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Arthur H : « je pousse les gens à faire l’amour en écoutant ma musique »

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La Parisienne

Arthur H a enregistré 13 albums. Le dernier, Baba Love, est peut-être celui qui caractérise le mieux cet artiste qui s’appréhende par des paradoxes, beaucoup de réflexions, des soupirs, son père (Jacques Higelin), l’amour et une passion pour les mots. Interview.

Obama vient d’être réélu président des Etats-Unis d’Amérique. En 2008, tu lui avais dédié un live à New-York. Quatre ans après, tu as un message à lui faire passer ?

Arthur H  (7 anges passent – il regarde le plafond) : Obama est sûrement un mec génial mais assez désespérant dans la mesure où il entend faire des compromis alors qu’aujourd’hui on ne peut plus en faire. Ce n’est pas possible. Il y a 4 ans, il a fait croire aux gens qu’un changement était possible. En fait, il l’est pas vraiment s’il est pas capable de prendre des décisions un peu radicales. Si je pouvais lui donner un conseil, ce serait d’être un peu plus révolutionnaire, de vraiment proposer des idées nouvelles au lieu de satisfaire tout le monde. Sinon, on ne va jamais arriver à s’en sortir.

Justement. Durant le même concert, tu avais inventé un mot « Flucker ». Tu peux me dire ce que tu en entendais par là ?

Arthur H : Ouais, là tu parles de choses qui sont assez vieilles pour moi, qui datent de trois quatre ans ouais. Je m’en rappelle plus, c’était un délire à l’époque.

Je trouve qu’une implication dans la musique comme danser ou faire l’amour, c’est le paradis du musicien car d’un seul coup il voit concrètement l’impact qu’à sa musique.

Ok… euh. Pourquoi Baba dans « Baba Love » alors ?

Arthur H : Baba c’est un vieux mot, une racine indo –européenne qui veut dire « stupéfait  » « ébahi » « étonné ». Quand on n’a plus les mots, quand les mots ne sont plus nécessaires pour caractériser un étonnement. Et le « love » c’est cet état là. On n’a plus besoin de concept, on n’a plus besoin de pensée. On s’en remet aux sensations, aux vérités dans le moment. Je pense que c’est des moments agréables, qui sont des moments de la musique, du jeu, des endroits où l’on se régénère. Où l’on se fait du bien. Puis voilà, je trouve qu’une implication dans la musique comme danser ou faire l’amour, c’est le paradis du musicien car d’un seul coup il voit concrètement l’impact qu’à sa musique. Donc je pousse les gens à faire l’amour en écoutant ma musique.

C’est quoi la démarche sur ce disque alors, une introspection ?

Arthur H (pause plafond) : On est des vieilles âmes, des vieux personnages, des vieux corps donc parfois il faut enlever toutes ses vielles peaux. Il faut muer, trouver la peau de l’enfant, de l’adolescent. Juste pour la nécessité d’éprouver de nouvelles sensations.

« Prendre corps  » « Dis-moi tout  » sont des titres sur lesquels tu montes très haut. On avait plutôt l’habitude d’entendre une voix très grave. C’est quelque chose que tu as travaillé pour ce nouvel album ?

Arthur H : Je la travaille tout le temps pour me permettre d’avoir une voix libre surtout sur scène, d’être comme un espèce de tuyau qui résonne. Je crois que le secret c’est d’être complètement vide, d’être rien et d’avoir du plaisir à être rien. D’avoir le moins de résistances possibles pour que la vibration soit la plus pure, que la résonnance ne soit pas arrêtée. C’est ce plaisir que je cherche sans cesse : celui de me vider, de penser à rien, de me connecter aux gens. Alors évidemment, c’est plus facile sur scène parce que je sens tout l’espace du théâtre, je sens le son qui se propage.

Pendant l’écriture de Baba Love, t’étais amoureux ?

Arthur H : Ouais. Enfin, je venais de quitter ma femme en fait. Et dans ces moments-là on est à la fois perdu et libre. Donc j’ai voulu expérimenter ma liberté et en jouir malgré toute la culpabilité que je pouvais ressentir. Donc voilà, ça parle de ça. De quelqu’un qui avait envie d’explorer de nouvelles choses, de s’autoriser un peu de liberté.

Pourtant l’album est plutôt joyeux…

Arthur H : Ouais. Je n’ai pas du tout mentionné que c’était un album de séparation parce que justement, c’est un disque qui parle beaucoup d’amour de la vie. Et je ne voulais pas que… (il marque une pause – substantielle). Peut-être que j’aurais dû faire un album triste.

J’avais ce père qui était une espèce de surhomme - impressionnant - adulé par les foules. Ça m’a demandé pas mal de caractères pour ne pas simplement disparaître.

On a dit plein de trucs sur ta voix éraillée, que tu picolais, que tu fumais. C’est naturel ?

Arthur H : Ouais, c’est naturel. On ne peut pas transformer sa voix. C’est mon ADN, mon truc particulier.

Même chose sur les étiquettes : Gainsbourg, Tom Waits… Quelle est la référence qui t’as fait le plus chier ?

Arthur H (dans les yeux) : Je trouve qu’en général les journalistes sont trop feignants. C’est un métier où il y a très très peu d’éthique professionnel. C’est un métier où t’as le droit de dire n’importe quoi. Où tu penses que tu dois plaire au plus grand nombre. Donc tu penses que tu dois prendre le plus grand dénominateur commun. Ça ne marche que sur des références de toute manière pratiquement obligatoirement fausses. Donc c’est sûr qu’à un moment il faut lâcher prise, parce qu’il y a tellement peu de connaissances, peu de travail. Tu peux réajuster le truc, mais les gens ne t’entendent pas. Ce qui les intéressent c’est ce qu’il pense eux donc à un moment il faut juste accepter ce jeu. Bon parfois, il y a des bons journalistes mais c’est quand même très rare.

C’est marrant parce que tu disais l’inverse dans une vidéo (celle-ci à 6’36) …

Arthur H : Ouais. C’était de l’humour noir alors (puis rires)

Bon. La famille. Désolé, je suis obligé d’y passer. Ça faisait quoi d’avoir un papa musicien à la maison ?

Arthur H : Ben écoute, je ne sais pas. Puisque je n’avais pas de papa musicien à la maison. Je n’avais pas de papa en fait. Il ne s’est jamais occupé de moi donc malheureusement je ne peux pas répondre à ta question.

Ok mais c’est quelqu’un qui t’as initié à quelque chose, qui a servi d’exemple, qui t’as donné envie d’être musicien ?

Arthur H : Il ne m’a pas du tout initié à la musique. Après quand j’étais adolescent, il était très connu donc c’était assez difficile pour moi. J’avais ce père qui était une espèce de surhomme - impressionnant - adulé par les foules. Ça m’a demandé pas mal de caractères pour ne pas simplement disparaître. En même temps, c’était super stimulant. Puis c’est quelqu’un qui, pas par les mots, mais par ses concerts qui m’a appris des choses. Ceux qui connaissent sa musique savent que c’est quelqu’un qui prend beaucoup de liberté dans sa poésie. Il aime improviser d’une façon très théâtrale et très drôle. Et ça je m’en suisvachement inspiré parce que ça me correspondait aussi.

Et ta demi-sœur Izia, par ailleurs présente sur le disque, c’est une personne avec qui tu partages beaucoup de choses ?

Arthur H : J’imagine qu’on a une sorte de filiation musicale. Je ne sais pas trop, je ne la vois pas souvent. Mais je pense qu’il y a des choses que l’on partage : une forme de démesure peut-être, un côté très têtu, une espèce de rage intérieure et de fantaisie que l’on doit tenir de mon père.

Je n’ai pas l’impression que la famille soit un élément hyper important dans ta carrière…

Arthur H : Non mais si tu veux, la famille c’est un truc qui n’existe pas vraiment pour mon père. Il vient des années 60 où la famille était quelque chose de très oppressant. Il a du garder ça aujourd’hui.

Dans ta carrière justement, tu as créé un personnage : une sorte de super héros un peu loose, H-Man. C’est qui H-Man en fait ?

Arthur H : Je ressors d’un truc justement. On est en train de faire une petite série télévisée sur H-Man. C’est un super héros français, philosophe, sensuel, incompétent qui essaie de sauver le monde mais ce n’est James Bond, c’est H-Man. »

J’adorerais faire un album de hip-hop. Je me sentirai libre. Je pense que c’est la seule musique vraiment nouvelle avec l’electro.

Il y a beaucoup de toi dans H-Man ?

Arthur H : Moi, je n’ai pas envie de sauver le monde, j’ai envie de faire du bien dans le monde, de faire une musique qui envoie de bonnes énergies, qui fait du bien aux gens. La musique c’est un message, c’est une connexion avec le monde spirituel et émotionnel. Un monde où l’on se régénère, un monde qui est hors de la pression sociale, de la manipulation puisqu’il essaye de fluidifier l’énergie, de faire bouger le corps. Enfin, ce sont des valeurs extrêmement positives donc moi je me sens dans cette énergie là, ça me fait du bien. Puis surtout c’est joyeux et coloré. Ça nous sort de notre propre marasme.

Tu te sers de la musique parfois pour faire passer des messages politiques. Je pense à ton intervention sur Hadopi lors d’un concert ?

Arthur H : J’ai pris position sur Hadopi parce que je trouvais ça triste que les gens ne reconnaissent pas la valeur de la musique comme travail artisanal. Moi, je ne viens pas du star-system, je travaille avec des gens qui sont des artisans qui polissent un son, qui le construisent. Des gens qui donne tout leur cœur, tout leur temps à ça. Donc tout d’un coup que tout cela soit gratuit et que seuls les diffuseurs en profitent, je trouve ça injuste. Après, on ne peut pas rattraper le cours de l’histoire. Donc maladroitement j’ai dit que dans Hadopi il y avait quelque chose de pédagogique. Je me suis trompé mais ma volonté ce n’était pas de punir les gens. C’était juste une manière de dire qu’une valeur, ça se paye. Une valeur ça a un prix.

Sur l’écriture maintenant, tu as fait un duo avec Jean-Louis Trintignant sur un texte assez parlant, « L’Ivresse des Hauteurs ». Il sort d’où ce texte ?

Arthur H : C’est un texte que j’ ’ai écrit pour Jean-Louis Trintignant. C’est quelqu’un que je trouve fantastique, un homme qui a vécu des choses extrêmement terribles dans sa vie et il a choisit le côté de la vie plutôt que celui de la mort. Il a complètement lâché prise et ça lui donne une espèce de grâce, ça lui donne un sourire absolument merveilleux. Mais c’est aussi un grand artiste du mot, il a une diction qui lui fait dire les choses simplement. Mais en même temps, il y a tout un monde derrière. Je pense qu’il faut choisir les gens comme maitres, comme inspiration donc moi je l’ai choisi. Je voulais juste avoir le plaisir d’être en relation avec lui de le fréquenter. C’est un vieux monsieur qui n’a pas peur de la mort. Il sait qu’il en ait près et qu’il n’a rien à perdre.

En parallèle à ton album solo, tu as aussi sorti un disque de poésie noire caribéenne avec Nicolas Repac. Pourquoi un tel projet ?

Arthur H : Nicolas et moi on a vraiment une affinité avec ce monde là. On s’en sent proche. C’est une pensée, une sensibilité qui me touche beaucoup : très surréaliste, très sensuel, très terrien, très musical. Il y a plein de contraire qui se mélange : il y a l’Afrique, il y l’Amérique, il y a l’Europe qui se clashent ensemble, qui s’enrichissent ensemble. Il y a des gens extrêmement rêveurs perdus sur une petite île qui sont en train de rêver le monde entier. Il y a rapport très direct avec la spiritualité. Je trouve tous ces thèmes très contemporains et extrêmement vivants. Ce n’est pas cérébral. En plus, il y a un travail de la langue française qui touche parfois au sublime. Parce que la langue française qui est traversée par l’Afrique et par l’Amérique, ça ouvre les mots, ça les rend fertiles.

Fertiles ?

Arthur H : Fertiles parce que c’est comme si ces mots poussaient dans une nouvelle terre et qu’ils donnaient de nouveaux fruits. Il y a parfum différent. Et du coup, je trouve que ça renouvelle la langue française qui peut avoir tendance à être fermée sur elle.

Fermée dans le sens où elle est produite dans un contexte hexagonal ?

Arthur H : Une langue doit se renouveler tout le temps. Et en ce qui concerne la langue française, la seule chose qui la renouvelle ce sont les jeunes de banlieues qui la malmènent un peu. Je trouve que c’est une langue trop classique. Les personnes des Antilles, d’Afrique ou du Québec ont une plus grande liberté par rapport à la langue et peuvent plus facilement la secouer de manière créative. Et elle en a bien besoin.

L’argot par exemple, c’est quelque chose qui pourrait stimuler la langue ?

Arthur H : Ouais, tout quoi. La littérature, la chanson, le langage populaire, l’argot, le cinéma, tout ce qui fait qu’une langue est vivante.

Tu as mentionné les jeunes des banlieues et l’influence américaine, tu collabores sur ce disque avec un rappeur. Le hip-hop, ça te plait ?

Arthur H : J’adorerais faire un album de hip-hop. Je me sentirai libre. Je pense que c’est la seule musique vraiment nouvelle avec l’electro. Deux musiques qui m’influencent beaucoup. Ces sont des musiques répétitives, hypnotiques. Il y a un côté à la fois planant et plein d’agressivité. Ce n’est pas mon truc de rapper mais j’aimerais bien créer une espèce de mélange comme Damon Albarn l’a fait avec Gorillaz. Faire une musique hybride, métisse. Aujourd’hui, c’est dur de faire des gros projets parce qu’il n’y a plus du tout d’argent pour enregistrer des disques. Parce que tu sais très bien que tu vas pas les vendre.

T’es parti de constat-là toi : faire un disque en sachant pertinemment que tu n’allais pas le vendre ?

Arthur H : Il y a des moments optimistes où l’on se dit qu’on vit une révolution et que la seule façon de s’en sortir est de rester très créatif. Mais il y aussi des moments pessimistes où on se dit que la musique est juste un faire-valoir aux marques et à la publicité : à Apple, à Google, à Spotify. Du coup, elle perd de sa valeur spirituelle, ça perd de sa qualité. Et ce n’est juste plus qu’un flux.

J’ai appris que ce qui pourrait être ton phalanstère se trouvait à Contis-Plage sur la côte landaise où tu te rends souvent.

Arthur H : J’y vais souvent  parce que je trouve que c’est un endroit qui est unique et spécialement magique. A chaque côté de Contis, t’as 20 km de plages sauvages. La route s’arrête à Contis, après on est  juste avec l’horizon, l’océan, l’infini. Très peu de gens, des gens assez sympathiques : des surfeurs, des poètes, des naturistes. C’est un des rares endroits où l’on pourrait éprouver un sentiment de liberté là-bas. J’ai écrit quelques textes là-bas, j’ai passé deux semaines dans un petit endroit. Et c’est désormais un endroit où j’aimerais passer plus de temps.

Arthur H sera en concert le 22 décembre au Trianon. Retrouvez également le portrait de l’artiste sur cafebabel.com

Photos © courtoisie de la page Facebook officielle d’Arthur H

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.