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Alfonso Luigi Marra : «J’utilise Ruby pour avoir du succès»

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Default profile picture Marc Vianney Duhamel

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Alfonso Luigi Marra est la figure la plus mystérieuse de l’actualité italienne : avocat, spécialisé dans les procès contre les banques, il est l’auteur d’ouvrages sur des concepts abstraits voire dénués de sens. Pour les faire connaître, il a choisi le trash. Ruby Riacuri, tout d’abord. Manuela Arcuri, ensuite, star des soubrettes télévisées.

Et même Lele Mora, manager qui promeut ses hommes et femmes-objets au sein de la jet-set italienne. Dans ses spots diffusés tant sur YouTube qu’à la télévision, ils radotent, avec en fond sonore une musique inquiétante…

YouTube, c’est un Etat dans l’Etat, imperium in imperio, qui dispose d’un ministre de l’Intérieur pour lui seul. Après avoir posté la vidéo promotionnelle de son livre Il labirinto femminile (le labyrinthe féminin) avec Ruby en sous-vêtements, Alfonso Marra est devenu ministre de l’Intérieur, des Affaires Etrangères et de l’Egalité des chances de la version italienne du site.

Et pas seulement par les thèmes qu'il aborde à l'emporte-pièce, du « jeu de stratégie sentimental », qui se réfère au jeu de rôle à l’œuvre au sein du couple, au « féodalisme bancaire », relatif au pouvoir des banques. Sa célébrité tient surtout au choix provocateur de ses protagonistes. Ruby, héroïne du dernier scandale de Silvio Berlusconi, l'escort girl mineure du Président du conseil qui a déchaîné d’infinis débats sur le rôle de la femme, l’éthique et la morale en politique en Italie. Manuela Arcuri, soubrette et top-modèle.

Ni de droite, ni de gauche... ni du centre, si ce n'est son nombril

Avant de le rencontrer, il était facile de voir en l’avocat un représentant d’une certaine droite couleur locale, celle de Berlusconi pour être clair, et sa croisade anti-moraliste comme un plaidoyer partisan (l'avocat s'en est pris à la diabolisation de Berlusconi par l'opposition, ndlr). Et pour tout vous dire, à le voir dans sa villa ornée de marbre blanc, assis sur un canapé de cuir sur lequel il apparaît dans une vidéo entouré de soubrettes connues, tentant de discourir encore une fois sur le féodalisme bancaire, il ne contredit pas la première impression. Peut-être faut-il, pour se libérer des préjugés, dépasser ce jeu de positions contradictoires plus fourbe que complexe. Notamment parce que Marra est le premier à déclarer qu’il n’a rien à voir avec Berlusconi. « Berluschino, je l’appelle ainsi, ne voulait nullement de ma candidature au Parlement européen en 1996. Il me connaît et sait ce que je pense ; ma candidature a été portée par Di Gregorrio pour des motifs hautement idéologiques. » Définir quelle est sa couleur politique reste une autre affaire : « Je ne suis pas de droite, car la droite privilégie l’individu. Je ne suis pas de gauche, car elle met la collectivité avant l’individu, mais ne suis pas au centre car il se place à mi-chemin entre la première et la deuxième. »

Ce Marra n'est donc pas berlusconien. Mais alors qu'a à faire Ruby là-dedans ? « Ruby n'a rien à y faire. Parce qu’en l’utilisant, elle une pauvre jeune fille de dix-huit ans qui s’est retrouvée au centre du monde sans rien y comprendre, tous les journaux italiens étrangers sont venus me chercher et j’ai pu parler de la féodalité bancaire, chose que je n’avais pu faire auparavant, compte tenu de la grande peine que je cause aux élites tant économiques que politiques du pays. » Voilà. Un génie ?

S'il n'est pas un berlusconien asservi au pouvoir ni un dépravé, pas même un homme des cavernes macho, il pourrait donc faire partie de cette race des génies qui se jouent des règles de la société avec ses propres code et canaux. Un fin intellectuel en somme, doué d'une certaine ironie et qui a su duper son monde. Je jure que l’espace de quelques minutes il m'a même semblé beau, plus agréable qu’il n’apparaît sur la photo de couverture du Labyrinthe féminin, son dernier essai. Il en est ainsi de certains personnages, ils ont un charme qui s'ouvre et se ferme comme un éventail : d’une question l'autre, ils semblent tantôt nécessaires, tantôt inutiles.

Aphorismes fourre-tout

Une découverte d'abord, suivie d’une honte, comme si au bout de quelques heures de dialogue pouvait sortir quelque citation historique. « La seule femme intelligente que j'ai connu, disons non pas l'unique, mais la plus intelligente, c’est mon ex-femme. Seulement, elle était tellement déchirée par la contradiction entre son rôle et ses capacités qu’elle en est devenue folle. J’en ai tiré un livre ». Ensuite il exagère : « La mafia n’existe pas, des délinquants il y en a plein, mais la mafia en tant qu’organisation est une invention du système judiciaire et sert à détourner l’attention du féodalisme bancaire, dont la magistrature est complice ». Et ensuite encore : « J'ai le pouvoir en Italie », ou « l’homosexualité provient de ce que dans l'incapacité à tenir un rapport conflictuel à l’hétérosexualité, on se cherche des arrangements, tu comprends ? ». Certains personnages ont ceci de beau qu’ils sont uniques et irremplaçables dans leur petitesse.

« Les femmes comptent pour du beurre » est une de ses devises favorite. Ok, mais dans ce cas, pourquoi Ruby ? « Les femmes comptent pour du beurre, mais elles comptent de manière indirecte. L’essence de la femme c’est la minijupe. Elles pratiquent la culture de la délégation, la femme veut la garantie de pouvoir déléguer la chasse et le travail à l'homme ». S'en suite une autre phrase incompréhensible : « La clé de lecture de la femme, c’est la garantie qui tient aussi longtemps que les hommes ont en vue le rapport. » Voilà ce qu'il-entend par là : « J'ai renoncé pendant longtemps aux Italiennes à cause de cette culture caprine qui porte les rituels de l’art de faire la cour jusqu'à l'extrême. »

« Je suis un gagnant »

Il ne sait pas se servir d’un iPhone, l’avocat. Il s’est acheté le modèle dernier cri et peine à répondre à ses nombreux appels. Il semble que beaucoup d’affaires l’accaparent. « Je suis un gagnant, il n’y a qu’à voir autour de moi. Lorsque j’entre dans un tribunal, les magistrats prennent leurs jambes à leur cou : ils ont peur de moi. Je mène des milliers de dossiers contre les banques, et je gagne toujours ». Oui, Alfonso Luigi Marra, qui pour chacun de ses écrits, publie à compte d’auteur, paie distribution et publicité, est un avocat expert en procédures contre les banques qui a aussi son site web, www.fermiamolebanche.it.

L'avocat-écrivain annonce qu'il y aura une suite à l'écran, avec Ruby toujours, et pendant qu'il me raconte les détails - ils tourneront à Naples et le fils de Lele Mora fera office de réalisateur – il organise le vol de la jeune marocaine depuis Gênes. Il oublie l'enregistreur allumé et dicte le nombre de la jeune femme : 342 02 31… Assis comme il est sur son canapé de cuir clair, les épaules couvertes d’un guépard empaillé, à la place même où l'autre diva Manuela Arcuriavait récité la phrase culte sur le jeu de stratégie sentimental, et son Histoire de de Giovanni et Margherita bien en vue, l'avocat-écrivain apparaît tel qu’il est : la resucée farcesque d’un spectacle déjà maintes fois vu.

Photo : Ruby Rubacuori : Impression d'écran de YouTube

Translated from Alfonso Marra, incomprensibile e fiero: uso Ruby per il successo