A mort le consensus européen!
Published on
J’ai un grave défaut dans la vie, je lis à peu près tout ce qui me passe devant les yeux. Prospectus, catalogues, magazines people, tout y passe. Je crois qu’une fois j’ai même lu le programme électoral du Front National.
Ca doit venir du fait que j’ai appris à lire en lisant les informations nutritionnelles des paquets de céréales pour le petit déjeuner…
L’autre jour, je suis tombé sur un truc improbable, le journal des médaillés de la Légion d’Honneur ! Evidemment, je l’ai ouvert. Mais heureusement, une pub sur la première page m’a empêché de me plonger dans des articles passionnants sur la guerre d’Algérie ou sur la décadence de la jeunesse d’aujourd’hui, genre « ce qu’il nous faudrait c’est une bonne guerre bordel ! »
C’était une pub pour Euronews. On nous expliquait qu’elle était devenus la chaîne d’information leader en Europe pour les CSP+, c’est à dire les 20% de foyers les plus aisés. Par ailleurs, elle est la première chaîne d’information internationale en Europe. Moi, j’trouve ça super bien. Bon, OK, c’est vrai, une fois de plus, ça concerne les plus riches, ceux qui voyagent et qui vivent l’Europe pour de vrai. Mais déjà, on peut plus dire comme il y a quelques années que c’est un média confidentiel.
Et puis, à part Euronews, tous les grandes chaînes d’info parlent d’Europe maintenant. Les grands journaux européens ont quasiment tous maintenant une rubrique Europe et même les journaux télévisés généralistes parlent des grands événements. Bon, OK, quand des journalistes parlent d’Europe, ils encore ont un peu tendance à raconter des conneries. Y’a pas longtemps, je suis encore tombé sur un article du Monde qui confondait le Conseil des ministres avec le Conseil de l’Europe… Pathétique…
Mais quand même, on peut quand même se demander : et si le problème de visibilité des questions européennes ne venait pas des médias, mais plutôt de ce qu’on leur propose ?
Le problème avec l’Europe, c’est qu’elle s’est bâtie avec l’idée que le consensus était sa meilleure assurance vie. Si personne n’est exclu, si personne n’est vexé, ça continuera de tourner. C’était une super idée. Le problème, c’est que pendant ce temps on se fait chier comme des rats morts ! Bah oui, on sait pas qui se bat pour quoi, qui est contre qui, qui gagne et qui perd. Résultat, le public de base voit l’Europe comme une sorte de gros machin homogène et indiscutable, où tout le monde est potes, et qu’on doit accepter avec toutes les options.
Le problème, c’est qu’avec ce genre de perception, le débat stagne à un niveau primitif : pour ou contre l’Europe. C’est une sorte de réflexe instinctif en démocratie. Il faut des divisions simples, deux camps qui s’affrontent. Pour l’instant, à Bruxelles, l’opposition la plus claire c’est entre pro et anti-européens. A ce rythme là, on est mal barrés.
Alors, comment on fait ? C’est très simple. On arrête le consensus. On arrête de penser qu’une bonne négociation se fait à la dernière minute dans les couloirs. On arrête d’aller aux conférences et groupes de travail organisés par les lobbys industriels, avec force petits fours. On arrête de se satisfaire d’un « accord mutuellement profitable », en espérant obtenir mieux la prochaine fois.
Je veux du sang, des larmes et de la sueur ! Engueulez-vous, bordel de merde ! Tous autant que vous êtes, députés, fonctionnaires, représentants d’Etats membres, faites de la politique pour une fois ! Traitez vous de salauds de droite, de ringards de gauche, d’écologistes allumés ou de fascistes d’anti-européens. On veut du spectacle ! Quand vous négociez la directive services, les tarifs de téléphonie, ou les normes environnementales, arrêtez de vous faire des risettes quand vous êtes à Bruxelles et de critiquer l’Europe quand vous n’y êtes plus ! Faites l’inverse.
Le problème de l’Europe, c’est que tout le monde, pro et anti confondus, croit qu’il s’agit d’une sorte d’Utopia de la politique, un monde parfait où on aurait plus de choix à faire, mais simplement suivre des principes bon pour tous. Il n’y a rien de plus faux. Il y a une Europe de gauche et une Europe de droite. Ca existe déjà, il faut juste que les citoyens soient au courant.
Si vous voulez vraiment nous intéresser à l’Europe, chers dirigeants nationaux et européens, il faut arrêtez de penser que le cerveau est à Bruxelles, et le cœur dans les Etats membres. Y’a pas qu’au niveau national qu’on peut avoir un bon gros débat idéologique à l’ancienne. La vraie démocratie, c’est quand un député se met à penser qu’il est dans son intérêt de trahir son collègue d’assemblée pour plaire à ses électeurs. A Bruxelles, l’inverse a encore lieu trop souvent.