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Alsace : deux langues sur le papier

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Politique

Le bilinguisme des documents électoraux, rédigés en allemand et en français, vient d'être remis en question en Alsace et Moselle. Le débat fait rage.

Pendant la campagne présidentielle de 2007, en Alsace et Moselle, la profession de foi de Nicolas Sarkozy disait « Gemeinsam wird alles möglich », « Ensemble tout devient possible ». Sur celle de Ségolène Royal : « La France Présidente : Der Wechsel », le « changement ». Un traitement de faveur... difficile à justifier dans une France en recherche d’unité et de cohérence dans son identité nationale.

Quelques lignes dans un encadré, à la page 14 d’un document officiel publié en décembre 2007, a réglé en toute discrétion ce problème : « Dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et dans 19 cantons de la Moselle, la possibilité de joindre à une circulaire en français, une seconde circulaire en allemand, est supprimée à compter du 1er janvier 2008. » Des mots qui n’ont pas manqué de mettre le feu aux poudres d’une région très attachée à son bilinguisme.

L’Alsace et la Moselle sont soumises au Concordat de 1801 en matière cultuelle. Mais depuis la fin de la première guerre mondiale, ils ont également le droit d’imprimer leur tract en deux langues, français et allemand, la forme écrite du dialecte régional, lors des campagnes électorales qu’elles soient locales, régionales, nationales ou européennes. Cette coutume n’a jamais fait l’objet d’une régularisation, laissant un vide juridique sur pratique électorale locale. Et pourtant, l’article 2 de la Constitution française précise justement que « la langue de la République est le français ». Un acquis vieux de près d’un siècle qui se rappelle à la mémoire de l’Alsace et de la Moselle.

L’identité régionale, fer de lance de la politique locale

Mais c’était sans compter sur la réactivité et l’attachement de la classe politique, des Verts au parti régionaliste Alsace d’abord, au bilinguisme, fer de lance de la politique locale. A l’annonce de cette décision, en décembre 2007, une motion a été déposée par des conseillers régionaux en séance plénière du Conseil régional d’Alsace, au nom d’une identité régionale forte passant historiquement, culturellement mais aussi économiquement par le bilinguisme.

Selon le député UMP du Bas Rhin et Conseiller Général, Jean-Philippe Maurer, « cette situation génère bien des difficultés alors que nous avons obtenu, en Alsace-Moselle, une meilleure prise en compte de l’expression linguistique régionale. » Le nombre de personnes âgées qui ne maîtrisent pas la langue française ne peut plus justifier cette spécificité locale. Surtout, « dans un contexte de politique volontariste en faveur du développement durable et de maîtrise des dépenses publiques », lance de son côté Michèle Alliot-Marie. Mais comme le rappelle la motion du Conseil Régional : « Les ressortissants allemands qui votent aux élections européennes et résident dans notre région sont nombreux. » Ils sont 13 % en Alsace selon le recensement de 1999 : un chiffre en constante augmentation.

Un bilinguisme d’ouverture vers l’Europe ?

Pourtant, un argument fait pencher en faveur du bilinguisme dans les documents électoraux : les élections municipales et européennes. Depuis Maastricht, les Européens résidant en France ont le droit de vote et d'éligibilité aux municipales. L’usage de l’allemand n’est plus uniquement la transcription écrite de la langue régionale mais bien l’usage de la langue à l’adresse de la population allemande implantée dans la région. Un atout majeur pour une région frontalière qui souhaite développer son Eurodistrict et lui offrir une vraie identité. Pour impliquer les Européens dans la vie citoyenne de leur ville d’adoption sans que la langue ne soit le premier obstacle, quelle meilleur symbole que des documents au minimum bilingues, lors des élections européennes de 2009 ?

L’affaire est désormais classée. Michèle Alliot-Marie est revenue à un quasi statu-quo. Elle a proposé aux candidats de « réaliser une circulaire recto verso en allemand et français qui sera prise en charge par l'Etat ». Cette offre qui pourrait finalement passée pour archaïque laisse imaginer un formidable laboratoire européen : celui d’un espace politique citoyen transnational.

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