecque au 19 ème. « Je suis un nationaliste grec. Rien à voir avec le fascisme. Cette tradition appartient à l'Italie, tout comme le nazisme appartient à l'Allemagne. »

Au départ revue créée dans les années 80 par l'inquiétant Nikólaos Michaloliákos, un activiste d'extrême droite, Aube Dorée est passée d'une formation confinée aux milieux ultras et para-militaires (rassemblant à peine 0,3% d'électeurs) à un véritable parti politique, réunissant 7% des suffrages, lors des législatives en juin 2012. La formation séduirait aujourd'hui 13% des intentions de vote.

Salut les musclés.

Confortablement alangui dans le canapé du lobby d'un hôtel proche de la gare Larissa, le fief d'Aube Dorée à Athènes, Kostas Barmbaroussis allume tranquillement une cigarette. Il n'hésite pas à jouer les Pythies. Ainsi, la crise dans laquelle est engluée le pays depuis 2008, était prévisible : « Avant les Grecs ne pensaient qu'à s'amuser, gagner et dépenser leur argent, sans penser à l'avenir. Les Jeux Olympiques de 2004 ont signé l'apogée de la décadence dans notre pays. » 

« Avant les Grecs ne pensaient qu'à s'amuser, gagner et dépenser leur argent, sans penser à l'avenir »

Avec son slogan, « la Grèce aux Grecs », Aube Dorée aligne une rhétorique xénophobe et souverainiste, aux accents révisionnistes, qui trouve un écho de plus en plus favorable auprès d'une population, étranglée par les cures d'austérité successives. Dans un pays devenu la passoire de l’immigration irrégulière de l’Union européenne, en récession et où le chômage culmine à 26%, les étrangers sont tenus responsable des maux de la société, et l’Etat accusé de ne pas jouer son rôle. D'abord électricien, agriculteur puis routier, Barmbaroussis qui siège désormais au Parlement hellène avec dix sept autres « collègues », fustige « la classe grecque de politiques qui n'ont jamais travaillé de leur vie. »

Agriculture, satanistes et mine antipersonnel

Habillé tout en noir, de la racine de sa crinière aux rangers, Barmbaroussis milite pour Aube Dorée depuis une dizaine d'années. Il a bien intégré le discours officiel : « La division politique entre droite, gauche et centre est artificielle. Il y a ceux qui aiment la Grèce et puis les autres. » Lui a commencé par coller des affiches et distribuer des tracts dans sa région natale, dans l'Ouest de la Grèce, avant de s'engager « pour aider les Grecs ». A l'image d'une ONG, le parti mène des actions très concrètes pour la population : distribution de nourriture, de vêtements, aide aux personnes âgés ou consultations médicales gratuites. La priorité du parti : « rétablir l'ordre ». Ses piliers : « la patrie, la religion et la famille ».

Quand il ne met pas la main sur le cœur, Barmbaroussis joue avec son chapelet. « Certains essaient de nous faire passer pour des satanistes, qui se réunissent dans des caves et mangent des enfants. Nous avons deux bras, deux jambes, nous sommes des chrétiens orthodoxes », martèle t-il doucement.

De bons samaritains en somme. Une vidéo qui circule sur Internet montre Barmbaroussis, accompagné de quelques militants d'Aube Dorée débarquer dans un marché de Messolonghi et détruire les stands d'immigrés, tout en glapissant des menaces racistes. « Nous sommes venus à la demande des commerçants et nous avons tapé dans quelques cartons vides, voilà tout. Les médias exagèrent. »

« La Grèce est le berceau de l'Europe et la révolution partira d'Athènes »

Les agressions physiques, les intimidations de clandestins sont devenues monnaie courante chez les militants d'Aube Dorée qui se livrent régulièrement à des « descentes » violentes pour « nettoyer » les quartiers d'immigrés. Un meurtre d'un migrant pakistanais a eu lieu en janvier 2013. Barmbaroussis esquisse un sourire : « C'est évident, tous nos partisans n'agissent pas de manière sensée. Les Grecs ne sont pas racistes. Il est temps d'élaborer une stratégie politique pour lutter contre l'immigration clandestine. » La solution ? Parsemer la frontière avec la Turquie de « mines » et y installer des « policiers armés ». Il faut aussi rétablir la peine de mort pour les « assassins », immigrés ou pas, qui transforment le pays en « jungle ». Ils sont dangereux et en plus, « transmettent des maladies ».

Aube Dorée, dont la propagande et les symboles sont semblables à ceux du national-socialisme, est souvent qualifié de « néo-nazi ». « Disons plutôt que ce sont les Allemands qui nous ont contrefaits. La croix gammée est un symbole grec et le salut hitlérien emprunté à la Rome antique. Cela fait partie de notre patrimoine culturel. » Si Barmbaroussis n'a rien contre l'Allemagne du IIIè Reich, Angela Merkel elle lui déplaît fortement. Élevée en ex-RDA, la Chancelière est forcément « communiste » et sa politique actuelle « manque de solidarité ». Le député d'Aube Dorée qui ne parle pas l'anglais et prône une sortie rapide de l'Union européenne se sent pourtant « Européen ». « La Grèce est le berceau de l'Europe et la révolution partira d'Athènes. »

Le remède à la crise de la dette prôné par le parti est aussi très simple. « Arrêter d'emprunter à la BCE, sortir de l'euro-zone et revenir au drachme. Un pays souverain doit avoir sa propre monnaie. » Il faudra rétablir la production nationale, « la Grèce importe beaucoup trop ». Et devenir « auto-suffisant, les Grecs doivent repartir à la campagne et travailler la terre. Nous avons beaucoup de ressources ».

Kostas Barmbaroussis lui a arrêté l'agriculture. Depuis qu'il est député, il touche une indemnité parlementaire, comprise entre 7 000 et 8 000 euros et dont il reverse « la moitié » au parti pour la cause. « Nous sommes des gens normaux. Nous n'avons rien à cacher. »

Photos : Une et Texte © photo officielle du Parlement (courtoisie) ; Vidéos (cc) PlumeaberlinX/YouTube