A nouvelle Europe, nouveaux médias
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Delphine LeangImaginez un média européen qui couvrirait Bruxelles et Rome, Paris et Varsovie de manière égale. Internet pourrait-il en être le cœur ?
Selon Alain Chanel, directeur de l’école de journalisme à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, « la production d’informations vraiment européennes reste encore ponctuelle en ce moment. » Mais imaginez à quoi un média européen pourrait ressembler : ses pages arts et culture couvriraient le spectacle d’opéra le plus récent à Paris ou les galeries d’art les plus à la mode de Varsovie ; il ressemblerait au Monde ou à El Pais mais l’accent ne serait pas mis sur la France ou l’Espagne mais sur l’Europe. Cette proposition est un défi, mais un défi qu’il faudrait relever.
Les informations européennes existent bel et bien
L’Europe ne manque pas d’initiatives en matière de reportages. En France, le réseau de télévision régionale France 3 possède une équipe spécialisée qui couvre l’Europe depuis Strasbourg. Environ six reporters sont venus renforcer les locaux du Monde. La chaîne d’informations câblée Euronews diffuse des programmes en sept langues et, bien qu’elle ne soit pas rentable, elle bat régulièrement des géants comme BBC World et CNN sur certaines parts de marché. La chaîne franco-allemande Arte est elle-même un réseau européen. Des programmes hebdomadaires comme Le forum des Européens débat de problèmes et de tendances qui touchent les 360 millions d’Européens. Marco Schütz, rédacteur en chef Internet de l’hebdomadaire français Courrier International, explique que « ces deux chaînes manifestent la volonté apparente de dépasser les considérations nationales. »
La presse financière, en avance sur celle d’intérêt général, a été la première à comprendre comment couvrir l’intégration financière (et culturelle) de l’Europe. Désormais, le Financial Times remplit régulièrement ses deux premières pages avec des sujets ayant trait à l’Europe. Echantillon de titres issus de récents numéros : « Malaise sur le rythme des réformes dans les nouveaux Etats de l’UE », « ‘Moins de discussion, plus d’action’ pour la compétitivité de l’UE ». Bien que basé à Bruxelles, le champ couvert par le Wall Street Journal Europe, publication du groupe Dow Jones, reste loin en deuxième position derrière le Financial Times. Ses pages sont composées de sélections du Washington Post ou de dépêches financières de Dow Jones. Mais des reportages récents, l’un sur la faillite de Parmalat, l’autre sur les tensions à Rome entre une communauté chinoise de plus en plus importante et la municipalité de la ville, ont offert des éclairages rafraîchissants dans une publication aux reportages dans l’ensemble distants et trop eurosceptiques.
Vieilles habitudes et nouvelles traditions
Malgré cela, selon Georges Gros, ancien journaliste et actuel Secrétaire Général de l’Union Internationale de la Presse Francophone à Paris, « il y a un déficit en informations » quand il s’agit de l’Europe. Il avance comme argument que les nouvelles organisations demeurent des compagnies nationales. Dans leurs reportages, elles s’attachent donc à observer l’impact qu’a l’Europe en tant qu’organisation sur leur propre pays. Gros prétend que cela encourage un ton agressif qui se concentre sur des sujets redondants comme « Les déficits galopants de la France » ou les agriculteurs en colère et la réduction des subventions. Ces sujets sont l’objet de reportages au détriment du formidable développement politique et culturel que représente aussi l’Union Européenne.
Et maintenant ?
Le média pourrait contribuer à la naissance d’une conscience européenne. Pour cela, Alain Chanel soutient qu’« il devrait respecter le vieux principe journalistique de la proximité ». Quand le Forum des Européens sur Arte consacre une émission entière à la vie des célibataires en Europe, il fait la chronique d’une réalité partagée soulignant à la fois les ressemblances et les différences à travers des régions et des cultures différentes. C’est une forme de proximité.
Hormis des histoires captivantes et des lignes éditoriales clairement définies, la question de la langue est inévitable dans toute entreprise pour un média à l’échelle européenne. Quelle(s) langue(s) devrait utiliser un média européen ? L’anglais ? Devrait-il aussi inclure le français, l’espagnol et l’italien ? Est-ce qu’il peut tout couvrir et inclure toutes les langues de l’Union Européenne ? « Si nous parlons d’un média européen, il doit être multilingue, » souligne Marco Schütz. Selon lui, des chaînes comme Arte et Euronews ont créé une identité européenne en étant multilingues. Il continue, « en utilisant une seule langue, vous vous limitez à une audience spécifique. »
Avec la langue esquissant la structure d’un média européen, la question du moyen de diffusion est aussi essentielle. La voie classique du quotidien ne pourrait être possible que s’il se limitait à une ou deux langues, au maximum. Un plus grand nombre détournerait les lecteurs. « Internet et la télévision sont les routes évidentes, » pour Chanel. Avec son espace illimité, un média Internet pourrait être ce que les gens veulent qu’il soit, grec, espagnol, hongrois, et européen. Café Babel avec ses éditions en cinq langues l’a compris. Aux Etats-Unis, des magazines Internet comme Slate, qui allie commentaires écrits et diffusion radio, offrent une variété de possibilités qui pourraient être utilisées pour rendre compte de la réalité européenne.
Mais le défi qui se présente à tout média Internet est celui de la crédibilité. Aujourd’hui, Internet n’est pas encore reconnu comme un média viable auquel on peut faire confiance. Tout comme l’Europe, Internet est quelque chose de nouveau. Ce qui manque encore au web en crédibilité devra être gagné par une fidélité aux règles du journalisme et par une recherche constante d’idées et d’histoires uniques.
Translated from New Media For New (And Old) Europe