2016 : mais où est passée la génération Bob Dylan ?
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Adrien SouchetTour d'horizon de l'année 2016 : mains sur le visage en signe de consternation et soupir d'exaspération généralisé. Prêts ? Au lieu de chanter les réformes et les révolutions, notre génération se tourne vers les mèmes et les parodies, signes d'un mécanisme répétitif. Mais pourquoi diable nous éloignons-nous toujours plus de la musique contestataire traditionnelle ?
2016 a été témoin de la mort de Prince, David Bowie et Leonard Cohen. Chacun d'entre eux a laissé une marque indélébile dans le monde de la musique. Cette année, le Prix Nobel de littérature a été décerné à Bob Dylan pour son génie lyrique et son influence. Bien que leur musique ait dominé les charts dans les années 60 et 70, notre génération continue à prendre ces icônes musicales comme source d'inspiration.
Les chansons engagées et la musique contestataire constituaient le yang du yin des années 60. Les mouvements contre-culturels ont fleuri dans le monde entier, sous la clameur d'une seule voix. Les mouvements pour les droits civiques, les manifestations antiguerre et les luttes féministes ont été l'essence de la rhétorique mondiale.
En 2016, le monde a été caractérisé par une forte instabilité politique, des attaques terroristes omniprésentes et une lutte féroce pour l'acquisition de droits qui étaient jusque-là gravés dans le marbre. Ainsi, si l'histoire révèle que le monde peut, grâce à la musique, être uni derrière une même voix pour vaincre les luttes, mais que fait notre génération ?
Adolescente, mon désamour à l'égard du monde, de mes aînés et du patriarcat en général s'exprimait mieux à travers la musique qui n'était même pas de ma génération mais de celle de mes parents. Je pouvais compter sur « For What It’s Worth » de Buffalo Springfield, la reprise de « Police and Thieves » des Clash ou encore Subterranean Homesick Blues de Bob Dylan, tout en me détournant de Shakira, Pitbull ou Jason Derulo. Même si j'avoue avoir été intriguée par Eminem et son portrait de l'Amérique blanche, ainsi qu'inspirée par la façon dont Lil’ Kim faisait du rap de manière décomplexée sur la question de la sexualité féminine en démystifiant le clitoris, je trouvais que leur musique manquait d'un caractère universel, d'une capacité à transcender les frontières. Bien que 2016 (ainsi que notre génération dans son ensemble) ait été témoin de formes de musique contestataire, cela semble moins efficace que par le passé.
Alors que le titre de M.I.A. - « Borders » - est sorti à la fin de l'année 2015, le thème de cette chanson était d'une actualité brûlante en 2016 : la crise migratoire en Europe. Peut-être suis-je naïve en voulant dresser une comparaison entre cette chanson et celles que j'ai mentionnées précédemment, mais cela est un bon moyen de démontrer que notre définition de la musique contestataire est devenue floue. La chanson a un rythme entraînant et M.I.A. répète la phrase « Qu'est-ce qu'on fait avec ça ? » (What's up with that?, en VO) afin de souligner le malaise inhérent à nos sociétés vis-à-vis de la « politique », des « identités » et même de la « réalité ». Je respecte M.I.A. et son engagement actif pour réveiller les consciences sur la question migratoire. Mais quand je sépare l'artiste de son art, tout ce qu'il reste à mes yeux sont des paroles trop simplistes et un rythme entraînant.
Notre relation à la musique contestataire a sans aucun doute changé. Il est difficile de dire si cela est positif ou négatif, sachant que de nouveaux types de média semblent prendre le dessus sur notre façon d'exprimer notre mécontentement. L'introduction du streaming et de chaînes d'abonnement telles que Spotify et Youtube ont supplanté notre rapport à la radio. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi nous avons perdu le lien d'universalité des chansons contestataires. En parallèle, nous avons également été témoin de l'accroissement des réseaux sociaux auquel s'est couplée la déferlante des parodies de chansons et de mèmes. Plutôt que de se tourner vers des mouvements sociaux à l'échelle mondiale, nous avons tendance à nous replier sur des flashs info et à nous précipiter sur les politiques au discours douteux pour nous moquer d'eux. Nous ne chantons pas des lendemains qui changent, nous rions de la bêtise du monde.
Ce qui est triste à dire, c'est qu'après une année de bordel généralisé, je continue à écouter Bob Dylan afin d'éprouver un sentiment d'unité et trouver la motivation pour de futures révolutions. Je m'accroche toujours à la célèbre citation de Jimi Hendrix : « Lorsque le pouvoir de l'amour vaincra l'amour du pouvoir, le monde connaîtra la paix ».
2016 : la pire année. Et tout ce que nous faisons c'est de nous plaindre.
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2016, année pourrie ? Oui clairement. Mais ce n’est pas une raison pour rester là sans rien faire. La rédac a donc décidé de revenir sur la folie des douze derniers mois avec une seule règle bien précise : s’autoriser tous les droits. Fictions, histoires drôles et articles écrits en roue libre, Best Year Ever va même peut-être vous rendre nostalgique.
Translated from Where is our generation's Bob Dylan?