Accueil des réfugiés : la carte de France des élus solidaires
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Aux premières lueurs du 24 octobre 2016, le démantèlement de la « Jungle de Calais » s’organisait. Les 6 901 personnes résidant au sein du plus grand bidonville français seront progressivement réparties dans toutes les régions de l'Hexagone excepté la Corse et l’Ile-de-France. Focus sur les élus favorables à un accueil des migrants dans leurs territoires.
Ça y est. Lundi dernier, le gouvernement français a décidé de démanteler le camp de personnes déplacées de Calais. L'opération d'évacuation devrait durer une semaine et vise à accompagner les 6 500 réfugiés résidents vers les Centre d'accueil et d'orientations repartis dans toutes les régions du pays. Ainsi, la France met définitivement fin au plus grand bidonville jamais établi sur son sol. Un bidonville, qui a abrité depuis les années 2000 des dizaines de milliers de migrants prêts à entrer illégalement au Royaume-Uni.
Évidemment, la nouvelle n'a pas manqué de faire réagir. En France, comme partout ailleurs en Europe, le démantèlement de la « Jungle de Calais » résonne fortement avec les soubresauts de la politique de l'UE, aux prises avec la plus grande crise migratoire depuis sa création. À l'heure où des dizaines de bus transitent de Calais vers les régions de France, inutile de préciser que beaucoup de commentateurs, qu'ils soient politiques ou pas, ont passablement critiqué l'indécision du gouvernement français. Pourtant, comme une réponse à la morosité ambiante, certains élus politiques français se sont montrés solidaires des réfugiés et autres personnes déplacées. Et parfois, depuis bien longtemps.
Au bord de la jungle, le meilleur maire du monde
Grande-Synthe est une petite commune d'un peu plus de 20 000 habitants, située à 40 km de Calais. À sa tête ? Damien Carême, maire écologiste élu en 2001. Depuis, l'élu a multiplié les actions courageuses sur le terrain pour sa ville. Mais c'est en mars 2016 que le maire de Grande-Synthe se fait connaître du grand public. Comment ? En ouvrant un camp pour migrants. Face à l'explosion du nombre de migrants de sa commune et l'attentisme du gouvernement, l'écolo décide de monter le premier camp humanitaire HCR (Haut-Comité Réfugié) de France. Sans un sou de l'État mais avec le concours de Médecins Sans Frontières. Trois mois plus tard, l'État accepte tant bien que mal d'en assumer la gestion et le financement, et les ministres de l'Intérieur et du Logement sont bien obligés de visiter ce qu'on appelle aujourd'hui « le camp des éxilés de La Linière » avec ses douches, ses activités ludiques et sa cantine. Pour avoir fait en sorte de pouvoir héberger gratuitement jusqu'à 2 800 migrants, Damien Carême est présent dans la shortlist de l'élection des meilleurs maires du monde 2016 organisée par l'association City Mayor foundation.
Un peu plus au sud, la députée du département d'Ille-et-Vilaine (en Bretagne, ndlr), Marie-Anne Chapdelaine, est aussi connue pour ses actions humanitaires. Aux prises avec le discours anxiogène du Front national, cette élue de terrain, âgée de 54 ans et membre du Parti socialiste (PS), insiste beaucoup sur la trajectoire de « ces personnes [qui] fuient des situations dramatiques ». Elle affirme que leur intégration « va se faire en bonne intelligence, avec les élus locaux, avec des petites structures, des grandes structures et dans des familles ». Marie-Anne Chapdelaine n’hésite pas non plus à revenir sur les origines des déplacements de population : « Nous devons accueillir, car si nous étions à leur place, est-ce que nous ne souhaiterions pas fuir la Syrie ou l’Afghanistan ? ». Du coup, son département fait de la place en accueillant près de 500 migrants après le démantèlement de Calais. Parmi les communes concernées, l'exemple de Cancale est souvent cité comme une bonne initiative. Dans cette petite commune de 5 000 habitants, un ancien hôpital accueille les migrants de la « Jungle » depuis trois mois déjà.
À l'est, Éric Piolle - le maire écolo de Grenoble - bénéficie également d'une certaine aura humaniste. Au printemps dernier, il déambulait avec le sourire parmi les noctambules du mouvement Nuit Debout, bien installés dans le centre-ville. Aujourd'hui, c'est à son tour de s'indigner. Comme fin septrembre, quand Laurent Wauquiez - le président des Républicains en intérim - s'attaque à la répartition des migrants sur l'ensemble du territoire « par peur de mutliplier les "jungles" partout en France ». Comme un ouragan, Piolle réplique : « Loin de ses dérives outrancières, partout sur le territoire, notamment à Grenoble, les Français ont démontré que, chacun avec leurs moyens, ils sont prêts à se mobiliser pour ces personnes dans la plus grande détresse ». La mairie de Grenoble a d'ailleurs mis en place une plateforme d'accueil pour recenser les propositions citoyennes et les mettre en lien avec la société civile qui suit les migrants au quotidien. Lancée en septembre 2015, elle aurait permis à 350 personnes de proposer différents modes d'hébergement pour loger 25 à 30 réfugiés (chiffres de juin 2016, ndlr). Aujourd'hui, la région Auvergne-Rhône-Alpes (ARA) devra accueillir 751 migrants après le démantèlement du camp de Calais. « Nous serons au rendez-vous de la générosité et de l’hospitalité, comme l’ont été avant nous ces générations qui ont bâti Grenoble en accueillant les réfugiés arméniens, algériens, pied-noirs, chiliens ou espagnols, etc. », clame pour sa part Éric Piolle.
« La République bienveillante »
Dans cette même région ARA qui compte 8 millions d'habitants, Jean-Paul Bret, le maire socialiste de Villeurbanne, rappelle que le plan de répartition des migrants comprend 1 784 personnes. Selon l'élu, « l’effort de solidarité est loin d’être insurmontable ». Ce maire qui a souhaité participer à la première initiative de répartition de migrants sur le territoire national se félicite de ce choix qui s’inscrit « dans la longue tradition d’hospitalité de [sa] ville. Depuis la fin du XIXe siècle, elle s’est développée avec l’arrivée successive de populations étrangères, contraintes à l’exil par la misère et l’oppression ». Jean-Paul Bret a également appelé au bon sens et à la responsabilité « dans un contexte international de migration inégalé depuis 1945 ». Raison pour laquelle il lui a semblé évident de rendre service à « ceux qui souffrent, avec conviction (sic) et sans angélisme ».
La « République bienveillante ». C'est le concept brandi par la présidente PS de la région Bourgogne-Franche-Comté (BFC), Marie-Guite Dufay. L'élue l'a invoqué dans un communiqué aux côtés de quatre autres présidents de régions socialistes pour répondre à Laurent Wauquiez, coupable selon eux « d’exciter les peurs » . Dans un entretien au Journal du Centre, l’élue souligne qu’il fallait démanteler cette « Jungle » de Calais. Pour elle, il convient donc de « répartir ces personnes sur tout le territoire. C’est un problème national, et même mondial, qui dépasse le clivage gauche-droite ». Ainsi, la région BFC devrait être dotée de 9 000 places selon le plan de répartition gouvernementale. Marie-Guite Dufay affirme qu’il s’agit d’une question de solidarité : « On ne va pas laisser le Nord et l’Ile-de-France se débrouiller », tonne-t-elle. Elle a insisté sur la notion de citoyenneté par delà les frontières et les différences : « La question des migrants concerne toutes les collectivités, tous les élus, tous les citoyens ». Et de conclure : « Dans 50 ans, nos enfants, nos petits-enfants, nous interrogeront : "Comment avez-vous accueilli ces gens ?"»
« Ouverte et généreuse », c'est ainsi que la présidente de la région Occitanie, Carole Delga s’est enorgueillie de l’accueil prévu de 1 080 migrants dans sa région sur Twitter. « C'est une mesure que nous soutenons à tous points de vue, politique et humanitaire. Nous prenons volontiers notre part de solidarité nationale », explique-t-elle dans les colonnes de La Dépêche du Midi. Et d’ajouter : « 1 080 migrants dans une région d'environ 6 millions d'habitants : où est le danger ? ». Pour cette élue locale, passée de la mairie de Martres à la région Occitanie, l'environnement rural offert par la région est une chance pour les migrants attendus. « Ils vont passer de l'enfer de la jungle de Calais à un cadre de vie garantissant des conditions d'hygiène et de salubrité décentes et dignes, et vont redécouvrir des relations humaines apaisées. Au bout de leur séjour, ils se seront reposés, soignés et restructurés mentalement ». Devant les efforts de certains élus français, pourra-t-on en dire autant du gouvernement ?
Qui sont les élus solidaires de l'accueil des réfugiés ? Passez votre souris sur la carte.