5 octobre : Le projet de Traité modificatif est dans la boîte … ou presque.
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Lors de la conférence organisée par l’association Sauvons l’Europe le 6 octobre dernier, Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat auprès des Affaires étrangères et européennes, venait donner ses impressions et nous donner quelques pistes pour la future présidence française de l’UE (juillet 2008).
Son intervention, suivie d’une table ronde réunissant des représentants d’associations, de syndicats et de collectifs pro-européens fut l’occasion de débattre de thèmes phares pour l’Union et pour la France.
Jean-Pierre Jouyet félicite les travaux conduits par la CIG et accueille avec enthousiasme le texte dévoilé vendredi dernier. Il ne manque cependant pas de préciser que la ratification reste un enjeu central.
Quels enjeux pour la présidence française de l’Union européenne ? Quels réalisations sont aujourd’hui possibles et envisageables … Un discours teinté d’optimisme qui ne décline cependant que peu de mesures concrètes.
La question du remaniement des institutions semble réglée ; l’Union fonctionnera mieux avec le nouveau traité grâce aux mesures prise dans le domaine de la coordination institutionnelle (Conseil, Commission, Parlement européen et parlements nationaux) et de la pondération des voix.
Qu’en est-il des sujets de fond, à savoir du budget européen (rééquilibrera, rééquilibrera pas ?), de la politique de coopération (ou comment communautariser la problématique de l’immigration ?), de la cohésion sociale (à quand l’ « UE-providence » ?), de la recherche (comment placer et faire fructifier nos têtes chercheuses dans des « pôles d’excellence ?) …
Le ton est ironique, mais les problèmes sont bien réels.
En économie, tout d’abord, Jean-Pierre Jouyet annonce la volonté, pour la France, d’aller plus loin dans le « partage de souveraineté ».
Sans pour autant parler de gouvernement économique, terme qui effraie nos compatriotes allemands, il dit vouloir renforcer le rôle de l’Eurogroupe et intensifier les solidarités. Serait-ce une manière détournée de dire que les Etats membres (donc nous) devrons un peu plus mettre la main à la poche vu les piètres résultats de l’UE en matière budgétaire ces dernières années ? (Son budget propre est tombé en dessous des 1% après avoir plafonné à 1.27% dans les années 90.)
Quoi qu’il en soit, le budget européen doit être rationnalisé autour de trois domaines qui seront des priorités françaises : l’innovation et la recherche, l’éducation et la formation, la PESC et la PESD. Il faut, en outre, réengager le dialogue avec les partenaires sociaux autour de l’avenir du Fond social européen (FSE), pour lequel Jean-Pierre Jouyet souhaite une gestion plus décentralisée et plus transparente. Selon lui, beaucoup de reliquats existent en France dans la gestion des fonds de cohésion à cause d’un modèle d’organisation qui favorise la centralisation. Il faudrait « accélérer les processus de transfert » et que le FSE « soit adressé au niveau des préfets ».
Développer l’économie de la connaissance.
Comment conjuguer la réalisation des objectifs de 2010 l’ambitieux projet de « pôles d’excellence » compte tenu des insuffisances actuelles ?
Réponse : en créant un « Erasmus + » et en stimulant les échanges infra européens ?
Afin de valoriser la mobilité des travailleurs, des associations, des chercheurs, Jean-Pierre Jouyet reprend l’idée d’un système « Erasmus + » sans, toutefois, faire l’unanimité chez les invités de la table ronde. Parmi eux, des représentants syndicaux et associatifs (la Confédération étudiante, l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA), la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), le Carrefour pour une Europe Civile et Sociale (CAFEC), ou encore Génération Europe) ont accusé le projet de vouloir faire du neuf avec du vieux. Gaëtane Ricard-Nihoul, rédactrice à Notre Europe, ne manque pas de préciser que ceci existe déjà à travers, notamment, le programme Leonardo financé par la Commission européenne. De même, d’importants cycles de manifestations ont été programmés et méritent d’être approfondis et pérennisés. Elle cite ainsi les Etats généraux de l’Europe qui ont eu lieu à Lille en mars derniers et dont la prochaine session se déroulera le 21 juin prochain à Lyon. « Ce sont de belles plateformes associatives qu’il faut développer au lieu de les affaiblir en créant d’autres outils », il en va de l’Erasmus + comme du projet de créer un nouveau Forum associatif.
L’immigration, un autre volet sensible … surtout pour la France.
Sans mentionner les débats internes qui animent la scène politique française depuis quelques temps, et fidèle à sa volonté de « dénationaliser » les débats européens, Jean-Pierre Jouyet a abordé la question de l’immigration sous l’angle du partenariat Euro-méditerranéen. Soulignant que le renforcement de ce partenariat n’était « pas une alternative à la relation Turquie-UE sur la question de l’adhésion », le Secrétaire général s’est dit favorable au renforcement des solidarités entre les Etats du bassin méditerranéen et avec l’Union européenne. Même si tous les Etats membres de l’UE ont du mal à se sentir concernés par cette question (les pays scandinaves sont faiblement sensibles aux politiques d’échanges transfrontaliers en Méditerranée), force est de constater qu’elle recoupe des problèmes qui intéressent tout le monde. Citons par exemple les politiques d’intégration et de co-développement, la lutte contre l’immigration illégale ou encore le redressement démographique.
Développement durable et questions environnementales.
L’environnement, autre sujet tendance, a fait une brève incursion dans le débat, principalement pour souligner que les Etats membres étaient, jusque là, champions en matière de déclaration d’intention lors des sommets européens, mais qu’ils restaient de bien mauvais élèves lorsqu’il s’agissait de traduire les discours en actes… Critique à peine cachée d’une représentante d’un groupe de travail sur les questions liées au développement durable qui prenait pour cible le gouvernement français, souvent jugés par la CJCE pour manquement. Bref, de la confession même de Jean-Pierre Jouyet, des progrès restent à faire et de mesures sont à prendre (autres que disciplinaires, on l’espère …).
Au cœur du débat, la question de l’opinion publique et la place de la société civile.
Bien qu’optimiste et obstinément confiant sur les avancées du Traité modificatif en matière institutionnelle, économique et sociale, monsieur Jouyet a admis que des progrès restaient à faire au niveau européen, mais également national, pour valoriser les efforts engagés par la société civile dans cette voie. Il y voit l’une des principales tâches pour la présidence française de l’Union européenne qui succèdera à la Slovénie en juillet 2008.
L’idée d’un forum régional et d’une mise en batterie des associations existantes est avancée.
Du côté de la communauté virtuelle, la présidence française prévoit de renforcer les outils qui existent et, notamment, de développer le site Toute l’Europe qu’elle subventionne depuis son développement en 2006. Parmi les invités de la table ronde, de jeunes représentants d’associations très dynamiques en la matière : le Taurillon, Toute l’Europe, Agence Europe, Génération Europe. Tous s’accordent à dire qu’il faut redoubler d’efforts pour « franchir le seuil médiatique ». Il faut pour cela que les associations se regroupent, qu’elles coordonnent leurs actions et qu’elles montent des projets communs. « Le problème, ce n’est pas tant le manque de pédagogie, mais le cloisonnement de ces structures » précise l’un des intervenants.
Si l’on ne parvient pas à agir au niveau national, peut-être faut-il tenter de modifier les medium en ciblant, par exemple, la PQR, ce qui contraindra à un effort de simplification et de concision pour répondre aux standards éditoriaux de ce support.
Le choix de la ratification pose un cas de conscience pour bon nombre d’Etats, au rang desquels la France figure en tête peloton.
Faut-il proposer un référendum populaire et risquer de réitérer le fiasco de 2005, ou ne vaut-il pas mieux passer par la voie parlementaire, quitte à être taxé d’ « autoritarisme » ? Même si elle ne semble que modérément inquiéter le Secrétaire d’Etat auprès des Affaires étrangères et européennes, la question du mode de ratification n’est que la partie émergée de l’iceberg. Plus largement, elle pose le problème de la légitimité de l’Union à l’heure du déficit démocratique, et de la place de la société civile dans le débat sur l’avenir de l’Europe.
C’est, en tout cas, le sentiment que l’on pouvait avoir en sortant de la conférence animée par Sauvons l’Europe.
Sophie Helbert