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3. Les dockers anversois peuvent aussi être pacifiques

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Bruxelles

Les travailleurs du port d'Anvers ont fait grève plusieurs fois pour protester contre les mesures d’économie du gouvernement. Le 24 novembre, ils ont réussi leur pari : paralyser pendant 24 heures le port d’Anvers sans violence.

Les dockers anversois ont fait la Une des journaux après les violences lors de la manifestation à Bruxelles le 6 novembre. Ils y apparaissent comme des casseurs qui ne respectent rien. Deux semaines après, ils ont prouvé à Anvers qu’ils pouvaient faire passer leur message de manière pacifique. 

Des travailleurs stigmatisés

Lors de la manifestation du 6 novembre, environ 120 000 personnes ont protesté dans les rues de Bruxelles contre les mesures d’économie du gouvernement fédéral. En marge du défilé pacifique, un groupe a saccagé des voitures et s’en est pris violemment à la police. Parmi eux figuraient des fascistes, des anarchistes, mais aussi des dockers…

Vêtus de leur veste orange fluo, les travailleurs portuaires sont facilement reconnaissables et les médias ont focalisé toute leur attention sur ce groupe. Bart Pierré, représentant du syndicat socialiste des travailleurs portuaires (BTB-ABVV), ne veut toutefois pas que tous les dockers soient mis dans le même sac : « Il s’agit d’actes individuels. Ce n’est pas parce que 120 000 personnes ont manifesté dans les règles et que 150 personnes ont foutu le bordel que tous les manifestants sont des criminels. »

« J’ai l’impression que le travailleur portuaire est stigmatisé. Nous sommes devenus une maladie contagieuse. Nous sommes considérés comme des marginaux, mais nous ne le sommes pas du tout. Ce n’est pas parce que trois Marocains cambriolent un magasin de nuit que tous les Marocains sont des voleurs. Mais nous sommes maintenant traités de la sorte », regrette le représentant syndical.

Halte à la violence

Le 24 novembre, des grèves ont eu lieu dans les provinces d’Anvers, du Hainaut et du Limbourg. Les travailleurs du port d’Anvers étaient également de la partie. Objectif des syndicats : bloquer totalement le port pendant 24 heures.

Selon des rumeurs, des hooligans du club de football Feyenoord-Rotterdam et des métallos liégeois viendraient soutenir les dockers dans le port. Des centaines de policiers et des forces fédérales ont été déployés ce jour-là. On craignait des violences pires qu'à Bruxelles.

Malgré ces craintes, la grève au port d’Anvers du 24 novembre s’est déroulée dans le calme. Pas de voitures brûlées, pas d’altercations avec les forces de l’ordre. Les syndicats ont organisé quatre piquets de grève à des endroits stratégiques dans le port avec interdiction formelle d’avoir recours à la violence : « Suivez uniquement les mots d’ordres de vos syndicats. Ne vous laissez pas manipuler par des individus qui n’ont que faire du statut de docker », peut-on lire sur les communiqués distribués aux travailleurs.

Les dockers ont respecté les consignes. Pour leur part, les forces de l’ordre se tenaient à distance des grévistes. « Ils savent que, si on laisse entrer les flics, ce sera comme si on agitait un drapeau rouge devant un taureau et ce sera l’affrontement », explique Ronald, docker depuis deux ans.

Selon les estimations de la Banque nationale, la grève aurait engendré une perte d’un million d’euros par heure de blocage. Contrat doublement rempli pour les syndicats : une grève pacifique et un port entièrement paralysé.

« Baisse ton pantalon et approuve ! »

Les revendications des grévistes visaient en premier lieu sur les mesures d’économie du gouvernement et non la défense du statut des travailleurs portuaires.

Les dockers peuvent par exemple partir en retraite anticipée entre 55 et 57 ans. Ils redoutent de devoir travailler plus longtemps. « On va de toute façon devoir travailler plus longtemps. Ceux qui travaillent maintenant, ils peuvent partir à la retraite vers 55 ans, mais nous, on devra sûrement travailler jusqu’à 65 ans », craint Ronald.

Selon Bart Pierré, les dockers ont vraiment beaucoup à perdre : d’une part, leur statut est menacé par l’Europe et, d’autre part, le gouvernement y ajoute ses mesures d’économie. « Ça fait déjà plus de dix ans que l’on essaie de toucher à notre statut », explique-t-il.

Les dockers ne sont pas convaincus que le gouvernement fédéral souhaite vraiment le dialogue social. Pour le syndicaliste, le gouvernement veut inviter les syndicats pour leur dire : « Baisse ton pantalon, approuve et voilà. Ce n’est pas ça le dialogue social. »

>> (Re)lisez les autres articles de la série : 

1. Les dockers anversois : du café au « kot »

2. Les conditions de travail des dockers anversois

4. Quand la Commission européenne veut « moderniser » le statut des dockers