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World of Warcraft : plaisir virtuel ou obsessionnel ?

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Depuis sa création en 2004, World of Warcraft a séduit pas moins de 12 millions d’abonnés payants à travers le monde. En novembre 2009, ces adeptes pourront aussi lire un magazine multilingue exclusivement dédié à ce jeu vidéo… Le point de vue d'un Anglais en cours de désintox.

« Comme si toutes les heures passées devant un écran ou sur une console devaient être systématiquement considérées comme perdues... »

Au beau milieu d’une rencontre avec l’un des anciens dieux, surgit soudain un monstre tentaculaire, il ressemble au mythique Argos doté de mille yeux. Pressé de porter secours à mes partenaires de jeu, j’évite de croiser son regard furieux pendant que quinze autres joueurs s’acharnent sur ses sbires. De toutes parts, les coups pleuvent. On panse les blessés. Il y a de la casse des deux côtés. De retour dans le monde réel, je brise le silence de mon salon : « Ibuprofen comprime hémisphère droit – ‘dps focus’ en bouillie - portes du cerveau ouvertes à 5 h - n’oubliez pas de conjurer le sort ! » Mon chien me regarde perplexe. Ma copine est assise à côté, exaspérée qu’un grand garçon comme moi ait pu passer quatre heures à l’ignorer en cliquant comme un maniaque sur la souris de son ordi. Pour s’échapper de la réalité, World of Warcraft (« le Monde de l’Art de la guerre » ou WOW) n’a pas son pareil. Peu de jeux vidéos lui arrivent à la cheville. C’est après une nuit comme celle-là que j’ai décidé, à contrecœur, d’abandonner ma partie afin de redonner Sa chance à Ma vraie vie.

Un réseau mondial

(chanchan222/ Flickr)

Produit par l’américain Blizzard Entertainment (mais appartenant au français Vivendi), le WOW a autant de joueurs en Europe qu’aux US. D’ailleurs, à l’instant où j’écris ces lignes, la meilleure « société » de joueurs se situe sur le Vieux continent. Traduit en onze langues, le WOW polarise l’opinion publique puisque si certains y voient le meilleur jeu vidéo jamais inventé, d’autres condamnent une étrange et déprimante obsession. Parents ou étudiants, adultes ou adolescents, ses mordus sont issus de toutes les catégories sociales et économiques. Le groupe auquel j’appartenais (puisque c’est de l’histoire ancienne), réunit des banquiers d’affaires et des programmeurs informatiques jouant côte à côte (dans le monde virtuel) avec des soldats nord-américains stationnés en Irak. En général, la plupart des jeux de guerre s’adressent à un public masculin dont l’âge oscille entre 15 et 30 ans. Mais, plus sensible aux attentes du consommateur moyen que n’importe quels laboratoire d’idées existant sur le marché, WOW tente d’attirer de nouvelles recrues plutôt féminines. Une rumeur a même annoncé une éventuelle campagne de pub dans laquelle pourrait apparaître Olivia Ruiz. 

En ligne, un grand nombre de participants sont dévorés par l’envie d’obtenir des choses que personne d’autre dans le jeu ne possède. Ils sont capables de consacrer des semaines entières de leur existence en vue d’une récompense virtuelle, juste pour se distinguer. WOW vous fait constamment ressentir votre infériorité, insiste sur vos potentialités endormies en vous laissant miroiter tout ce que vous pourriez entreprendre et accomplir, à condition, cependant, que vous y jouiez un peu plus chaque jour. Bien entendu, après ça, il devient difficile de s’en sortir. Et je crois sincèrement que si les promoteurs du jeu leur demandaient de tourner en rond trois heures par jour toute une semaine, afin de se procurer une arme nouvelle, les gens le feraient sans trop se poser de questions. La liste des choses réalisables dans ce jeu est stupéfiante. Et cela intéresse autant les joueurs occasionnels qui triment à l’extérieur toute la semaine, que ceux qui ont le loisir de peaufiner de nouvelles stratégies telle qu’Armor (467.5 x Enemy level - 22167.5) / (100 /% Reduction – 1)

Cyber-addiction

Le 21 août dernier, un Américain dépendant au jeu a été le premier utilisateur à entrer dans un centre de désintoxication, un institut seulement ouvert depuis le mois de juillet à Seattle. Depuis plusieurs années, la cyberdépendance est devenue un phénomène mondial. Selon la Deutsche Welle qui, en 2003, a réalisé à ce sujet un reportage dans un centre de soin situé à Boltehagen (une station balnéaire du Nord de l’Allemagne), un million de personnes déclarent souffrir de troubles de dépendance à Internet. Le succès de WOW remet ce problème de santé publique sous les feux de la rampe. Pourtant, le terme « addiction » appliqué à n’importe quel jeu vidéo ne semble-t-il pas absurde comparé aux ravages causés par l’alcool ou les drogues dures ? Si vous avez un rendez-vous ou un délai à respecter, face à vos obligations, WOW s’effacera sans que cela vous pèse. En aucun cas, il ne vous empêchera de les honorer. Evidemment, il y a toujours des cas à part... Ajoutons au passage que le seul centre de ce type qui existe en Europe (The Smith & Jones Center) qui a ouvert ses portes en 2006 à Amsterdam, préfère parler de compulsion plutôt que d’addiction.

Deux choses méritent d'être précisées : d’une part, les gens qui jouent au WOW le font par pur plaisir. Pour une grande majorité d’entre eux, contraints d’exercer un boulot qu’ils n’aiment pas ou de fréquenter une école, la vie quotidienne peut sembler un rien soporifique. WOW représente alors une utilisation de leur temps libre qualitativement supérieure à celui qu’ils pourraient passer vautrés devant la télé totalement déconnectés de la réalité en ne faisant rien ou sur l’un de ces réseaux débiles tels que Twitter ou « apps » sur Facebook.

D’autre part, la pratique des jeux vidéo est trop souvent, d’emblée, associée à un problème de société, comme si toutes les heures passées devant un écran ou sur une console devaient être systématiquement considérées comme perdues en vain. Alors que si je dépense autant de temps à jouer du violon ou à peindre, personne n’y trouvera rien à redire, même si ce sont là des plaisirs solitaires !

Pas de propagande

WOW est dénué de tous sous-entendus de nature politique ou religieuse. Même si on y croise des églises et des cathédrales, le nom de Dieu n’y est jamais mentionné sous quelque forme que ce soit. Si quelqu’un commence à prêcher, les autres participants le prient rapidement de la boucler. Et quand la religion pointe le bout de sa mitre, il y a toujours une voix pour dire quelque chose comme « Ôte tes évangiles de mon passe-temps ! » Bien entendu, il peut occasionnellement apparaître, çà et là un ou deux messages politiques émanant de certains joueurs qui en invitent d’autres à aller voter dans leur pays... mais en général, seuls des évènements d’envergure internationale ont, à l’occasion, un droit de cité dans ce jeu, à condition toutefois de rester dans la note.

«Ôte tes évangiles de mon passe-temps!»

Quand, par exemple, en juillet 2005, Londres fut victime d’attentats terroristes, un joueur a demandé si Blair avait l’âme « défoncée », se référant ainsi à un des sorts magiques utilisés dans le jeu qui redonne instantanément la vie à celui qui l’a perdue. De spirituelles saillies et des commentaires humoristiques constituent les ingrédients de base de WOW. Un nouveau lexique a même été créé par les participants. Or, pour conclure, je dois bien le reconnaître, ce jeu m’a permis de rencontrer beaucoup de gens nouveaux en prenant du bon temps. Une sorte de plaisir encore inconnu à tous ceux qui n’y ont jamais joué.

Le magazine de WOW dont le lancement est prévu pour novembre 2009 sera publié simultanément en anglais, en français, en espagnol et en allemand.

Story by

Translated from World of Warcraft: Europe's video game addiction war