A qui le handicap éducatif ?
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Le système éducatif socialiste a, – sans doute involontairement ! – bien préparé ses jeunes pour affronter la situation du XXIème siècle, celle où ils seront citoyens d’une Union Européenne en devenir, au même titre que les jeunes en France, en Italie ou en Belgique. Ce sont plutôt ces derniers qui ont parfois du mal à y trouver leur place.
Le but de l’éducation a toujours été de préparer les jeunes à devenir des adultes capables d’affronter la complexité du monde. Il s’agissait de leur fournir les moyens de survivre et de s’intégrer dans le système productif et social de leur communautés respectives. A l’époque des idéologies politiques du XXème siècle, l’école fut le moyen privilégié de la transmission des idéaux et de la fabrication d’un soutien populaire aux régimes en place.
Or nombre de ces régimes n’ont pas survécu aux turbulences historiques. C’est le cas par exemple des démocraties populaires de l’Europe Centrale et Orientale. Les jeunes de ces pays ont été éduqués et équipés en connaissances nécessaires pour vivre dans des sociétés socialistes. Ils ne l’ont pas été pour affronter, comme ils sont aujourd’hui obligés de le faire, le marché libéral, impitoyable envers les agents non-compétitifs. Il n’est alors pas surprenant qu’ils soient nombreux à avoir des difficultés à s’intégrer dans une société et un système libéral à l’occidentale : le chômage des jeunes a en effet beaucoup augmenté depuis 1989 dans les PECO. Dans la perspective du prochain élargissement de l’UE à l’est, ceci risque d’être une source d’inquiétude. Une inégalité de cette sorte figerait les nouveaux arrivants dans le rôle de gouffre à subventions européennes pour de nombreuses années à venir. Ce décalage pourrait s’avérer plus gênant à long terme que la différence culturelle qui a fait déjà couler beaucoup d’encre.
Le retournement du capital éducatif
Mais la question est plus complexe qu’il ne semble au premier abord. Certes, un certain pourcentage des jeunes trouvent toujours la réorientation et le passage à un système nouveau difficile, d’autant plus que les programmes scolaires et le personnel enseignant ne s’adaptent que petit à petit. Mais parallèlement, on distingue une classe croissante de jeunes dynamiques, compétents et flexibles, qui ont réussi à retourner leur capital éducatif socialiste à leur avantage.
En effet, malgré tout ce qu’on a pu dire ou écrire sur la propagande et l’embrigadement des jeunes dans les démocraties populaires, l’éducation qui y a été délivrée avait aussi ses aspects positifs. En général, une grande importance fut donnée aux sciences exactes. Les mathématiques, la physique et la chimie étaient considérées comme pierres angulaires de tout enseignement primaire. La culture générale littéraire et artistique fut encouragée ainsi que l’étude des langues. Parallèlement à tout cela, les organisations de Pionniers soulignaient l’importance de l’habileté manuelle et de l’économie des ressources (les collectes de papier pour le recyclage donnaient lieu à des concours annuels entre clubs), en même temps qu’elles encourageaient la solidarité et le travail en équipe.
Ces aspects de l’éducation socialiste ont permis, suite aux changements de 1989, à de nombreux jeunes de se réorienter et de concurrencer avec succès leurs camarades occidentaux en bien des points. Les enquêtes récentes prouvent qu’encore aujourd’hui, les écoliers et étudiants tchèques, slovaques ou hongrois dépassent sans grande difficulté leurs homologues français ou allemands en maths et physique. De ce fait aussi, ils n’ont eu aucun problème pour s’approprier ces technologies modernes que sont l’informatique ou/et la téléphonie mobile.
Les idéaux et la pluridisciplinarité acquis dans leur enfance rendent aussi ces jeunes de l’Est particulièrement sensibles aux grandes questions du monde moderne, telles que l’environnement ou les droits de l’homme. La popularité croissante des mouvements verts en Europe orientale le prouve bien.
Une expérience humaine renforcée par la crise des valeurs
De plus, il possèdent l’avantage (relatif) de leurs expériences humaines, de gens qui ont vu s’effondrer un système de croyances et d’idéologies. Ils ont vu toutes ces vérités formelles de leurs enseignants soudain désignées comme propagande et remplacées par d’autres, souvent aussi peu justifiées que les anciennes. Cette crise de valeurs a permis à nombre d’entre eux d’aiguiser leur esprit critique et les a amenés à rechercher des voies alternatives et novatrices dans tous les domaines. Etant par conséquent souvent plus indépendants et plus débrouillards, ils possèdent un avantage considérable par rapports aux jeunes occidentaux qui ont plus tendance à s’enfermer dans le cadre pré-tracé par la tradition et les institutions existantes.
Globalement, on constate que le système éducatif socialiste a finalement (et sans aucun doute involontairement !) bien préparé ses jeunes pour affronter la situation bien différente du XXIème siècle, celle ou ils seront citoyens d’une Union Européenne dynamique, au même titre que des jeunes de France, d’Italie ou de Belgique et que c’est plutôt ces derniers qui auraient parfois du mal à y trouver leur place.