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Asa : « L’Afrique a tout ce qui manque aux pays riches »

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Chanteuse nigériane oscillant entre Paris et Lagos, digne héritière de la musique afro-folk à la Tracy Chapman, Asa, 25 ans, incarne le trait d’union musical entre Europe et Afrique.

J'ai rendez-vous avec Asa, prononcez ‘Asha’, dans les locaux du label de la maison de disques, ‘Naïve’, au coeur du quartier pour le moins sulfureux de Pigalle. Dernière interview d'une journée chargée en promotion pour la 'révolution soul' de l'année : Asa vient de sortir son album éponyme, j'arrive après une session live. Avec un soin quasi amoureux, la chanteuse dépose sa guitare dans une housse qui semble trop grande pour sa propriétaire. Pourtant, elle n’a rien de frêle : lunettes carrées, dreads et sourire qui lui mange le visage.

Asa est née en 1982 à Paris. Elle y passe les deux premières années de sa vie avant que ses parents ne décident de rentrer vivre en Afrique, cap sur le Nigéria. Plus tard, elle en a voulu à ses parents d'être partis trop tôt, de ne pas lui avoir laissé le temps de grandir là. Rapidement, elle est revenue sur ce regret, cessant de voir dans ce départ une malédiction. C'est alors qu'elle a appris à aimer l'Afrique et à ne plus vouloir la fuir.

Depuis, elle considère qu'il est de son devoir de l'expliquer aux jeunes Africains. « Pourquoi vouloir aller dans un pays où on va vous mépriser ? », dit-elle. Quand je lui demande ce qu'elle voudrait dire à cette jeunesse qui rêve de départ et d'Occident, elle me répond qu'elle les comprend. »Quand on est jeune, il est normal de vouloir voir autre chose. »

Ailleurs

De fait, Asa a été rapidement à la découverte de cette altérité. Lorsqu’elle quitte l’Hexagone pour Lagos d’abord, bébé. Puis alors, à peine âgée d’une vingtaine d’année, elle participe à un programme du ministère des Affaires étrangères censé encourager les jeunes artistes et obtient une bourse pour aller passer trois mois dans l’Hexagone. Elle (re)découvre la France, puis l'Europe, synonyme d'ouverture. De cette expérience, Asa, en garde « une image d'ouverture et d'opportunités où la culture est plus accessible ».

Elle se sent surtout « reconnaissante » à l’égard des personnes qui ont su se montrer « accueillantes et encourageantes » envers elle.

Logiquement, c'est à Lagos, l'ancienne capitale du Nigéria, qu'elle se sent désormais chez elle. Souvent comparée à New York, cette ville est un métissage constant: les religions cohabitent, les cultures se mélangent, s'entrechoquent, se choquent et s'en moquent.

Asa n’hésite pas évoquer son enfance à Festac town, un quartier qu'on appellerait volontiers ghetto. « Je préfère parler de projet parce que c'est ce que c'était. C'était un beau projet qui n'a pas réussi en tout. Bien sur, c'était un quartier assez populaire et même plutôt pauvre, mais il y avait aussi beaucoup d'artistes qui vivaient là. Il y avait de l'amitié et on riait beaucoup. »

Pour autant, Asa en vient parfois à se demander si elle a eu « une enfance exactement heureuse ». Née en France où elle revient régulièrement, Asa sait qu'elle « y vient en visiteuse ».

Exploratrice musicale

Exploratrice assidue qui n'oublie pas où sont ses racines, elle peut porter un regarde critique sur notre société. En France, Asa dit se prêter au jeu de la critique construite. Elle passe de l'improvisation, son mode d'expression fétiche, à l'écriture. Et comme il semble loin, le temps des radio-crochets. Des deux concours auxquels elle a participés, elle garde un bon souvenir et la satisfaction « de ne pas avoir gagné. » « Lorsque je réécoute la première chanson que j'ai enregistrée, je me dis qu'il y avait encore tellement de chemin à faire », poursuit t-elle.

Asa ou le contrepied des valeurs classiques, Asa que les chorales refusaient à cause d'une voix jugée trop grave. Bercée par un père fan de musique noire américaine, tendance soul-reggae, fascinée par Nina Simone, Marvin Gaye, Aretha Franklin puis l’afro-folk sur les traces de Tracey Chapman, Erikah Baduh, voire même Ayo. Elle se souvient d’avoir longtemps eu pour seul public une «foule imaginaire venue l'écouter jouer sur le morceau de bois qu'elle utilisait comme guitare ».

Griot

Elle sait depuis toute petite qu'elle a « quelque chose à dire », un message que ses mélodies chaloupées n'altèrent pas. Dévouée à ce dont elle parle comme d'un « devoir », investie dans la transmission de ce qui l'habite, Asa parle et sourit. Et quand l'attachée de presse vient lui signaler qu'elle doit se rendre à un diner, elle demande une dizaine de minutes. Pour mieux m'expliquer.

Me raconter encore qu'elle voyage et aime la nouveauté. Qu'elle a un « attachement particulier » pour la France. Elle ne se sent néanmoins pas chez elle ici et vient surtout pour trouver « des idées, des talents » qu'elle pourra utiliser à bon escient de retour chez elle. Pense-t-elle que l'Europe manque de respect à l'égard des immigrés d'origine africaine ? En guise de réponse, elle mentionne les tests d'ADN, le contrôle de l'immigration, visiblement mal à l'aise.

« Il faut que tous les immigrés reviennent, emplis de nouveaux savoirs », affirme t-elle enfin. « Il faut qu'ils rentrent chez eux, le seul endroit où ils peuvent être eux-mêmes. A quoi bon accepter d'être opressé ailleurs quand notre terre natale a besoin de nous ? »Elle hausse les épaules. « On dit que l'Afrique est sous-développée, mais on a tout ce dont les pays riches manquent cruellement : de l'amitié, la solidarité, l'entraide et le sourire. » Donc acte.

Le premier clip d'Asa 'Fire from the moutain'

ASA [asha] - Fire On The Mountain

envoyé par naiverecords

Asa est en concert à La Boule Noire, les 5 et 6 novembre 2007