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Alela Diane : le salut dans les adieux

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Culture

Rien ne sert de courir. A peine introduit, le quatrième album de la chanteuse-compositrice américaine Alela Diane propose déjà de se faire la malle. Pourtant, malgré son titre plus qu’allusif, About Farewell n’est pas qu’un au-revoir. Notre chroniqueur-musicien-maison, Redeye, vous livre un retour sur une carrière pleine de demi-tours qui a malgré tout la particularité d’avoir un sens.

About Farewell, 4ème album d’Alela Diane (sortie le 24 juin 2013, ndlr), annonce la couleur d’emblée. Puis, en dix variations, décline une certaine vision de l’au-revoir. Adieu donc. Mais adieu à quoi ? A la première écoute, la chanteuse-compositrice américaine semble en tout cas tourner le dos à l’orchestration - presque jazzy, et plus produite - du dernier album The Wild Divine qui, considérant l’attention toute particulière du producteur Scott Litt (REM, Nirvana...) et de son ancien label Rough Trade, était censé tutoyer les sommets de l’Americana. Le problème, c’est que la sophistication du disque n’a fait que vouvoyer ce dont Alela s’est toujours proposée d’incarner : l’épure.

Diane de coeur

Du coup, véritable au-revoir ou retour à la case départ ? Une chose est sûre, c’est avec un son plus proche de ses deux premiers albums (The Pirate’s Gospel et To Be Still) - soit plus brut, plus direct et plus sincère - que la chanteuse est venu nous faire la bise. Cela dit, si Alela Diane effectue un retour aux sources, elle a également compris qu’il ne fallait pas se baigner deux fois dans le même fleuve. Avec Scott Litt, l’artiste a gardé le goût des chemins escarpés, loin des sentiers battus au bord desquels beaucoup de monde l’attendait. En clair, l’album est loin d’être nu. Les arrangements étant finalement assez élégants, riches et bien choisis. La simple équation guitare-voix représente certes l’édifice dans lequel bat encore le cœur des chansons, mais les instruments invités (flûte, percussions…) se font rapidement une place pour développer de belles poussées harmoniques. Pulsations sourdes. Des cordes sur « I thought I knew ». Du piano sur « Colorado Blue ». On parle là d’un c(h)œur profond.

Alela Diane - Colorado Blue

Son coeur justement, Alela Diane nous le livre en chansons. Dans la plus pure tradition folk, la chanteuse couche et interprète le journal intime de ses émotions. Ici ou là, s’entremêlent l’émancipation du giron paternel - producteur et guitariste sur les deux premiers disques, simple guitariste sur le 3éme -  le déménagement de sa ville natale Nevada City (Californie) pour Portland (Oregon), son mariage, son divorce, ses joies, ses peines…

joan Baez, le whisky et les indiens

Responsabilisée par sa nouvelle indépendance, la jeune femme de 30 ans a maitrisé toutes les étapes de la réalisation de son disque, parlant même « d’auto-production » malgré l’aide de John Askew, catapulté - pour la forme - « producteur » du disque. Chef d’orchestre émancipée qui gratte son coeur sur des cordes en nylon et chante le monde, la guitare en bandoulière… Alela Diane en deviendrait presque l’héritière de ses glorieuses ainées, chanteuses folk, militantes des années 70 tendance Joan Baez et Janis Ian. Emancipation, écologie, liberté ? La réponse, comme souvent, est dans la bio : la Californie new age, des parents hippies, les références permanentes à la nature, le goût de l’authenticité…

Cela dit, Alela Diane n’est pas qu’un simple accessoire vintage. Quand elle raconte ses gueules de bois (dans « The way we fall  » : « drinking whisky from the bottle… », ou « Hazel Street » : « I woke up drunk on that bedroom floor… »), la compositrice est bien le fruit de notre époque. Désenchantée. Le morceau « The way we fall » justement, précis du romantisme de la chute, explique comment tout, depuis le début, n’est qu’un signe de la fin à venir. Il suffisait de voir, d’interpréter. Mais désormais l’inéluctable est aussi figé que la photo d’un temps révolu : une fin d’été, un premier amour, la fugacité du temps qui passe en teinte sépia…

On en viendrait presque à ressortir sa première pochette sur laquelle elle apparaît des plumes dans les cheveux en référence à la « Première Nation » d’Amérique du Nord : ces Indiens, dont la lutte pour l’autonomie a été particulièrement bouillonnante dans les années 70. Si elle a souvent été assimilée à tort à ces premiers « Américains », Alela Diane porte probablement une certaine idée de leur liberté. Faut-il s’étonner, alors, de la voir chercher à vivre au plus près de ses aspirations ? Non. Car au-delà de l’aspect mélancolique irriguant le disque, il semble bien que c’est pour se réinventer qu’elle a choisi de dire adieu.