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4. Quand la Commission européenne veut « moderniser » le statut des dockers

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Bruxelles

À la demande de la Commission, la Belgique examine les possibilités d’adapter le statut des dockers. Les employeurs soutiennent la Commission, mais les syndicats ne veulent pas se retrouver avec une « coquille vide ».

Le vendredi 28 mars 2014, le gouvernement belge a reçu une lettre de 20 pages de la Commission à la suite de plaintes introduites par des entreprises du port d’Anvers. Tout comme les plaignants, l’exécutif européen estime que la loi Major, qui protège les dockers belges, va à l’encontre du principe de la liberté d’établissement des entreprises. Par exemple, une entreprise bulgare peut venir s’installer dans le port d’Anvers, mais ne peut pas employer ses propres dockers : les travailleurs doivent être agréés en Belgique pour effectuer leur travail.

La Belgique avait alors répondu et proposé certaines modifications sur lesquelles la Commission s’est penchée. Mais lors d’une réunion informelle en octobre entre l’État belge et la Commission européenne, cette dernière a indiqué que la réponse fournie par la Belgique était insuffisante pour « justifier les limitations posées […] à la liberté d’établissement ».

Les employeurs demandent plus de flexibilité

Les employeurs vont dans le sens de la Commission et proposent eux aussi de moderniser le statut des travailleurs portuaires. Selon Guy Vankrunkelsven, le système est un peu trop rigide : un travailleur d’une catégorie spécifique ne peut pas faire le travail d’une autre catégorie. Par exemple, un travailleur portuaire normal commence à travailler et, après 5 ans, il devient chauffeur. En tant que chauffeur, il n’est plus obligé d’accepter un travail comme docker normal. « Ils peuvent le faire s’ils veulent, mais ils ne le font pas car ils seraient moins bien payés », constate le directeur de la CEPA. « Dans certains cas, on devrait pouvoir obliger quelqu’un à accepter un autre travail qui n’appartient pas à sa catégorie. »

Aux yeux de la CEPA, le système des équipes peut également être révisé : pour le traitement de certaines marchandises, le travail doit s’effectuer avec un minimum de personnes. L’employeur devrait pouvoir décider sur place d’employer 4 dockers à la place de 6, par exemple. Quand Cafébabel aborde la question de la sécurité des travailleurs en cas de réduction du contingent par équipe, Guy Vankrunkelsven répond : « Si nous ne faisons rien, nous risquons de tout perdre. En réalité, le manutentionnaire est quelqu’un qui livre un service à l’armateur. Si l’armateur peut décharger ses marchandises pour un moindre prix à Rotterdam ou à Vlissingen, il ira là-bas. »  

Pas touche aux arrêtés royaux

On parle de « modernisation », mais cela veut dire libéralisation, explique un docker. Les travailleurs portuaires et les syndicats ne réagissent pas avec négativité à une modernisation en soi. « Mais il y a une différence entre la modernisation d’un travail et la démolition d’un statut tout entier », nuance Bart Pierré.

Selon lui, le problème avec le gouvernement est qu’il dit qu’il ne veut pas supprimer la loi Major, mais qu’il veut réécrire les arrêtés d’exécution qui composent cette loi.

« Prends un arbre : tu as les branches et les racines. Si tu commences à scier les racines (les arrêtés d’exécution), l’arbre tombera avec le temps. Cela doit rester vivable pour les gens », prévient Bart Pierré.

Il est convaincu que le gouvernement a un agenda caché : « ils nous font croire qu’ils ne veulent pas supprimer la loi Major, mais ils veulent faire disparaitre tous les arrêtés. S’ils n’existent plus, la loi Major devient une coquille vide. »

« Je pense que l’Europe n’est pas sociale, nous sommes dans une Europe unie, mais elle veut tout libéraliser. De cette Europe, on n’en veut pas ! », assure Bart Pierré.

La suite des événements…

Lors de la réunion en octobre, la Commission européenne a octroyé huit semaines supplémentaires à la Belgique pour éventuellement adapter sa réponse. La Commission devrait communiquer son avis incessamment sous peu.

En ce qui concerne la suite du dossier avec la Commission, le directeur de la CEPA estime que cela dépendra de la réaction des syndicats. « Nous sommes prêts à nous adapter, mais les syndicats pas trop, donc je pense que le problème se trouve dans leur camp. »

Bart Pierré fait preuve de patience : « Nous attendons de voir les décisions que l’Europe va prendre sur notre statut. D’autres actions auront surement lieu si la Commission n’est pas d’accord avec les propositions du précédent gouvernement belge. Les syndicats ne retirent pas leur pantalon devant l’Europe. » Ronald, docker depuis deux ans, renchérit : « Je pense que si l’on touche à notre statut, ça va chier. On va aussi s’unir avec d’autres pays : Pays-Bas, Espagne, Portugal. On va tout casser. »

>> (Re)lisez les précédents articles de la série : 

1. Les dockers anversois : du café au « kot »

2. Les conditions de travail des dockers anversois

3. Les dockers anversois peuvent aussi être pacifiques