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A Strasbourg, nettoyage express de la banlieue de Port du Rhin

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Société

A la fois banlieue de Strasbourg et frontière franco-allemande, le quartier Port du Rhin est aujourd’hui célèbre pour avoir été le théâtre des manifestations anti-OTAN en 2009. Raison de plus pour les élus et les urbanistes de mener à bien le plan d’urbanisme déployé pour améliorer les conditions de vie de ses habitants. Mission accomplie ? Reportage.

A deux pas du Parlement européen de Strasbourg, la réalité des 1400 habitants de Port du Rhin est mornePeu connaissent le quartier du Port du Rhin à Strasbourg, la capitale européenne. Banlieue ordinaire, elle ne compte même pas 1400 habitants mais regroupe tous les indicateurs de pauvreté et de précarité : 91,3% d'HLM, 39,3% de ménages à bas revenus ... Et pourtant, elle a connu son « heure de gloire ». C'était les 3 et 4 avril 2009 lors du sommet de l'OTAN. Les présidents des grandes puissances mondiales se retrouvaient sur le Pont de l'Europe qui enjambe le Rhin et relie la France et l'Allemagne. Entre dix et trente mille manifestants défilaient dans les rues du quartier et de la zone industrielle toute proche. Parmi eux, des « black blocks » incendiaient certains bâtiments dont un hôtel Ibis. Ce fut l'étincelle qui mit le feu aux poudres. Télé, radio et journaux rappliquèrent illico et les habitants du quartier eurent droit à leur image dans les journaux télévisés du monde entier.

Un discours bien rôdé

 «L'OTAN a été, non pas un déclencheur, mais un accélérateur»

Aujourd'hui, il ne reste plus que les cendres de l'hôtel calciné, et tout un panel de bonnes volontés annoncé par la municipalité. Il s'agit du « plan d'action du Port du Rhin », qui prévoit « une trentaine d'actions très concrètes » dont la création d'un pôle santé, la construction de nouveaux logements, et l'arrivée du tramway dans le quartier. Lassad Essadi est chargé de mission à la mairie et tient la permanence municipale hebdomadaire. Lorsqu'on évoque les évènements de 2009, il réagit vivement : « L'OTAN a été, non pas un déclencheur, mais un accélérateur » pour donner une nouvelle image et redynamiser le quartier. Expressions toutes faites et mots conventionnels : le discours du fonctionnaire est rôdé. Il détaille le plan d'urbanisme comme s'il était le remède aux maux du quartier. Il faut « faire du projet », « faire de la mixité sociale », « introduire des personnes à forte capacité contributive »... En d'autres termes, il s'agit de mélanger les riches et les pauvres afin d'attirer les commerces et les entrepreneurs. Cela permettrait de faire du quartier une zone plus « attractive ».

Banlieue, mais aussi frontière

A l'extrême Est de Strasbourg, coincé entre deux bras du Rhin, une zone industrielle d'un côté et une route à six voies de l'autre, le Port du Rhin est aussi frontalier avec l'Allemagne. Contigu à la ville de Kehl, le pont de l’Europe relie les deux communes et permet la circulation entre les deux pays. Côté français, tandis que la municipalité évoque des « problèmes de sécurité transfrontalière », les habitants y voient plutôt un aspect pratique, le coût de la vie étant généralement moins cher en Allemagne. La proximité des deux pays induit aussi une circulation très dense. Sept mille poids lourds, contre onze mille il y a quelques années, empruntent chaque jour la voie rapide qui borde le quartier. Avant la création de l'espace Schengen, ils devaient faire une halte à l'ancienne douane et passaient la nuit à l'hôtel d'en face, désormais transformé en restaurant d'insertion. Aujourd'hui ce sont aussi les touristes allemands qui traversent le Rhin chaque hiver pour flâner entre les stands du célèbre marché de Noël strasbourgeois.

Le quartier est une banlieue mais aussi une frontière

L'urbanisme au service de la sécurité ?

D'où l'importance de redorer l'image du quartier à grand renfort de plans urbanistiques. C'est l'atelier Paul Landauer qui a été retenu lors de l'appel à réflexion sur « la sécurisation de l'espace public » du Port du Rhin. En 2008, il a reçu le prix de la prévention de la délinquance. Si l'urbanisme a pu être destiné à des fins sociales, il semble aujourd'hui tourné vers d'autres objectifs. La sécurité en est des plus récurrents... Dans son ouvrage L'architecte, la ville et la sécurité, Paul Landauer dénonce « l'analyse simpliste » qui consiste à réduire les effets de la sécurité au repli et à la protection et prône un nouveau modèle qui garantirait la sécurité par la gestion des flux.

« Comme dans un petit village »

Tous ces termes semblent bien éloignés des préoccupations des habitants du Port du Rhin, qui voient au-delà de l'image qui colle au quartier de Strasbourg et préfèrent raconter l'ambiance telle qu'elle est vécue au quotidien. Malgré le manque cruel de services et de commerces de proximité, certains continuent de voir dans le Port du Rhin des atouts difficiles à trouver en centre ville ou en rase campagne « Des gens qui avaient déménagé pour aller voir ailleurs sont revenus ! » La directrice d'Au delà des ponts, la seule association sociale du coin loue l'entraide et la solidarité des habitants : « C'est vrai que le quartier a une mauvaise réputation, mais au moins ici, on peut compter sur tout le monde. Comme nous sommes mal desservis par les transports en commun, que nous sommes un peu à l'écart, isolés, une réelle solidarité s'est créée. » Anciens gens du voyage, vieux alsaciens, maghrébins, turcs, personnes âgées et très jeunes cohabitent « comme dans un petit village ».

Photo : Une : (cc)The Hamster Factor/flickr ; Grands ensembles : (cc)4klr/flickr ; Pont de Port du Rhin : ©Lucy Roy ; vidéo : StrasTV/Daily Motion