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Hongrie: Jusqu'à quand Viktor Orban abusera-t-il de la patience européenne?

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Bruxelles

Depuis le 7 mars 2017, le Parlement hongrois a largement voté en faveur d’un texte réintroduisant la détention systématique des migrants. Cette mesure avait pourtant déjà fait l’objet d’avertissements de la part de l’Union européenne. A l’époque, ces mises en garde avaient mené à la suppression de la loi.

Des « zones de transit » pour les empêcher de sortir

Aujourd’hui, cette mesure impose aux forces de l’ordre hongroises le placement des migrants dans des « zones de transit » aux frontières serbe et croate. Ces « zones de transit » sont en réalité des conteneurs entourés de fil de fer barbelé, prévus pour empêcher les migrants d’en sortir. Cette détention prend fin uniquement lorsqu’une décision définitive sur la demande d’asile est arrêtée, ce qui peut prendre des mois.

Comme cette nouvelle législation est rétroactive, elle concerne aussi bien les nouveaux entrants que ceux qui sont déjà hébergés dans le pays. Ces derniers ne pourront quitter les lieux et être libérés que dans le cas où ils décident de quitter la Hongrie pour retourner d’où ils viennent.

Enfin, le texte prévoit que lorsqu’un migrant n’obtient pas une réponse favorable à sa demande d’asile ou que son dossier n’est pas recevable, il n’a désormais plus que trois jours pour faire appel. Le véritable but de cette disposition est en réalité de refuser le plus possible de demandes d’asile car il est impossible pour un migrant, dans le temps qui lui est imparti, de faire appel de la décision le concernant alors qu’il est détenu dans une boite et qu’il doit faire face à la barrière de la langue.

Un état de « situation de crise en raison d’une immigration massive » prévu jusqu’en septembre 2017

Depuis 2015, la Hongrie est « en situation de crise en raison d’une immigration massive ». Cette même année, quelques 400 000 migrants ont transité par le territoire hongrois. L’année suivante, 29 432 migrants ont déposé des demandes d’asile et seulement 425 d’entre elles ont été acceptées. Sur les 1 000 personnes ayant demandé l’asile depuis le 1er janvier 2017, la majorité vient d’Afghanistan (420), d’Irak (199) et de Syrie (154). Aujourd’hui, et avec les nouvelles mesures du gouvernement d’Orban, seuls quelques demandeurs d’asile qui souhaitent entrer légalement dans le pays y sont autorisés.

Chaque jour, environ dix personnes sont admises dans les zones de conteneurs et y déposent leurs requêtes. Après deux semaines environ, certains d’entre eux sont admis sur le territoire et sont transférés dans des centres d’accueil pour réfugiés pour attendre la décision administrative définitive les concernant. Lorsqu’ils sont dans ces centres, les demandeurs peuvent, par exemple, franchir les portes pour se rendre dans les magasins les plus proches. Certains d’entre eux arrivent à s’évader et à gagner l’Autriche sans décision de l’administration, la plupart du temps grâce à l’aide de passeurs.

Désormais, avec l’adoption de la nouvelle loi, les migrants ne seront plus admis dans ces centres et devront rester vivre dans les conteneurs au sein des zones de transit pendant toute la durée de l’examen de leur demande.

Viktor Orban, l’instigateur 

Viktor Orban est le Premier ministre du gouvernement hongrois depuis 2010 (deuxième mandat). Il défend des positions ultra-nationalistes, souverainistes et instaure dans son pays une « psychose anti-migrants et anti-réfugiés » qui semble fonctionner auprès des citoyens hongrois.

Le 2 octobre 2016, Orban organisait une consultation populaire sur la question du plan de l’Union européenne concernant l’accueil des réfugiés dont la Hongrie souhaitait s’affranchir. Bien que la participation au référendum n’ait pas été suffisante (inférieure à 45%) pour que le résultat soit pris en compte et soit contraignant, ceux qui se sont exprimés ont massivement manifesté leur rejet des relocalisations au sein de l’Union européenne. Malgré cet échec, Orban souhaite toujours s’écarter du plan d’action européen de solidarité par tout moyen: « Bruxelles ou Budapest, telle était la question, et nous avons dit Budapest. Nous avons décidé que la question (migratoire) relevait de la juridiction de la Hongrie », a-t-il énoncé après les résultats du référendum. L’Union européenne « ne pourra pas imposer sa volonté à la Hongrie », a-t-il conclu.

Certains des citoyens hongrois sont même prêts à abandonner leurs métiers d’origine afin de suivre une formation dispensée par la police hongroise – dont de nombreux témoignages affirment qu’elle est extrêmement violente avec les migrants – pour devenir « chasseurs de frontière ». Pour l’instant, environ 2000 volontaires suivent ces cours théoriques et pratiques dans le but de pouvoir « défendre leur patrie ». Choqués par l’arrivée massive des réfugiés dans leur pays depuis 2015 et poussés par un profond sentiment nationaliste, les futurs policiers chasseurs deviendront bientôt des professionnels de la surveillance des frontières.

Profondément contre l’Union européenne, Viktor Orban avait reconnu que cette mesure de mars 2017 irait « ouvertement contre l’UE ». Persuadé que l’Union est néfaste pour la souveraineté nationale de la Hongrie, il compare l’immigration à un « poison » qu’il s’est engagé à combattre. C’est dans cet esprit de rejet/regain qu’en 2015, la Hongrie a érigé une barrière anti-migrants aux frontières serbe et croate près de laquelle on peut entendre le message suivant: “Attention, attention, je vous préviens que vous êtes à la frontière hongroise, si vous endommagez la clôture, franchissez illégalement ou essayez de traverser, cet acte sera considéré comme un crime en Hongrie”.

Le pays est actuellement en train d’ériger une barrière supplémentaire à sa frontière serbe, équipée de nouvelles caméras thermiques et d’alarmes.barbed-wire-2085266_960_720.jpg

Une législation contraire au droit européen et aux droits de l’Homme

Plusieurs organisations et institutions internationales se sont prononcées à l’encontre de cette nouvelle mesure hongroise. En effet, le HCR a fait savoir que cette loi « viole les obligations de la Hongrie vis-à-vis des lois internationales et européennes ». Dans un communiqué, l’organe onusien a ajouté que celle ci aura « un impact physique et psychologique terrible sur des femmes, des enfants et des hommes qui ont déjà beaucoup souffert ».

Gauri Van Gulik, directrice adjointe du programme Europe d’Amnesty International, a quant à elle déclaré que : « Nous exhortons l’Union européenne à réagir et à montrer à la Hongrie que ce type de mesures illégales et profondément inhumaines a des conséquences. Jeter tous les réfugiés et les migrants dans des conteneurs, ce n’est pas ce que nous appelons avoir une politique de gestion des réfugiés – c’est au contraire faire l’économie d’une telle politique. »

Le régime de Viktor Orban, construit sur une profonde xénophobie et un populisme accru, constitue, selon les rares opposants à celui-ci, une « bombe à retardement » que l’Union européenne devrait se préparer à affronter.

Article de Sabrina Terentjew, initialement publié sur le site de notre partenaire EU Logos Athena.

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