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Zagar: «En dehors de la Hongrie, on repart à zéro»

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Story by

Jane Mery

BrunchCulture

Relié à un ordinateur ou un piano, Balázs Zságer, 36 ans, a le regard fatigué de l’oiseau de nuit. Un pied dans la scène électro rock en Hongrie, un autre à l’étranger, il raconte la mélancolie de la musique pop en Europe de l’Est et les difficultés pour ses albums à succès de dépasser les frontières.

Une tête de moineau sur un corps longiligne. Les yeux rougis, Balázs Zságer s’installe dans l’un des plus vieux cafés de Budapest, sur Andrassy Ut, en face de l’Opéra de la capitale hongroise. De hauts plafonds culminent au dessus de nos crânes mouillés. Dehors, il pleut des cordes. Zagar (son nom de scène) me tend son dernier album, le deuxième, fière comme un gosse : « C’est le disque de la maturité. J’y vois quelque chose de spirituel. » Sur la pochette de Cannot walk, fly instead, sorti fin 2007, on voit les cinq membres de la formation dans une forêt sombre d’arbres nus, un soleil puissant comme un projecteur éclairant leurs visages. « Cet album est une sorte d’échappatoire virtuel pour échapper à la vie urbaine. » Influencé par le rock et le hip-hop, la musique de Balázs Zságer s’écoute à la radio et surtout dans les endroits branchés de Budapest. Mais gare aux étiquettes.

Une Yonderboï aventure

(Photo:Zagarmusic.com)Zságer n’est pas un jeune bidouilleur de génie tout droit sorti de son garage. Disons que la découverte de l’ordinateur et des ses infinies possibilités musicales, sur les bancs de l’école, est une étape déjà lointaine, comme celle, plus folle, de s’adonner au jazz et à la pratique de l’improvisation au piano. Si sa bouille garde les traits de l’adolescence, le musicien de 36 ans a déjà 150 concerts dans les pattes, des dates qu’il a effectuées dans les plus grandes villes du continent européen. Au sein du Quintet d’un autre Hongrois du nom de László Fogarasi, alias Yonderboï, il a participé au succès de l’album Shallow and profound, sorti en 2000. Ce disque marque l’histoire de la musique électro en Hongrie, après les premiers pas de géants du groupe Anima Sound System. 

« C’était le tout début de la musique « lounge », alors que l’électro commençait vraiment à bien marcher. Yonderboï Quintet est soudain devenu connu en Hongrie et a su se faire une réputation à l’étranger », se souvient Zságer. Les interviews s’enchaînent, comme les scènes. En Allemagne, au Pays-Bas, en France… Les musiciens vont à la rencontre de publics différents. « Nous étions des jeunes gars venus d’un pays inconnu et je crois qu'à l'époque, les spectateurs ont ressenti cette différence culturelle ! » La percée d’un groupe de l’Est à l’Ouest est pourtant une chose difficile, voir exceptionnelle : « En Europe, il y a tellement d’influences, venus du Net surtout, c’est difficile de sortir de la masse. Il faut savoir jouer de toutes ces racines. »

(Photo:Zagarmusic.om)

Un marché dans un mouchoir de poche

Difficile aussi d’exporter un CD. La case « lounge » devient vite trop petite pour le jeune artiste. L’aventure Yonderboï révolue, la réputation de Zságer, au moins sur le marché hongrois, n’est plus à faire. Toujours accompagné de sa table de mixage, de son piano fender rhodes et d’un synthé, le musicien reforme un groupe dès 2001. Simplement, sous le nom de Zagar. Son premier album Local Broadcast (2002) figure dans la liste des 50 albums les plus importants en Hongrie, un classement du magazine WAN2

Le dernier album On Cannot walk, fly instead’s (2007) et notamment la chanson Wings of love, passe en boucle sur les ondes. Un succès commercial couronné par le prix Fonogram en janvier 2008, l’équivalent des Victoires de la musique en France. Zságer poursuit ses expérimentations musicales, notamment au sein du Théâtre nationale de Hongrie où il est le seul musicien éléctro commissionné par l’Etat, et aux Etats-Unis, où il s’amuse à écrire quelques bandes originales de la série policière CSI. Mais pourtant, hors des frontières hongroises, la carrière européenne du groupe Zagar patauge : « Nous devons toujours tout recommencer à zéro à l’étranger, même si on a déjà des bons contacts avec des gens comme Alan Mc gee ou Busy P et sa maison de production Ed Banger, raconte Zságer, le marché hongrois est trop petit et être bien distribué à l’étranger relève de l’impossible ».

Pour se faire connaître, certains usent à tord ou à travers d’une autre étiquette, celle de la « world music ». Pour Zságer, le côté folkish hongrois est à exclure : « Le mélange de la musique folk ou traditionnel d’un pays avec la musique électronique, comme le fait Gotan Project, par exemple, je pense que ça ne marche qu’une fois. Ce n’est pas mon truc ».

Mélancolie électro à l’Est

(Photo:zagarmusic.com)On retrouve pourtant des sonorités de l’Europe de l’Est dans la musique métissée de Zagar, à danser universellement et surtout influencée par les dieux du rock ou des groupes comme Sigur Ros ou Radiohead. Les premiers refrains entendus dès l’enfance se sont aussi accrochés à la mémoire collective de cette génération d’artistes : « La musique des dessins animés de l’Europe de l’Est nous a beaucoup influencé dans notre travail ! ». La référence échappe aux Européens de l’Ouest, certes, mais elle fait écho à un univers, celui de pays de l’Est.

Pologne, Tchéquie, Hongrie ou Slovaquie partagent un état d’esprit, en plus d’un territoire où se faire connaître : « Notre partie du continent a un goût particulier pour la musique pop avec, en plus, une certaine mélancolie, quelque chose d’aigre doux qu’on retrouve aussi dans les films du Tchèque Milos Forman ou Jirzi Menzel. » Et si l’Europe fait barrière, alors autant continuer à se tourner vers l’Est… carrément au pays du soleil levant. Pour Balázs Zságer, l’avenir de la musique électro se trouve au Japon ou en Chine : « Tokyo est très ouvert aux nouveautés niveau musique électronique. On y travaille. »

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