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Pierre et Gilles : Clair-obscur, entre rêves et réalité

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Bruxelles

Ce mardi soir à 20h, Cafébabel s’est rendu à Flagey pour rencontrer les artistes Pierre Commoy et Gilles Blanchard. Pierre est photographe, Gilles est peintre et leur œuvre est unique puisqu’elle allie dans un style bien à eux ces deux formes artistiques. 

Dans une salle remplie de curieux, venus entendre les aventures, les anecdotes et surtout l’histoire de ces œuvres si particulières, Pierre et Gilles font leur entrée. Ils sont accompagnés de Sophie Duplaix, commissaire de l’exposition et conservatrice en chef des Collections contemporaines au Centre Pompidou. C’est elle qui aura la tâche difficile de modérer cette discussion avec ces deux artistes complices.

40 ans de passion et de travail 

La rétrospective est présentée de manière intelligente. Non pas de façon linéaire et chronologique mais en associant des œuvres qui reprennent les mêmes thématiques et qui sont marquées par une influence commune. On circule entre différents univers créés par les artistes. Ils ont ce don de magnifier la réalité et de surfer entre enchantement et normalité. Les thèmes du couple sont multiples. De peintures mythologiques flirtant avec le religieux, en passant par des autoportraits humoristiques, jusqu’aux œuvres à l’homosexualité affirmée, le style de Pierre et Gilles est à la fois intemporel et très lié à son époque. Exemple avec la série d’œuvres intitulée « les Naufragés » qui, à première vue, illustre des jeunes gens endormis. Mais lorsque Gilles nous raconte le contexte de cette série, elle prend une toute autre dimension. En effet, les œuvres ont été réalisées dans les années 80, années marquées pour la communauté LGBT (Lesbian-Gay-Bisexual-Transexual) par le début de l’épidémie de SIDA. Plusieurs de leurs amis ont disparu durant cette période. On prend conscience alors que ces jeunes gens ne sont peut-être pas simplement endormis mais peut-être ne sont-ils plus. C’est un jeu d’équilibre entre sérénité et tristesse.

Un atelier pas comme les autres :

Dans un deuxième temps, Sophie Duplaix nous introduit dans l’intimité de Pierre et Gilles. On découvre leur maison qui leur sert également d’atelier. Un lieu à leur image, très chargé et remplit de petits objets qui leur servent de décor pour leurs œuvres. Chez Pierre et Gilles, chaque œuvre est unique et composée en fonction du modèle, de sa personnalité. Chaque pièce du décor est fabriquée par le couple. Un assemblage de bricolages fragiles mais très élaborés. « On est artisanal et on y tient », nous confie Gilles. Le décor consiste en une série de plusieurs plans (parfois jusqu’à 6 différents plans) pour donner à la photo toute la perspective nécessaire, un peu comme au théâtre. Pierre prend la photo et puis Gilles peint par-dessus. Son but est que la peinture ne se voit pas, elle doit se fondre dans l’œuvre. Les deux formes artistiques se mélangent et forment un tout, elles sont au final, indissociables l’une de l’autre.

D’autres œuvres marquent cette rencontre ponctuée de touches d’humour et d’autodérision. Comme par exemple, le portrait de Stromae pour lequel tout le décor a été construit en fonction de la chemise. Chemise que Stromae voulait absolument porter pour la photo. Les artistes ont donc dû adapter leur idée de base et ont réalisé un portrait qui tourne autour de cette chemise. "Une chance cette chemise..." lancera Pierre avec humour. Pour eux, tout part toujours d’un détail et c’est là-dessus que se construit l’œuvre.

Caractérisé par une saturation des couleurs, un effet un peu kitsch et l’éternel bleu-blanc-rouge, le travail du couple est reconnaissable entre mille. Cette rencontre nous a totalement immergés dans le monde de Pierre et Gilles, un monde féérique mais teinté de tristesse et de fragilité. Comme le miroir du monde qui nous entoure, leurs oeuvres nous émerveillent et nous touchent. Leur exposition est à découvrir en ce moment et jusqu’au 14 mai au Musée d’Ixelles. Alors qu'est-ce que vous attendez?