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A la Berlinale, deux films convoquent les témoins du communisme

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Sergio Marx

Ils ont adopté la doctrine suivante: «Du passé, faisons table rase». En République tchèque comme en Roumanie, le débat public sur le communisme est quasi-inexistant. Projetés à la Berlinale, deux films, l’un roumain, l’autre tchèque, tentent à nouveau de réveiller les consciences citoyennes sur le thème de la police politique.

du tchèque Jan Hrebejk Ils s’appellent « Stasi » ou « Securitate » : les organes de sécurité et de répression des Etats communistes d'Europe Centrale et de l'Est captivent actuellement le public du festival international du film de Berlin grâce à Kawasakiho ruze (« Kawasaki Rose » - 2009) du tchèque Jan Hrebejk et Portretul luptătorului la tinereţe (« Portrait of the fighter as a young man » - 2010) du roumain Constantin Popescu. Un passé encore difficile à mettre sur la table dans des pays où chaque citoyen a dû, un jour, se poser un dilemme moral : aider le régime et rester, ou résister aux injonctions du pouvoir et disparaître. Traiter ce thème au cinéma, c’est dépeindre le quotidien d’une société post-communiste et rejoindre quelque chose de plus universel : le choix existentiel des individus.

Dans le maquis

Les deux films proposent des perspectives différentes : Portretul luptătorului la tinereţe met en scène la résistance anti-communiste dans l’après-guerre. Son existence n'a été rendue publique qu'en 1989 quand le mur de silence érigé par la Securitate s’est effondré avec le communisme. On suit l’histoire de jeunes étudiants idéalistes, autour du leader Ion Gavrilă Ogoranu, qui prennent le maquis pour combattre le régime totalitaire entrain de se consolider. Les résistants espèrent une intervention des alliés occidentaux contre la Roumanie communiste, qui ne vient jamais. La Securitate torture leurs proches, certains jusqu'à la mort, tout en leur livrant une constante chasse à l'homme. Les années passent et le combat continue, mais l'espoir, lui, disparait lentement. Une question hante pourtant l’esprit d’Ogoranu : « Et toi, papa, qu'est-ce que tu as fait ? »

Dans le maquis

Kawasakiho ruze prend la relève à ce point précis. Il décrit l'histoire de Pavel Josek dans la République tchèque post-communiste, un psychiatre dissident dont le passé d'informateur de la StB, le service secret tchèque, refait surface. Il doit faire face aux regards accusateurs de ses proches, dont ceux des plus jeunes, qui ne comprennent pas son histoire. Josek explique les concessions qu’il a acceptées de faire : « Prendre un café avec une prostitué est moralement accepté, la suivre dans une chambre d'hôtel est par contre immoral. Le problème avec la StB c'est qu'on avait encore l'impression de prendre un café alors qu'on était déjà dans la chambre », lance le personnage, dont on ne sait plus s’il est méchant ou gentil.

Travail de mémoire

En donnant à Ogoranu et ses compagnons leur statut héroïque ; en déconstruisant, pétale par pétale de rose, le cheminement d'un dissident, Popescu et Hrebejk veulent donner plus de sens au passé pour être plus sereins face à l'avenir. En Roumanie, l'ensemble des archives de l'époque communiste n'a toujours pas été totalement rendus publiques. Seules quelques voix, comme celle de Teodor Mărieş, figure de la révolution de 1989, appellent à un travail de mémoire et la publication de toutes les archives. Pourtant son combat est considéré par la majorité comme vain et perdu d'avance, car la société à changé depuis 1989. Les idéaux de la Révolution de Velours, comme ceux de la révolution contre Ceauşescu, ont perdus de leur actualité dans des sociétés sans repères, qui pensent à l'avenir et oublient de faire un travail de mémoire.

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