Allemagne : le quota de femmes est une illusion
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PhilozFinalement, le quota de femmes sera quand même appliqué en Allemagne à partir de 2016. Au cours des négociations de coalition, la CDU et le SPD se sont mis d’accord aujourd’hui sur un taux de 30% dans les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse. Un pas vers une plus grande justice ou un exemple embarrassant dans la guerre des sexes ?
« Tu sais combien de femmes travaillent dans mon entreprise ? » Les deux hommes, assis l’un en face de l’autre dans un tramway berlinois, un soir d’hiver, sont jeunes, intelligents et portent la barbe. Dérangé dans son opinion, l’auteur de la question insiste : « 20% ! ». « Et alors ? », répond l’autre, inintéressé. « Ce devrait être 50%. » « Ben voyons ! Imagine ce que ce serait dans l'industrie des jeux vidéos » « Quand même. Ce devrait être 50%. » Puis ils rient tous les deux. Je suis assise dans la rangée d’à côté et suis en colère. Non pas contre ces deux jeunes hommes qui se marrent. Je suis en colère contre les politiciens allemands qui débattent encore une fois de la mise en place d’un quota légal de femmes.
« aux handicapés et aux femmes »
Qui ne connait pas ces sinistres descriptions de postes dans lesquelles figure en langue juridique des histoires « d’égalité des chances » et de « mise en œuvre active ». Suit presque inévitablement la phrase : « en cas de qualifications égales, la préférence sera donnée aux handicapés et aux femmes. » Une gifle pour toutes les femmes intelligentes, émancipées et...qualifiées.
Les politiciens de la CDU et du SPD faisant partie de la « famille groupe-de-travail » qui, au cours des négociations de coalition, se battent au sujet de l’égalité des chances ne semblent cependant pas du tout trouver cette phrase odieuse. Autrement, ils ne travailleraient pas avec autant de zèle à établir un quota légal de femmes à 30% dans les étages de direction de l’économie allemande qui devrait désormais officiellement entrer en vigueur en 2016. À l’échelle européenne, ce quota a déjà été adopté : la Commission européenne a validé en 2012 une proposition de loi visant à ce que d’ici à 2020, 40% des tous les postes à haute responsabilité des grandes entreprises européennes soient occupés par des femmes. Autrefois, l’Allemagne était absolument contre ce quota. Un an plus tard, les choses ont changé.
La Norvège est citée la plupart du temps comme un parfait exemple. Le pays a instauré dès 1981 un quota légal de femmes équivalent aux « 40% sacrés » pronés par l’UE. Cependant, tous au sein de l’UE ne semblent pas partager une opinion aussi homogène : l’Espagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas et quelques autres États membres ont instauré, au cours des dernières années, des lois dont le but est d’assurer que les postes de direction se féminisent. L’Equality Act britannique de 2010, au contraire, s’oppose jusqu’à présent diamétralement à un quota des genres. La Suède et la Finlande, ont pris une certaine distance face aux quotas et tentent d’augmenter le nombre de femmes dans les grandes entreprises à l'aide de projets de recherche, d’interventions ponctuelles et de débats ciblés dans les médias.
Une bonne action sans manucure
Pendant que les politiciens et politiciennes allemands travaillent à intégrer les mesures correspondantes dans leur contrat de coalition, ils reçoivent le soutien du comité de direction de certaines entreprises. Le camp des féministes est divisé, l’opinion publique, quant à elle, ne semble pas se formaliser du fait que l’État veuille surveiller la répartition numérique des hommes et des femmes dans les bureaux de direction. Mais une fois que le quota de femmes sera instauré au sommet de l’échelle, il ne faudra sûrement pas longtemps pour que son extension à d’autres domaines d’activité soit réclamée. Comment doit-on s’imaginer cela ? Le dur travail de construction doit-il à partir de maintenant être à 30% effectué par des femmes ? Et doit-on durant les 30 prochaines années embaucher uniquement des hommes dans les crèches et les salons de manucure ? Cela doit bien fonctionner aussi.
Pourtant, lorsque le sujet du quota de femmes est débattu publiquement, on ne parle que des postes de direction. Pas un mot sur les ouvriers du bâtiment ou les visagistes. Apparemment, l’inégalité due aux genres présente dans ces métiers n’intéresse personne. Un quota de femmes pour la Présidence de la République n’a lui non plus pas encore été évoqué – les femmes y sont pourtant au moins autant, si ce n’est plus, sous-représentées, comme on peut le lire dans l’actuel Report on men and women in leadership positions in the EU (2013).
Le quota de femmes n’atteste ni d’une conscience de l’égalité, ni d’un amour de la justice mais sent à plein nez la bonne action, l’uniformisation et le politiquement correct. Si seulement 20% de femmes travaillent dans une entreprise de développement de jeux vidéos, ce n’est pas un problème car, après tout, 90% des joueurs sont des hommes. Ces derniers sont assurément mieux à même de développer des jeux adaptés à leur propre groupe cible.
Oui aux femmes, non aux quotas
Que l’on ne puisse pas attendre la même chose des grandes entreprises européennes et allemandes ne fait aucun doute. Mais propulser les femmes à de meilleurs postes au nom de la loi n’est pas juste non plus. On ne doit pas mettre en doute le fait que plus de responsables féminines est nécessaire – et que celles-ci doivent percevoir un salaire égal à celui des hommes. Cependant, cela devrait être obtenu par le biais de recherches, de programmes de conseil professionnel et par un changement fondamental des mentalités et non pas être forcé sous peine d’amendes.
Entre-temps, on peut maintenant souvent lire dans les descriptions de poste allemandes une nouvelle version de « l’odieuse phrase » : « Du fait que nous nous engageons activement pour l’égalité des chances, nous encourageons expressément les hommes à candidater eux-aussi pour les postes mentionnés. » Il n‘en va là jamais d’emplois dans des salons de coiffure ou des crèches, mais toujours, sans exception, d’emplois de bureau tout à fait normaux. Ne pourrait-on pas tout simplement écrire : « Nous encourageons expressément tous ceux qui sont qualifiés pour le poste à présenter leur candidature » ? Ni les femmes, ni les hommes, ni les noirs, les blancs, les handicapés, les retraités ou les barbus. Tous, tout simplement. Cela semble trop facile mais ce serait sans aucun doute plus juste et mille fois plus cool que l’actuelle illusion des quotas.
Translated from Frauenquote - Und sie kommt jetzt doch