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Albanie : nouvel eldorado des tour opérateurs

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SociétéPolitique

Longtemps repliée sur elle-même, l’Albanie n’était pas a priori une destination prisée des opérateurs de voyages. Mais l’actuel engouement des touristes pour l’Adriatique pourrait bénéficier à ce petit pays de la péninsule yougoslave.

Arrivé à l’aéroport de Rina-Mère Teresa, un préjugé tombe : le fonctionnaire suggérant un ‘bakchich’ au nouvel entrant n’existe pas. L’aéroport, flambant neuf, n’est situé qu’à 15 minutes de la capitale, Tirana. Une modernité imputable aux Etats-Unis qui sont importants bailleurs de fonds pour les collectivités albanaises. La 'générosité stratégique', chère à Marshall, est appliquée sur la quasi-totalité du territoire.

Pour arriver à la capitale, une nouvelle voie rapide qui sert de vitrine aux firmes étrangères : Mercedes, Coca-Cola…. Le développement économique albanais se fait au pas de charge avec près de 6% de croissance annuelle, les investissements directs étrangers déterminant l’influence de pays comme l'Italie, la Grèce ou l’Allemagne.

Le ruban d’asphalte s’arrête aux portes de la ville. Là, l’état aléatoire de la chaussée montre l’incurie des pouvoirs publics sous la dictature d’Enver Hoxha et les difficultés des gouvernements successifs à mettre en œuvre les projets de construction publics.

Le 'pays des aigles' ressemble actuellement à un vaste chantier à ciel ouvert. Tirana, Vlorë, Dürrès… Partout, des batiments nouveaux apparaissent, immeubles, hôtels ou maisons individuelles. Les réservoirs d’eau pullulent sur les toits, nombreuses sont les tiges de métal qui dépassent d’édifices en béton armé ou les peluches de fêtes foraines accrochés aux façades pour conjurer le mauvais sort.

Le chaînon manquant

L’Albanie surprend par sa densité d’hôtels au kilomètre carré. La plupart sont des structures de proximité, destinées à la population locale. Selon Raimonda Nelku, chef de projet à l'USAID-EDEM [l'organisme qui s'occupe de la promotion du tourisme en Albanie], l’explication serait historique : « La paranoïa d’Enver Hoxha, en fermant hermétiquement le pays durant des décennies, à créé un tourisme intérieur », souligne t-elle.

« Faute de visas pour aller à l’étranger, les habitants ont appris à visiter leur propre pays. Ce repli du peuple albanais sur lui-même, naguère un handicap, est aujourd’hui un double atout : cela a donné aux plus jeunes l’envie d’apprendre les langues étrangères… et encouragé les communautés à vivre ensemble pacifiquement».

Force est de constater que les Albanais de la tranche 18-30 ans sont aisément polyglottes. Outre l’anglais et l’italien, le français et le grec sont pratiqués allègrement dans les commerces.

Les tombes chrétiennes, orthodoxes et musulmanes sont fleuries sans distinction et si l’on en juge par des éléments comme la nourriture ou l’habillement, il est difficile de croire que l’Islam est la religion de 65 % de la population. Au quotidien, c’est la laïcité qui domine. Influencé par les cultures grecque, italienne et turque, ce qui fut jadis le pays illyrien ne serait-il pas le « chaînon manquant » entre Orient et Occident ?

Prise de risques et développement durable

Illi Pango, le ministre du Tourisme, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports albanais se montre d’ailleurs convaincu que l’intégration européenne passe par le tourisme. « Notre ambition est d’atteindre un million de touristes par an, pour quatre millions d’habitants. L’aide apportée par l’Europe dans le cadre du programme INTERREG III nous a ainsi permis de créer un ensemble touristique cohérent et homogène. Notre pays possède plus de 470 kilomètres de côtes préservées, mais aussi des sites culturels de premier plan. Le parc national de Butrint et le sanctuaire d’Apollonia, fondé en 588 avant notre ère, ont vu leur fréquentation triplée en cinq ans ».

Berat, la ‘ville aux 1000 fenêtres’ mais aussi Tepelene - et sa source d’eau gazeuse louée par Lord Byron - ou Gjirokaster, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO figurent désormais au programme des tour operators européens.

Encore faut-il que cet essor soit pérenne. S’il entend entrer dans le club fermé des destinations de rêve du grand bassin méditerranéen, « le plus pauvre pays d’Europe » devra concilier prise de risques financiers, régulation des marchés publics et développement durable. Une « quadrature du cercle » qui n’échappe pas à Shpëtim Gjika, maire de Vlorë, l’unes des principales villes côtières d’Albanie.

« La priorité est de définir quel type de tourisme nous souhaitons développer, pour appliquer une stratégie adaptée, et éviter les dérives hasardeuses, » souligne t-il. « Vlorë fait figure d’expérience pilote, car nous avons massivement investi dans le tourisme comme facteur de développement. Un tiers du budget communal, soit plus de 2,2 millions d’euros, a été investi dans le tourisme. Si nous voulons attirer non plus 30 % de touristes étrangers, ce qui est le cas actuellement, mais 70 %, ce n’est ni en faisant du tourisme-poubelle, ni en lésant les habitants. » Vaste programme en perspective.

Crédit photos : François Vecchi Muller