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Ai Weiwei et la justice chinoise: quelle responsabilité pour l’Europe ?

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Politique

Deux mois après sa libération, la sortie médiatique d’un dissident chinois pose la question de l’avenir démocratique de la Chine. Publiée dans Newsweek, la tribune d’Ai Weiwei permet aussi de repenser les relations diplomatiques sino-européennes.

Après deux mois de silence post-libération, mutisme exigé par les autorités chinoises, l’artiste et dissident Ai Weiwei signe son retour médiatique avec un article publié dans le Newsweek le 28 août dernier, dressant le portrait déchirant d’une ville aux allures kafkaïennes: Pékin. La corruption envahissante, le système judiciaire et sa politique envers les travailleurs immigrés sont vivement attaqués dans ce pamphlet. De son côté, l’Europe ne peut plus se passer du soutien économique de la Chine, à l’heure où ses dettes afin de reconstruire la Grèce et le Portugal atteignent des sommets. La crise budgétaire a certes sa place, comme l’a encore prouvé la visite du président français à son homologue Hu Jintao le 25 août, mais Ai Weiwei ne nous a-t-il pas rappelé que les droits de l’homme devraient tenir une place plus conséquente ?

La situation juridique en Chine : abus du système des peines administratives

« Le pire avec Pékin, c'est que vous ne pouvez jamais faire confiance au système judiciaire. Et sans confiance, tu ne peux rien distinguer. C'est comme une tempête de sable. » L’allusion qu’Ai Weiwei fait à sa période de détention est indéniable, mais une réalité collective s’y tient également: les arrestations ne cessent d’augmenter, l’argument officiel utilisé étant l’inculpation pour fraudes fiscales. Pour restreindre l’activisme potentiel de ses citoyens, la répression ne se limite plus majoritairement aux dissidents, elle touche désormais aussi les professionnels du droit et les avocats de la défense. En Chine, la justice est devenue un enjeu politique en soi.

Les relations diplomatiques sino-européennes : état des lieux

L'influence géopolitique exercée par l'Europe sur la Chine est faible, due en partie à la domination quasiment sans-partage des États-Unis. Par ailleurs, la discussion est difficile entre ces deux nations, causée par le compte rendu annuel des violations des droits de l’homme partout dans le monde publié par le département d’État, où depuis 2008, la Chine se tient au premier rang. L’emprise européenne a donc un rôle certain à jouer quant à la promotion des droits de l’homme et n’est pas complètement inexistante. Il semble que les libérations d’Ai Weiwei et Hu Jia à la fin du mois de juin soient les conséquences d’une pression internationale que la Chine voulait éviter, même si l’agence officielle Xinhua affirme le contraire et s’indigne devant la « politisation » de cette affaire. Elles ont eu lieu quelques jours à peine avant la visite du premier Ministre Wen Jiabao en Europe du 24 au 28 juin. La chancelière Angela Merkel ne s’est pas pour autant laissée enjôler. Elle a déclaré que la libération d’Ai Weiwei n’était qu’« un premier pas : à présent, les accusations à son encontre doivent être justifiées de manière transparente et en conformité à la loi.»  Lorsque l'on sait que les discussions lors de la visite du dirigeant Wen Jiabao en Allemagne, Hongrie et au Royaume-Uni exclurent tout concept européen, il est toutefois difficile d'imaginer une Union soudée face aux violations des droits de l'homme.

Munich, 2010.

« Si chacun parvient à tirer utilement parti de l’expérience de l’autre, toutes deux peuvent très bien construire ensemble des lendemains prometteurs » Chen Jibling

Pourtant, la culture juridique chinoise n'est pas l'antithèse exacte de la culture occidentale. Les fonctions assignées à la justice sont pour les deux régions similaires : il faut que celles-ci soient gardiennes des valeurs fondamentales de la cité et qu'elles contribuent au maintien de l'harmonie sociale. Il existe un terrain d’entente initial qui pourrait mener à un débat censé. La diplomatie, synonyme de pincette, doit aussi être un dialogue concret dans les faits. Or, l’année 2011 marque le 36 e anniversaire des débuts relationnels entre la Chine et l’Union européenne. Les échanges ont depuis ce jour concerné l’ordre financier international et les permutations de marché, la Chine refusant l’idée d’une coopération politique autre qu’économique. Lors de la visite éclair de Nicolas Sarkozy à Pékin, la discussion tourna autour du sommet du G20, implanté à Cannes le 3 et 4 novembre. La politique internationale fut également abordée et le président français aurait convié Hu Jintao à la Conférence de Paris des « amis de la Libye », du 2 septembre dernier. Ne reconnaissant pas officiellement le Conseil national de transition (CNT), la Chine y fut seulement représentée par le ministre Zhai Jun, envoyé par le gouvernement comme « observateur », terme employé par Ma Zhaoxu, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Ceci est le dernier entrevu qui ait plus ou moins entretenu les relations sino-européennes, et il ne sera pas question de droits de l’homme ou de réforme juridique avant novembre au minimum, où là encore il sera question de « guerre de devises ».

La diplomatie du « tapis rouge » a le dessus

La pression exercée par les pays Occidentaux sur des questions délicates comme les violations des droits de l’homme diminue depuis l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. Il faudra désormais compter sur les Organisations non gouvernementales spécialisées dans ces questions pour rétablir la motivation de la Communauté Internationale.

Photos: (cc) David Blackwell/flickr ; Texte : Dessin, (cc) Mike Licht/flickr ; Affiche "So sorry" (cc) sanfamedia.com/flickr ; Video (cc) youtube