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2020, l'odyssée du cinéma immersif ?

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Culture

Chaque année apporte son lot de nouveaux concepts liés aux nouvelles technologies, concepts souvent présentés, à tort ou à raison, comme révolutionnaires. Parmi ceux qui ont émergé dernièrement en figure un susceptible de récolter beaucoup plus de succès que d'autres : celui du cinéma immersif. 

Imaginez un film que vous ne regarderiez plus sur un écran depuis votre fauteuil mais un film dans lequel vous seriez immergé, dans lequel vos mouvements de tête vous permettraient d’explorer la scène. La réalité virtuelle immersive a longtemps renvoyé au doux rêve que carressaient des gens en blouse blanche. Pourtant, c’est aussi l’idée venue à Antoine Cayrol en 2013. Alors à la tête de FatCat, une société de production audiovisuelle, il découvre fortuitement la réalité virtuelle et en pressent immédiatement le potentiel de développement, non pas dans le domaine du jeu vidéo mais dans celui de l’audiovisuel. De cet intérêt, qu’il en vient à partager avec deux associés, naît Okio Studio. La nouvelle société arrive vite au rang de premier producteur français de ce genre de films radicalement nouveaux et devient même, de l’avis d’Antoine Caryol, l’un des trois meilleurs studios au monde en la matière. 

Un succès qui tourne sur lui-même

S’ensuivent dix mois de recherche et développement, une période de traversée du désert que connaissent initialement de nombreux «  créateurs  ». Antoine Cayrol n’a-t-il alors jamais douté du succès commercial d’une technologie – celle des casques de réalité virtuelle – qui existe depuis les années 90 mais qui n’a jamais réussi à prendre son envol  ? «  Toute innovation technologique connaît deux phases : une première phase de commercialisation qui se solde par un échec – la technologie n'est pas aboutie et le public pas assez informé de son intérêt – puis quelques années plus tard la phase du succès. La réalité virtuelle est précisément en train d'entrer dans cette seconde phase », explique Antoine. 

L’année 2015 pourrait lui donner raison tant elle a tout l’air d’être celle de la consécration. Cette consécration, c’est d’abord celle du concept de film immersif. Et c'est YouTube qui flairé le potentiel du nouveau format de diffusion en premier. Début 2015, le site de partage de vidéos lance YouTube360 , une chaîne dédiée aux contenus hémisphériques. Pour en profiter, porter un casque  n’est pas indispensable, il suffit juste d'orienter son téléphone dans différentes directions afin d'explorer l’image. Ce lancement s'accompagne aussi d'une démocratisation des caméras hémisphériques. Conséquence, la plupart des films aujourd’hui disponibles sur YouTube360 sont le fruit d’amateurs. L’une des vidéos les plus populaires du moment montre ainsi un troupeau de vaches intriguées par la caméra au point de la faire tomber d’un coup de langue. Le cinéma immersif n’a, à l’évidence, pas encore trouvé ses cinéastes de génie. Toutefois, malgré la simplicité narrative des saynètes diffusées, YouTube360 rencontre son public. Le fait même d’entrer dans la scène d’un film – quand bien même celui-ci aurait pour seules actrices des vaches – revêt un intérêt suffisamment aguicheur. 

2015, c’est aussi la consécration d’Okio Studio. Les retombées financières des premiers succès commerciaux viennent couvrir l’ensemble des investissements consentis depuis 2013. Et le studio parisien ne compte pas en rester là. Outre des projets publicitaires, Okio est notamment en train de réaliser un téléfilm pour Arte avec la participation du CNC. Le scénario est à l’image de la technologie  : innovant. Le spectateur se retrouvera ainsi dans la tête d’un robot ayant les traits de Philipp K. Dick, célèbre écrivain de science-fiction américain. Et à l’inverse d’un jeu vidéo, ce sont bien des acteurs et des décors réels que le spectateur côtoiera. Un «  tournage immersif  » n’est d’ailleurs pas sans difficulté. D'abord, il faut diriger des acteurs devant une caméra qui ne laisse plus subsister un angle mort où peut se réfugier l’équipe de tournage. Autre défi  : les mouvements brusques de la caméra sont à proscrire sous peine de donner la nausée au spectateur. Mais au-delà de ces considérations pratiques, c’est en fait l’ensemble des schémas narratifs que le cinéma immersif impose de repenser  : les plans de caméra n’existent plus et le montage ne peut plus comporter de séquences courtes.  

Quelle que soit la manière dont Okio parviendra à relever ces défis, la diffusion de ce téléfilm fin 2015 constituera une nouvelle étape dans son développement. Mais quid de l’avenir  ? Passé les temps héroïques des pionniers, quel futur prédire à cette manière si différente de faire du cinéma ? L’avenir, Antoine Cayrol s’en n’inquiète peu. Selon lui, l’histoire de notre rapport aux écrans obéit à une loi qui veut que chaque nouvelle technologie nous rapproche toujours un peu plus de l’écran  : «  Il y a eu le cinéma, puis la télévision et enfin le smartphone. Le casque est un aboutissement logique  »

Björk dans votre salon

Pour le moyen-terme, du point de vue d’Antoine Cayrol, ce ne sont toutefois pas les œuvres de fiction qui susciteront le plus d’engouement. Le producteur mise plutôt, pour ces prochaines années, sur le domaine musical. De plus en plus de clips musicaux, comme celui de Björk, et de concerts sont ainsi diffusés sous forme de vidéos hémisphériques. Autre axe de développement majeur  selon Antoine : le secteur publicitaire. Les marques de luxe, notamment celles de voitures haut-de-gamme, commencent à y recourir. 

Björk - « Stonemilker » (en 360°)

Sur le long terme, Antoine Cayrol prévoit pour 2020 un avenir où chacun aura pris l’habitude de plonger dans des images de films immersifs produits en grand nombre. L’industrie du cinéma commence d’ailleurs à faire montre d’un intérêt réel, encore que prudent, envers ce nouveau type de films  : «  Cela reste à un stade embryonnaire mais des réalisateurs américains tels que Spielberg ont procédé à des acquisitions dans le secteur au cas où le succès serait au rendez-vous  », note-til. Le premier cinéma aux salles équipées de casques vient même d’ouvrir à Los Angeles. Le producteur ne lie toutefois pas nécessairement l’avenir du cinéma immersif au casque . D’autres supports pourraient à terme procurer une expérience plus agréable et plus efficace. Il cite en exemple le projet de Miscrosoft, Hololens, qui ambitionne entre autres de convertir notre salon en un cinéma hémisphérique. Rien de moins.

Pour l'heure, rien ne nous assure toutefois que côtoyer des hologrammes dans notre salon fera, dans quelques années, partie de notre quotidien. Le public se lassera peut-être d’une technologie si « disruptive », les producteurs ne parviendront pas à l’exploiter durablement ou une technologie concurrente viendra peut-être faire de l’ombre au cinéma immersif. Pour nos plus grandes et heureuses surprises, les lois de l’innovation et des succès commerciaux qu’elle engendre sont impénétrables.