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Voyage : j’ai testé pour vous le «Wwoofing» dans le Devon

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Hélène Gouhier

Il faut aimer le travail de la terre, le maraîchage… et les blaireaux : un réseau mondial des fermes converties à l’agriculture biologique accueillent les voyageurs volontaires qui, contre le toit et le couvert, donnent un coup de main au sein de l’exploitation. Récit.

Je suis terrée dans le sous-bois humide d'un petit morceau de forêt du Devon, l’un des plus beaux mais aussi l’un des plus pluvieux comtés d'Angleterre, et le pire, c’est que j’y suis venue volontairement. Mes bottes en caoutchouc sont trop grandes d’au moins trois pointures, et restent désespérément humides de l’intérieur alors que des limaces aux gabarits impressionnants en font l’ascension. Il n’y aucun blaireau en vue. Je commence à faire mille morceaux des petites feuilles et des herbes sous mes pieds. Il fait sombre, je gèle et je commence à me faire du souci. Qu’est-ce que je fais là, assise à côté d’un vieux fermier, posée sur une serviette au milieu de la forêt à attendre qu’un blaireau sorte de son trou ?

Amour de la nature et vieux soixante-huitards

(KeithMarshall /flickr)La réponse est simple : je suis devenue une Wwoofer. Cet acronyme qui évoque à la plupart de mes interlocuteurs le nom d’un éleveur de chien ou celui d’une association dédiée à l’orthographe, signifie en fait : « World wide opportunities on organic farms ». Cette organisation dédiée au soutien et à la diffusion de la culture biologique dans le monde entier a été fondée en 1971, en Angleterre. A l’époque, il fallait verser quelques livres sterling pour adhérer au groupe et ensuite recevoir par la poste un petit cahier, dans lequel étaient rassemblés tous les agriculteurs biologiques d’Angleterre hôtes Wwoof. Après quelques coups de téléphones et une paire d’emails, les vacances à la ferme sans OGM étaient conclues.

Près de quarante ans plus tard, le réseau Wwoof s’est étendu au monde entier. Mali, Réunion, Amérique du Nord ou Chypre… presque tous les pays sont représentés dans la liste des exploitations agricoles biologiques, et tous les jours, des petits nouveaux viennent l’allonger. Toutefois, les frais d’adhésion (20 euros) sont restés constants. Une fois sur place, il faut travailler quatre à huit heures par jour au quotidien, auprès des agriculteurs, pour payer le lit et le couvert. Le reste du temps, libre à vous de voyager pour explorer les environs. Quatre heures de désherbage ou de nettoyage d’étable sont ainsi récompensées par une vue époustouflante sur les Pyrénées françaises ou les chutes du Niagara.

Logement alternatif

(anguskirk/flickr)Lors de ma seconde expérience de Wwoofing, je rencontre Roy, vieux chasseur de blaireau, qui vit dans une caravane verte, romantique, avec vue sur les vastes forêts du Devon. Un potager bien entretenu, deux fourneaux ouverts, une douche en plein air bricolée par le propriétaire, et les meilleures framboises de toute l'Angleterre viennent parfaire ce tableau bucolique (sans oublier l’incontournable « fried breakfast »). Quand le soleil ne brille pas, il n'y a donc pas d'électricité ni d’eau chaude. Pour se laver, Roy m’explique que je dois aller à la piscine publique de la ville la plus proche. La source à côté du grand champ est tarie depuis longtemps (à quoi servent les pompes ?) mais croyez le ou non, ce bout de paradis s’appelle « Waterland ».

La première fois que j'ai entendu parler du projet Wwoof, j’avais tout juste mon baccalauréat en poche et ne pensais qu’à une chose : partir à l'étranger. Avec un pantalon et quelques tee-shirts dans mes bagages, je suis alors partie en Provence durant l’été le plus chaud de la décennie, pour y maintenir en état le potager d’une ferme de montagne. Quelques jours et beaucoup de piqûres de moustiques plus tard, j'étais déjà parfaitement plongée dans le microcosme de l’exploitation agricole biologique. Le départ après trois mois fut donc difficile et je projetais déjà, peu après mon retour en Allemagne, le prochain voyage. Ce devait être en Angleterre, plus précisément dans le Devon, la Cornouaille et le Somerset. Sous la pluie quoi.

Retour aux sources

(pixelhut/flickr)Contrairement aux clichés, les agriculteurs biologiques sont pour la plupart des hommes extrêmement intelligents et dynamiques qui ont un jour découvert par hasard leur amour pour la culture maraîchère. Outre quelques économistes et d’anciens directeurs d’entreprises, j'ai aussi fait la connaissance de professeurs d'université et de microbiologistes, qui ont, à un moment de leur vie, renoncé à leur carrière pour se consacrer à la culture des pommes de terre. Une vie plus saine suppose de fait un déplacement à la campagne, et ce concept ne pouvait que me plaire.

La loupiote a déjà rendu l’âme depuis longtemps et je gèle. J'ose une timide question : les blaireaux se hasarderont-ils à sortir aujourd'hui ? Roy me prie de me taire. Le son de ma voix risque d’effrayer les animaux. Quand enfin, quelques minutes plus tard, je m’assoie dans la caravane pour dévorer un bol de lentilles à la cuillère, je réalise que malgré mes moqueries, mon hôte vient de m’enseigner les rudiments des constellations, la nuit et les étoiles. 

Quelques jours plus tard, je suis en Cornouailles d’où je reçois un SMS : « Seen a badger yesterday. When are you coming back ? » Je suis retournée voir Roy quelques fois. Et je n'ai toujours pas vu de blaireau. Mais ce n’est qu’un prétexte pour chausser une nouvelle fois mes bottes en caoutchouc !

Translated from Sommer: Süchtig nach WWOOFing