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Pouvoir citoyen à Berlin : GreenLeaks, Stuttgart 21 et eau publique

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Emmanuel Haddad

Société

Une des villes européennes les plus politisées et respectueuses de l'environnement est le foyer d'une adaptation écolo de Wikileaks lancée par un réalisateur de documentaires australien. Pendant ce temps, la Berlinale est officiellement biologique et un référendum populaire remporte une victoire contre la privatisation de l'eau.

Sur les huit années qu'il a passé en Europe, Scott Millwood a vécu cinq dans un squat berlinois. De quoi faire son baptême en politique européenne. « La politique anglophone est basée sur la quête de la majorité. 51% suffit », avance l’avocat et réalisateur de documentaires devant un capuccino à Kreuzberg. « 18 d’entre-nous avions chacun un droit de veto, nous devions nous mettre d’accord ! De longues discussions ont conduit à des compromis essentiels. La politique européenne repose sur cette endurance. C’est pour cela que les Allemands s’engagent dans des discussions si longues, méditant sur leurs plaies passées et laissant tout sortir. C’est un aspect fondamental à connaître sur Berlin. »

Après Wikileaks, GreenLeaks.com et GreenLeaks.org

Pouvons-nous au moins être heureux de voir de nouvelles initiatives vertes proliférer ?L’Australien a étudié le droit à l’université de Melbourne et à celle de Humboldt à Berlin, avant de se lancer dans la réalisation aux Etats-Unis, publiant un livre et le documentaire Whatever happened to Brenda Hean? (2008), l'histoire de la première femme à prendre la tête d’un parti écolo dans les années 70, disparue dans un accident d’avion. Le choc de Wikileaks – « utiliser de l’information pure pour accéder directement au public sans passer par le filtre de la presse » - lui a fait comprendre que l’histoire de Brenda Hean, basée sur la fuite des documents de la police sur sa disparition, auraient pu être abordée autrement. Au lieu de prendre trois ans à réaliser le documentaire, il aurait simplement pu publier ces documents. Fin 2010, il lance GreenLeaks.com, une « organisation médiatique » qui vise à publier des informations pour un objectif. Le simple fait d’exister, dit Millwood, va influencer le comportement des entreprises. Comme Julian Assange, Scott Millwood en sera le visage public. Il fonctionnera grâce à un réseau international, encourageant l’utilisation des boîtes aux lettres traditionnelles au même titre que les mails pour diffuser l’information : « On serait content de voir3 ou 4 histoires sortir du site » Après avoir écrit pour les journaux les plus importants d’Allemagne, le but est de transformer l’information en une histoire avec l’apport d’artistes et de réalisateurs de documentaires. Le site est actuellement publié en français, allemand et anglais.

Cependant, n’attendez pas que GreenLeaks.com collabore avec Greenleaks.org, le site basé à Copenhague constitué d’expert en sécurité internet, de journalistes, d’avocats et de Birgitta Jonsdottir, une autre ancienne de Wikileaks. Le site s’est lancé en janvier. « Dans la mouvance écolo, le premier combat est interne, grimace en effet Millwood. Ca fait plus de 20 ans que je suis dans l’écologie, c’est tellement typique : la droite est plus unifié par l’accord de fond sur le capitalisme mais à gauche, il n’y a rien pour nous unir, nous avons toutes sortes de valeurs différentes » Chaque site s’est depuis enregistré dans un secteur différent auprès de l'UE. GreenLeaks.com est présent dans 36 pays. En Allemagne, Millwood envisage une grosse bataille en 2011 sur le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires. « Plusieurs Länder allemands, Greenpeace et des individus résidants autour de la plus vieille centrale ont lancé une démarche pour poursuivre le gouvernement fédéral en justice, explique-t-il. Les élections régionales en mars sont importante parce que l’affaire n’est pas remontée jusqu’au Parlement fédéral (Bundesrat). Il suffit qu’un Länder change pour que la coalition perde la majorité au Bundesrat. Il serait alors plus simple pour un Land de faire remonter cette poursuite judiciaire. »

Initiative citoyenne : Berlin 21

Sur la Potsdamer Platz, la première Berlinale biologique vante les lampes à basse consommation, les sacs non-plastifiés et les bouteille de Viva Con Agua, dont les recettes sont investis dans des projets d’accès à l’eau pour les pays en développement. Là encore, les vieilles blessures ressortent. Un film sur les manifestations de Stuttggart 21, réalisé « par hasard » avec une caméra à main est projeté pour la catégorie hors-compétition « cinéma allemand en perspective ». Le film de 75 minutes montre beaucoup de piétinements et des hurlements d’effroi quand les habitants de Stuttgart voient leurs arbres chéris fauchés pour faire place à la nouvelle gare. Angela Merkel a lancé le projet de Stuttgart 21 pour relier Stuttgart à la Magistrale pour l’Europe, un grand axe ferroviaire qui relie Paris à Budapest en traversant l’Allemagne.

Aujourd’hui, le cinéma à Berlin est le prolongement direct d’une des initiatives citoyennes allemandes les plus réussies. « Il n’y avait ni concept ni scénario, avoue Lisa Sperling, 24 ans, au milieu des placards et des flyers. Nous protestons dans le parc depuis janvier 2010, ce qui nous donnais au total une année de matériel. » Le producteur Peter Rommel, un ami de la famille de Lisa, à l’instar du directeur du festival de cinéma à Berlin Dieter Kosslick, explique qu’il a investi dans Stuttgart 21 –Denk mal! (Stuttgart 21 - souvenez-vous !) pour rendre la pareille à tous ces citoyens, pas toujours jeunes, qui ont tenu bon face aux canons à eau

La bataille de l’eau : premier acte de pouvoir du peuple

L’entrée en résistance des citoyens allemands a attisé l’âme berlinoise, où les locaux réclament leur « Propre Eau ». Des affiches blanches décorent la capitale pour fêter le premier référendum réussi contre les sociétés Veolia et RWE, qui a acheté 49,9% de la Berliner Wasserbetriebe (BWB) en 1999. Les prix ont depuis augmenté de 35%. « Contrairement à l’eau londonienne, privatisée depuis 1989, Berlin se tourne plus vers l’exemple parisien, où la gestion de l’eau est revenue aux mains du service public en 2009. »

Des militants de la Berliner Wassertisch

Thomas Rudek est à la tête de la Berliner WassertischTable Ronde de l’Eau de Berlin »), le réseau de citoyens engagés qui ont lancé le référendum pour la transparence des contrats signés sur la privatisation de l’eau. « Chaque chose en son temps », a-t-il prévenu lors d’un débat sur le futur de l’eau pendant le programme de cinéma culinaire de la Berlinale. « Il faut ouvrir toutes les vannes, faire les vérifications légales nécessaires et viser une solution à moindre coût. C’est une question de transparence de l’information. »

« A Berlin, on a le sentiment que tout est possible », explique Millwood, qui a été surpris par les soutiens nombreux de groupes de dénonciateurs, de groupes écolos ou de magazines qui ont contacté GreenLeaks.com. Il serait heureux de collaborer avec Openleaks. Le site lancé trois jours avant notre rencontre, également à Berlin, par l’ancien porte-parole de Wikileaks Daniel Domscheit-Berg. « C’est pour cela que Berlin est remplie d’artistes et d’activistes. Il y a du temps et de la place pour développer ces possibilités car ce n’est pas une société capitaliste. Ici, vous pouvez vivre pour rien; les Berlinois ne se battent pas pour payer leur loyer comme à Paris ou à Londres. » Les 5 années et 172, 000 signatures que Thomas Rudek a placé pour sa ville de 3,7 millions d’habitants semble inspirer le reste de l’Europe; la page des initiatives facebook indique la présence de motions de référendum sur l’eau en Italie. Et très à propos, le ministre déchu de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg a choisi Smoke on the Water comme chanson officielle pour la cérémonie officielle de sa retraite politique le 11 mars.

Cet article fait partie de Green Europe on the ground 2010-2011, la série de reportages réalisés par cafebabel.com sur le développement durable. Pour en savoir plus sur Greeen Europe on the ground.

Photos : Une : (cc) Eexlebots/ Flickr/subrevolt.com; explosion nucléaire : (cc) GreenLeaks.com; militant pour l'eau à Berlin (cc) Berliner Wassertisch

Translated from Berlin citizen power: GreenLeaks, Stuttgart 21 and water privatisation