#Acampadaparis : au pied de la Bastille, les Français s'inspirent de l'Espagne
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Jeudi 19 mai, ils étaient devant l’ambassade d’Espagne à Paris pour crier leur soutien au mouvement du 15-M qui s’est déployé dans toute l’Espagne en un temps record.
Etudiants en Erasmus ou jeunes travailleurs migrants à Paris venus en quête d’un meilleur salaire, ce sont ces quelques Espagnols surmotivés qui tiennent les rênes de la mobilisation citoyenne établie depuis 5 jours sur la place de la Bastille.
#Acampadaparis. Objectif n°1 : soutenir l’Espagne
Sur les escaliers de l’Opéra Bastille, tout est un peu organisé dans l’urgence. Peut-être pris par surprise par le succès des « acampadas » (« campings ») citoyens organisés dans toutes les villes d’Espagne avec ferveur et bonne humeur, les expat’ espagnols ne pouvaient pas rester les bras croisés à Paris. Alors sans même se connaître au préalable, ils se sont spontanément lancé dans une action similaire à ce qu’ils voient sur leurs écrans de télé et d’ordinateur en Espagne : un sitting.
Les premiers jours, les participants venaient surtout soutenir le mouvement espagnol, à son apogée le weekend précédent les élections du 22 mai. Il importait de faire connaître la situation de ce pays où presque un jeune sur deux est au chômage, où, pour la première fois depuis la chute du franquisme, les Espagnols sont descendus dans la rue pour revendiquer plus de justice sociale et secouer les neurones de leurs représentants qu’ils considèrent comme le principal problème du pays.
« Paris toma la calle » : au tour des Français ?
Ce lundi, avec 200 personnes agglutinées sur les marches ensoleillées de l’Opéra, la rengaine a un peu changée. Peu à peu, les discours sur l’Espagne s’entremêlent avec ceux sur la France. Tous prennent la parole au fur et à mesure dans cette assemblée générale. Demain, une journée d’action permettra à chacun de se joindre à des comités d’action montés pour passer aux choses concrètes. Une voix féminine s’élève de l’amphithéâtre. « Je milite pour "l’Appel et la pioche". Tout le monde applaudit. Ce qui se passe en Espagne, c’est aussi ce qui se produit en Grèce, au Portugal et ici. Le phénomène porte partout le même nom : précarité ! » S’en suit une liste de mesures anti-sociales prises récemment par le gouvernement français, de la volonté de faire travailler gratuitement les bénéficiaires du RSA au service civil obligatoire pour les 18-25 ans proposé par Jean-François Copé pour 350 euros par mois. Cette voix rappelle donc à l’assemblée réduite mais attentive que le combat des Espagnols est une cause commune à toutes les sociétés d’Europe. Applaudissements renouvelés. L’ambiance est à l’écoute, au respect de la parole des autres. Chaque déclaration française est traduite en espagnol et vice-versa. Un beau dialogue… Mais pour quels résultats ?
« Voilà, ça fait trois jours que je suis là, et je ne voudrais pas être trop sèche, mais franchement qu’a-t-on décidé de concret ? Rien. Il faut arrêter de tourner en rond et commencer à prendre des décisions concrètes, autrement on fonce dans le mur », dit une jeune espagnole en s’excusant presque de sa franchise. Mais elle a bien raison. Un photoreporter présent sur place regrette le manque de mouvement. « Ils pourraient se déguiser, chacun avec le visage d’un politique espagnol, faire une sorte de carnaval coloré. Là, les médias se déplaceraient illico ! Au fond ce qui marche, c’est soit le mouvement, soit la bagarre », lance-il en habitué. D’autres connaisseurs confirment. « En Espagne, il y a eu un énorme travail de fond, reconnait Julien Bayou, le militant du collectif Jeudi Noir et d’Europe-Ecologie présent dans l’amphithéâtre. Dès avril, ils distribuaient déjà des tracts. Puis il y a le fait que c’est le parti socialiste (PSOE) qui a porté les mesures d’austérité : ça renforce le refus de la politique politicienne. En France, on est dans un schéma plus classique, avec un gouvernement de droite qui mène des politiques impopulaires, et l’horizon de 2012 comme espoir de changement. » Et une prise de conscience moins facile à obtenir, souffle celui qui mène des actions militantes en faveur des mal-logés. Une chose est sûre, si l’#acampadaparis veut faire parler de lui, le mouvement va devoir trouver des formes d’action originales. Faire le tour de la colonne de la Bastille ? Organiser des die-in ? Reste encore à trouver l’outil le plus adéquat à la culture locale. Et faire monter la sauce jusqu’à la manifestation prévue dimanche à 14 heures, pour une « nouvelle » prise de la Bastille. D’ici là, rendez-vous tous les soirs sur les marches de l’Opéra Bastille à 19h, avec Julien, Guillaume, Pepa, Daniel et les autres, pour parler politique et la faire… Mais autrement !
Deux adresses pour suivre le mouvement :
Le fil twitter #acampadaparis
le site internet réelle démocratie
Emmanuel Haddad
Photos : Noir et blanc : (cc)Gabrielle Beyl/flickr ; Photos place de la Bastille : avec la courtoisie du photographe Guillaume Bassinet, rencontré sur les lieux