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L'humeur de 2014 : la nostalgie des autres

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Style de vie

Serrons les dents et finissons-en : cette année a été nostalgique. Il semblerait qu’en général l’Europe a préféré regarder en arrière plutôt que de l’avant. Le quotidien paraît tellement mieux quand on l’observe à travers un filtre vintage. De quoi les Babéliens sont-ils nostalgiques et quelles sont les nostalgies des autres qui les mettent en rogne ? Nous avons capturé l’humeur de 2014.

Lilian, vit à Berlin (cafébabel Berlin)

TOI – Pendant les hivers berlinois : l’époque où je vivais dans une cabane en bois sur la côte Est australienne. Pendant la seule et unique journée chaude à Berlin l’été : la randonnée au cours de laquelle mes doigts de pieds se sont presque retrouvés congelés dans les plaines de l’Himalaya. Entre l’été et l’hiver berlinois : En réalité, rien. Et le reste est secret.  

LES AUTRES – Quand les gens à Berlin disent qu'avant, tout était mieux. « Avant » veut dire l’époque où il n’y avait pas de hipsters à Neukölln et qu’une Sterni, une bière locale, ne coutait pas 80 mais 50 cents. Bizarrement, cette nostalgie pré-gentrification vient la plupart du temps directement des « gentrificateurs » eux-mêmes. Et évidemment, ce sont tous des habitués des cafés australiens à Neukölln. (Je ne le suis pas, même si je fais moi-même partie de ces « gentrificateurs »).

©Ninattitude - Nina Sharabati Photography/ Adrien le Coärer

Cady – Liban, vit à Stuttgart

TOI – La chanson de Fayrouz, une diva libanaise, me fait me sentir nostalgique du Liban, et parfois aussi de vieilles histoires d’amour mais avant tout de mon pays.

LES AUTRES – Ce qui me dérange est la nostalgie de certaines personnes de mon entourage, ou bien de ma famille, qui apprécient l’époque de la guerre au Liban et sont toujours nostalgiques de la mort, de la milice et de la guerre – ça me rend vraiment fou.

Elina, Athènes (cafébabel Athènes)

TOI – La plupart du temps, je suis nostalgique de moments personnels, de moments avec mes amis ou mes anciens petits copains. La vie prend tout son sens quand on regarde dans le passé. Étrangement, je n’ai jamais été nostalgique de postes que j’ai pu occuper, de l’école ou encore de l’université. Les deux derniers étaient une véritable torture pour moi.

LES AUTRES – Je suis aberrée quand j’entends certains de mes compatriotes parler des années qui ont précédé la crise, quand il y avait encore de l’argent dans les porte-monnaie et quand personne ne se posait de question sur la direction que prenait notre société. Les cinq dernières années, autrement dit la crise, sont une excellente occasion de réfléchir à ce vers quoi nous nous dirigeons en tant que pays, nation et civilisation. Mais les gens qui ont dépassé la quarantaine ne voient pas cette chance, ils regrettent le bon vieux temps. Aïe ! Mais ne me comprenez pas mal, cela peut arriver à n’importe quel pays dans le monde. Cette fois c’était au tour de la Grèce.

Mila, originaire de Macédoine, vit à Copenhague (cafébabel Copenhague)

TOI – Je suis nostalgique de l’été à chaque fois que je m’aventure dans l’hiver scandinave, j’aimerais alors pouvoir aller nager à ciel ouvert ou faire du vélo sans être frigorifiée.

LES AUTRES – Les jeunes Macédoniens vivant à l’étranger se sentent nostalgique à propos du fait de pouvoir sortir manger et boire un verre parce que ce n'est vraiment pas cher dans notre pays. Et un grand classique : nous nous sentons tous un peu nostalgique de notre ère socialiste. Chacun d’entre nous l’est inconsciemment.

Alexander, allémano-italien, vit à Turin (cafébabel Turin)

TOI – Être là, dans ta chambre, à 3h de l’après-midi et te demander comment tu va passer le reste de ta journée : jouer de la guitare ou faire un foot ?

LES AUTRES – Je ne supporte pas la nostalgie des journalistes qui font l’éloge des temps anciens et de la presse papier. Adaptez-vous ! Développez de nouvelles formes d’informations. Ne décrochez pas ! (J’étais l’un d’eux, soit dit en passant.)

Ainhoa, originaire d’Espagne, vit à Paris (cafebabel.es)

TOI – Mon enfance, parce que je n’avais pas à m’inquiéter de quoi que ce soit. Je n’avais pas besoin de trouver un travail, de faire beaucoup d’efforts à l’école, et j’étais toujours entourée de ma famille et de mes amis. Ce sont vraiment de très bons souvenirs.

LES AUTRES – Quand ils disent qu’ils sont nostalgiques de leurs vies sans technologies mais qu’ils le disent avec un Macbook entre les mains, avec leur iPhone, leur tablette, leur iPod, leur clé USB, leur e-book…

Rahel, Budapest (cafébabel Budapest)

TOI – Il y avait un album avec le titre « On the road with Ford » (en hongrois, c’est un jeu de mots mais il m’est impossible de le traduire). C’était une sorte de compilation de musique de la fin des années 80 et du début des années 90. Et puis je me souviens de Joyride de Roxette, mon tout premier album. Je devais avoir cinq ans. C’était sur une cassette, même pas sur un CD. Je ressens toujours une forme de nostalgie quand je vois des cassettes et ou un baladeur.

LES AUTRES – Je vais être très honnête : les Hongrois ont tendance à être nostalgiques de choses négatives parce que d’une certaine manière, ça leur plaît de parler de comment tout va mal et de comment tout allait toujours mal en Hongrie, de combien nous avons souffert et d’à quel point tout le monde a toujours été cruel envers nous à travers l’Histoire : les Turcs, les Autrichiens, les Allemands, les Soviétiques, etc. 

Thomas, Basque, vit à Tours (cafébabel Paris)

TOI - Les tentes rouges et bleues de la plage d'Hendaye rappellent la présence de ma grand-mère basque. Les salades de tomates pelées évoquent mon grand-père basque. L'enfance, essence première de la nostalgie. Pas seulement, à 28 ans, chaque gueule de bois me rend nostalgie des débuts de la vingtaine où les cuites pouvaient s'enchaîner en toute sérénité !

LES AUTRES - Les nostalgies politiques n'ont aucun sens pour moi. Ne pas accepter le changement et simplement dire « c'était mieux avant». Je comprends, mais c'est refuser d'avoir un point de vue global. Et ça m'énerve.

Ceris, Edimbourg (cafébabel Edinburgh)

TOI – Il existe une crème solaire particulière, dont l’odeur me transporte immédiatement à l’époque où je devais avoir cinq ans et où je passais mes vacances en France. Ce n’est pas une odeur très agréable mais les souvenirs qu’elle éveille en moi me font sourire. Ou encore des chansons : les chansons me rendent très nostalgique. Souvent, les tubes pop les plus ringards me rappellent moi, adolescente, faisant de l’art dramatique. « It’s all about you, it’s all about you baby! »

LES AUTRES – Tellement de gens repensent tendrement à leurs années d’école, mais moi, j’étais contente de pouvoir enfin m’en échapper !

Joel, Londres

TOI – Dans l’ensemble, je me sens nostalgique de presque chaque période de ma vie, car je pense que la mémoire est sélective : elle efface les aspects négatifs et accentue les aspects positifs et plaisants. Ainsi le passé semble toujours mieux que le présent. Mais quand on en est conscient, on peut essayer d’agir comme sa mémoire dans le présent, en sélectionnant le bon et en ignorant le mauvais, même si ce n’est pas facile.

Katha, originaire d’Allemagne, vit à Paris (cafebabel.de)

TOI – La vieille Moorlah de L’Histoire sans fin (1984), l’adaptation cinématographique du roman de l’auteur allemand Michael Ende, a d’une certaine façon toujours recroiser mon chemin. J’ai dû voir le film au moins 10 fois au cinéma. À l’époque, le ticket de cinéma coûtait dans les 50 Pfennig dans l’ancienne RDA. Que ce soit avec le groupe indé espagnol Vetusta Morla, que j’aime beaucoup, ou avec mon fils qui navigue sur le dos de Falkor et chante avec son papa – c’est vraiment une histoire sans fin !

LES AUTRES – Je n’arrive pas à comprendre comment les jeunes français peuvent être nostalgiques du franc. Ils ont pourtant payé en Euros toute leur vie !

Cet article fait partie de notre dossier de fin d’année consacré à la nostalgie. Si la réalité nous déçoit tant, quelles sont les raisons de regarder dans le rétroviseur ? Manque-t-on d’imagination en Europe ou attachons-nous une importance soudaine à nos devoirs de mémoire ? Réponse en 5 souvenirs.

Translated from Die Nostalgie der Anderen