Amendement anti-Le Pen : le Parlement veut cacher les extrémistes
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Le nationaliste Jean-Marie Le Pen, du haut de ses 80 ans, est le doyen des eurodéputés. Lui revient de fait l’honneur de présider la séance inaugurale du 14 juillet. Le hic : ses affirmations négationnistes, maintes fois répétées, dérangent ses collègues parlementaires… Que faire quand la démocratie européenne se teinte d’extrémisme ?
Les eurodéputés bouillonnent dans les couloirs du Parlement européen (PE). Jean-Marie Le Pen, le chef de fil du Front national français, fêtera ses 81 ans en août et devrait présider la séance inaugurale du 14 juillet. Mais ses propos controversés sur la seconde guerre mondiale choquent : « Un négationniste de l'Holocauste ne peut pas être doyen d'âge d'une assemblée parlementaire multinationale», a même lancé Martin Schultz, le chef du groupe socialiste au PE. Du coup, on s’organise pour calmer sinon cacher les extrémistes.
Le Parti socialiste européen (PSE) justement, ainsi que le Parti populaire européen (PEE), ont présenté un amendement, rapidement surnommé « anti-Le Pen », qui devrait réformer une partie du règlement interne. Il prévoit qu’à compter de la prochaine législature, le président de séance ne sera plus le doyen mais un autre député selon l'ordre suivant : le président sortant Hans-Gert Pöttering, puis l’un de ses autres vice-présidents. Si aucun de ces parlementaires n'est réélu en juin, le prochain président de séance sera l'eurodéputé avec le plus « d'ancienneté ». Nuance.
Dieudonné et ses listes antisionistes
En France aussi, on essaie de mettre au placard les extrémistes problématiques. Comme les listes « Antisionistes et anti-communautaristes » du comique français Dieudonné. Plusieurs fois condamné pour « incitation à la haine raciale », cet agitateur médiatique, qui s’était déjà présenté aux Européennes en 2004 (sur une liste « Euro-Palestine »), a provoqué des remous au sein du gouvernement. Au sommet de l’Etat, on tente d’interdire ses listes : « Dieudonné fait profession exclusive d'antisémitisme », s’est justifié Claude Guéant, secrétaire général du Palais de l'Elysée.
Au-delà de cet exemple français, l’extrémisme inquiète l’Europe, qui promeut sa démocratie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. En 2007, le Parlement européen avait déjà rédigé une résolution appelant à « combattre la montée de l’extrémisme en Europe ». Mais au sein de son hémicycle, pour les candidats comme pour les députés, les solutions ne sont pas toujours évidentes. Car des problèmes juridiques apparaissent : jamais un candidat ne s'est vu interdire sa participation à une élection. Officiellement, parmi les critères pour se présenter, rien ne porte sur les idées défendues. La loi du 7 juillet 1977 qui régit les scrutins européens « ne prévoit pas de motif d'interdiction de se présenter autre que le non-respect des conditions d'éligibilités et les règles de parité ».
Les extrémismes sous l'actuelle mandature
Aujourd’hui, les partis considérés comme extrémistes, regroupés sous l'appellation « non-inscrits », du fait d'un manque d'effectifs (il faut vingt députés pour former un groupe politique) sont bien présents au Parlement européen. Et ils ne passent pas inaperçus. En 2007, un groupe d'extrême-droite « Identité, tradition et souveraineté » a eu une courte existence. Il réunissait divers alliances parmi lesquelles le Front national français, le Vlaams Block belge, le parti de la « Grande Roumanie », un parti britannique, et Alessandra Mussolini. La petite fille du dictateur italien a d’ailleurs provoqué la rapide dissolution de cette formation après des propos polémiques concernant les Roumains. Dans la même lignée, l’eurodéputé bulgare Dimitar Stonyanov, du groupe extrémiste Atakar, s’était fait remarqué en 2008 en indiquant pouvoir informer toute personne intéressée des lieux, en Bulgarie, où l’on peut « acheter » des Tziganes de 12 ans. Une récente enquête montre que 9 % de la population du pays pourrait voter pour cette formation politique en juin.
L'enjeu des élections européennes
Les élections pourraient voir arriver plusieurs députés extrémistes. Parmi eux, le néerlandais Geert Wilders, leader du Parti de la Liberté, qui est considéré comme le nouveau Pim Fortuyit (du nom du leader extrémiste assassiné en 2002) et crédité de nombreuses intentions de votes. L'auteur du film islamophobe Fitna qui avait déclaré en 2008 que « l'islam n'était pas une religion mais l'idéologie d'une culture retardée » s'oppose totalement à l'adhésion de la Turquie à l'UE. Il prône notamment l'annulation de l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie qu'il considère comme des « nations corrompues ». Tous ces partis extrémistes dénoncent les politiques européennes actuelles et partagent des revendications communes. Parmi celles-ci, le refus de l'immigration, le retour à une « Europe des nations », quand ce n’est pas l’appel à un nationalisme exacerbé, et généralement une limite des affaires européennes à une simple coopération économique.