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2. Les conditions de travail des dockers anversois

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Bruxelles

Cafébabel lève le voile sur les dockers anversois dans son dossier aux parfums de Mer du Nord et de lutte sociale. Découvrez comment ils travaillent quotidiennement et qui ils sont. 

Dans ce deuxième article consacré aux dockers anversois, Cafébabel dresse un portrait des dockers qui travaillent « dans les conditions les plus difficiles et dans l’un des environnements les plus dangereux », selon un syndicaliste.

Des brutes au cœur tendre

Les dockers viennent d’horizons très différents : il y a des universitaires, mais aussi des personnes sans qualification. Ils ont toutefois tous un point en commun : ils parlent en « plat Antwerps », le dialecte anversois à couper au couteau. « Sous une apparence de brutes se cache un cœur tendre », explique Bart Pierré, représentant du syndicat socialiste pour les dockers. « Ce n’est pas parce que leur corps est rempli de tatouages qu’ils sont marginaux. Ce sont de magnifiques personnages très sociables ». Lors de son arrivée au port, le syndicaliste s’est demandé : « Qui sont tous ces gens bizarres qui ont un physique disgracieux et qui sont grossiers ? ». Il justifie la grossièreté des dockers par l’urgence des situations auxquelles ils doivent faire face. « Si les dockers se retrouvent dans une situation dangereuse, ils ne vont pas dire doucement : "Faites attention…", ils vont gueuler "Fais gaffe !" ».

Un métier stressant et dangereux

Dans aucun autre secteur économique en Belgique, le degré global de gravité des accidents de travail n’est aussi haut. Quelque 1200 accidents de travail ont lieu dans le port d’Anvers en 2013. La centrale des employeurs du Port d’Anvers (CEPA) veut d’ailleurs lutter contre ces accidents, parfois mortels. L’objectif est de réduire de moitié le nombre d’accidents d’ici 2020. « Chaque blessure est une de trop », assure Guy Vankrunkelsven, le directeur de la CEPA.

« C’est un métier difficile. En plein soleil ou sous la pluie battante, les dockers doivent travailler. Si un problème survient, on doit agir directement, on ne peut se permettre de dire "on va réfléchir 15 minutes", le temps c’est de l’argent », témoigne un docker devant le kot. Plus un bateau reste longtemps dans le port, plus le coût sera élevé pour le client. Du coup, le facteur stress est très élevé pour les dockers.

« Croyez-moi, ce sont des travailleurs acharnés. À cause de l’incertitude du travail, ils doivent travailler pendant 7 à 10 jours sans arrêt, y compris les week-ends et jours fériés, et puis ils n’ont pas de travail pendant 4 jours. Ils doivent faire beaucoup de sacrifices », explique Bart Pierré.

Ronald, docker depuis deux ans, revient sur ses débuts au port : « Je n’ai pas trouvé facilement un emploi au début. Si tu dis non une fois, [les employeurs] ne te rappellent plus. Tu dois donc toujours accepter un boulot. » Néanmoins, il reste optimiste : « pas mal de personnes plus âgées vont s’en aller, la nouvelle génération va pouvoir prendre la relève. »

Les précurseurs de l’agence intérim

Le « kot », c’est le grand hangar où se rendent une fois par jour les dockers pour aller chercher du travail. Ils peuvent s’y rendre à quatre moments en fonction de leur horaire : 7 heures, 13 heures, 14h30, 15h15. Les travailleurs s’enregistrent électroniquement à l’entrée et attendent la sonnerie qui lance le coup d’envoi du recrutement. Ils se dirigent alors devant un mur de deux mètres en haut duquel se trouvent les employeurs qui choisissent leurs travailleurs. « Au départ, c’est du chacun pour soi. C’est la compétition et tu dois avoir aussi de la chance », explique Ronald. La procédure de recrutement dure dix minutes. Ceux qui n’ont pas accepté de travail alors qu’il y en avait encore n’ont pas droit aux allocations de chômage.

Toutefois, en temps de crise, il arrive plus souvent que les travailleurs portuaires retournent bredouille de leur visite du local de recrutement. Par exemple, le 18 novembre, à la séance de 13 heures, 203 dockers étaient présents alors que seulement 51 jobs étaient disponibles. Trois travailleurs sur quatre ont donc du « pointer » pour recevoir le chômage.

Les dockers sont obligés de se rendre au kot s’ils n’ont pas de travail pour le shift suivant. « Mais cela arrive régulièrement que les dockers travaillent sur un quai et qu’on leur dise qu’ils peuvent revenir le lendemain. Ils peuvent ainsi retourner directement dans cette entreprise », selon Guy Vankrunkelsven, le directeur de la CEPA.

Plus de la moitié des travailleurs portuaires travaillent « au jour le jour » et doivent aller au kot quasi quotidiennement. Ils sont payés toutes les semaines. « Nous sommes les précurseurs de l’agence intérim », déclare Bart Pierré.

>> (Re)lisez les autres articles de la série : 

1. Les dockers anversois : du café au « kot »

3. Les dockers anversois peuvent aussi être pacifiques

4. Quand la Commission européenne veut « moderniser » le statut des dockers