Au secours de l’islam
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Les organisations de secours islamiques ne sont apparues dans les médias européens qu’après les attentats du 11. Septembre 2001. Il leur était reproché d’avoir soutenu Al-Qaeda et d’autres groupes terroristes. Un regard dans ce secteur opaque montre que la réalité est beaucoup plus complexe qu’elle n’apparaît. Après le 11.
Septembre 2001 les organisations humanitaires islamiques ont été soupçonnées par les services de renseignements américains et européens d’avoir servi au financement du terrorisme. Aux Etats-Unis à la suite des attentats la plupart des organisations ont été interdites, leurs bureaux fermés et leurs comptes gelés. Pourtant beaucoup de ces mesures sont restées controversées puisque les accusations n’ont jamais pu être confirmées.
Si la situation de certaines organisations tel que Al Kifah Refugee Center à New York, qui avait étroitement collaboré avec Osama bin Laden aux années 1980 pour le recrutement de volontaires pour l’Afghanistan, laissait peu de doute, il n’a jamais été possible de prouver des contactes terroristes à Global Relief Foundation (GRF) ou à Islamic American Relief Agency (IARA). Ainsi Rabih Haddah, le directeur de GRF, fut expulsé au Liban après dix-huit mois de détention, sans avoir été mis en justice.
Des contacts aux terroristes difficiles à prouver
En Europe les services de renseignement sont également intervenus contre plusieurs organisations. Ainsi en été 2002 la centrale de Al Aqsa Foundation en Allemagne a été fermée sous le soupçon d’avoir collecté de l’argent pour le Hamas. Mais l’interdiction est restée une exception en Europe. Plusieurs autres organisations tel que le Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens en France ou le Palestinian Relief and Development Fund en Grande Bretagne sont échappé à une interdiction, malgré des soupçons sur des liens au Hamas.
La difficulté était, que le Hamas, comme d’autres mouvements islamistes, est un parti politique et un groupe armé, mais aussi un mouvement social, qui maintient un large réseau d’institutions caritatives. C’est pourquoi il n’était pas sûr que les donations destinées aux écoles et hôpitaux ne soient pas utilisés pour financer des attentats suicides. Mais en même temps il était impossible de nier l’objectif humanitaire des institutions caritatives du Hamas.
Même si en Europe la plupart des organisations humanitaires islamiques ont échappé à leur fermeture, elles ont quand même été obligées à se distancier des mouvements islamistes, d’ouvrir leurs transactions financières et de renoncer aux activités prosélytes. Ainsi, le 11/09 a lancé ou accéléré un procès qui pour des nombreuses organisations a mené à une distanciation des origines militantes du secteur et au rapprochement au modèle occidentale.
Des origines dans la lutte contre les infidèles
La plupart des organisations de secours islamiques ont été créées aux années 1980 en soutien du jihad afghan. La mobilisation financière et idéologique contre l’occupation soviétique fut particulièrement grande parmi les musulmans en Europe, écrivent Jérôme Bellion Jourdan et Jonathan Benthall dans le ‚The Charitable Crescent’, dans laquelle ils décrivent les origines, le développement et les objectifs du secteur humanitaire islamique.
Beaucoup de ces organisations, qui pendant la guerre ont distribué de l’aide en Afghanistan, comprenaient leur engagement comme une contribution au jihad contre les infidèles. C’est pourquoi la distinction entre l’humanitaire et le militaire n’était souvent pas très nette au début. Mais en tant qu’alliés dans la lutte contre les soviets elles étaient quand même financées par les pays européens et arabes. Seulement à la fin de la guerre en 1989 les donateurs ont rompu avec leurs alliés islamiques, dont ils craignaient l’influence.
Parmi ces organisations fondées aux années 1980 se trouvent Muslim Aid (Londres) et Islamic Relief (Birmingham). Ils sont aujourd’hui les plus importantes organisations en Europe. Leur développement est représentatif pour tout le secteur de secours islamique. Muslim Aid fut crée par un groupe de dignitaires musulmans et fut longtemps dirigé par Yusuf Islam, alias Cat Stevens. L’organisation est plus conservateur que Islamic Relief qui dès les années 1990 a commencé à prendre ses distances envers ses origines militantes.
Un changement de culture face aux défis
Pour la modernisation progressive d’Islamic Relief il y a plusieurs causes. Premièrement, la croissance de l’organisation, qui aujourd’hui a des sections dans dix états et des projets dans vingt pays, l’a obligé à reformer sa structure. Des projets toujours plus complexes l’ont rendu nécessaire de remplacer les volontaires, qui avaient fondé l’organisation, par des salariés professionnels, qui étaient moins militants et plus pragmatiques.
Deuxièmement, selon ce qu’écrit Abdel Rahman Ghandour dans ‘Jihad humanitaire’, l’espoir de recevoir des fonds publics a mené les organisations à s’adapter aux demandes des fonds institutionnels. Elles ont noué des contacts aux institutions et organisations occidentales, qui jusque là avaient été moins perçues comme des partenaires que comme un menace. Aujourd’hui Islamic Relief et Muslim Aid sont membres dans plusieurs conseils occidentaux.
Troisièmement, après les attentats du 11/09, face à la pression publique et politique, elles ont dû se distancier des mouvements islamistes et renoncer aux objectifs prosélytes pour échapper à la poursuite des services de renseignement. Pourtant, malgré ces changements Muslim Aid et Islamic Relief restent des organisations très religieuses, qui s’adressent en premier lieu à un public musulman. Bien qu’elles prétendent aider tous ceux en besoin, indépendamment de leur appartenance religieuse, elles n’interviennent qu’auprès des populations musulmanes.
Il reste alors le soupçon que le secteur de secours islamique n’a adapté que son discours sans changer la pratique. Bien que cette accusation reste difficile à réfuter elle est dans sa généralité injustifiée et injuste. S’il serait irraisonnable de nier le rôle du secteur dans la propagation d’un islam radical ou de contester son implication dans le financement de terrorisme et de violence, il serait injuste de douter de la sincérité des musulmans de venir au secours de ceux en besoin.