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Au panthéon présidentiel américain.

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Babel'Histoire

S’il est une phraséologie commune en Europe et aux Etats-Unis, c’est bien celle de la « rupture » et la « continuité »., le second terme étant prescrit en cas de situation politique favorable, situation devenue bien rare. Aux présidentielles françaises de l’an passé comme à celles américaines le mois prochain, la rupture est d’actualité.

Qu’il s’agisse de marcher dans les empreintes de ceux qui ont précédé, ou de tracer un chemin radicalement différent, la politique se construit toujours en rapport au passé. Démonstration avec quatre présidents qui ont marqué l’Amérique.

Dans les mémoires, « ils y restent tous » rassure Dominique Turpin, professeur de Droit à l’Université d’Auvergne (Clermont-Ferrand). Certains cependant sont, dans ce souvenir, plus égaux que les autres. Et d’abord George Washington, le premier président qui s’est distingué, au milieu du XVIII siècle, comme officier des colons anglo-américains contre la menace française, pour la conquête du territoire. C’est lui encore qui commande l’armée continentale et sera la figure de proue lors de la Déclaration d’indépendance, le 4 Juillet 1779, commémorée religieusement chaque année.

Un siècle plus tard, l’avocat de l’Illinois, Abraham Lincoln, supprime l’esclavage et permet la victoire de la guerre de sécession contre les ‘sudistes’ déterminés à maintenir l’exploitation négrière. A défaut d’être de bons connaisseurs de l’Histoire américaine, les Européens mettent au moins des noms sur des visages grâce à ce lieu commun des séries télé et autres téléfilm montrant les enfants américains représentant, comme pièce de fin d’année, l’un de ces deux grands moments de l’histoire nationale, couronné par l’apothéose d’un discours politique annonçant déjà le destin prometteur des Etats-Unis.

Pourtant, c’est dans les difficultés que Franklin Roosevelt acquit sa notoriété. Au moment de la crise de 1929 (et c’est le moment d’en parler), il a l’initiative presque révolutionnaire de rompre avec l’hyper-capitalisme américain grâce à l’interventionnisme étatique que prévoit le New Deal. Autre rôle majeur, cette fois-ci pour l’Europe : il sauve le vieux continent du nazisme par l’engagement en 1941 des Etats-Unis dans la guerre. Un engagement qui, pour avoir été tardif et intéressé (le pays est alors menacé après l’attaque japonaise de Pearl Harbour) tend à être minoré par la conscience européenne. Peut être à tort, les américains, eux, n’ont jamais éreinté leur hommage au Marquis de Lafayette (auvergnat) qui intervient lors de la guerre d’Indépendance. Elu quatre fois malgré son âge et la maladie, Roosevelt est également à l’origine de la limitation à deux des mandats présidentiels américains.

« Le quatrième qui a laissé sa marque, plus au niveau du mythe que de la réalité, c’est Kennedy » estime le professeur Turpin. Jacky Kennedy et Marylin Monroe n’y sont sans doute pas pour rien, mais c’est paradoxalement son assassinat prématuré en Novembre 1963 à Dallas, qui allait lui assurer une postérité à la hauteur de son charisme, dissimulant une politique (Guerre du Vietnam notamment) que l’histoire ne lui a pas laissé le temps de défendre, pour le pire ou le meilleur.

Les autres n’en sont pas moins des laissés pour compte : « Plus près de nous, le président Clinton, s’il ne laissera peut-être pas un souvenir aussi important que ceux que nous avons cités, a bien réussi. Outre ses quelques problèmes de vie privée un peu agitée et un peu indigne pour un président, il a eu un grand sens de la politique et peut-être aussi la chance d’une conjoncture favorable ». Et quid de Reagan, pierre angulaire du néo-libéralisme et cœur du trio Kissinger-Reagan-Thatcher ? « Un acteur de série B dont tout le monde en Europe, surtout les intellectuels se sont moqués, le considérant comme un être primaire ». Mais le juriste de nuancer : « Alors on aime ou non sa politique. Mais Reagan n’aura pas laissé aux américains et au reste du monde un mauvais souvenir. Il aura été un président à la hauteur de sa fonction »

A un mois des présidentielles, ce panoramique non exhaustif des grands hommes outre atlantique n’est pas dénué de sens. Si George W. Bush «va laisser une Amérique repliée sur elle-même, frileuse ; une Amérique peureuse, en crise, pas aimée voire parfois haïe du reste du monde et pas seulement du Tiers Monde et des musulmans », ce coup d’œil montre que l’Histoire américaine est ponctuée de grands hommes accomplissant de grandes choses. Et c’est tout ce que l’histoire souhaite au prochain président.