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Une lotion nommée Soma

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La Parisienne

« La vie c’est dingue, la vie c’est fou hein. » Si Redouanne Harjane arrive à faire rire une salle entière avec une phrase aussi banale qu’un recomptage de voix à l’UMP, c’est parce qu’il y met la forme.

Plus d’un demi-siècle après la création du rock’n’roll (et sûrement des centenaires après celle de la vanne), certains groupes pondent encore des mélodies ordinaires mais avec une certaine idée du style. Suite à leur concert à La Maroquinerie, Soma est l’un d’entre eux. Love-report.

C’est souvent durant un mois de novembre, qui plus est à 30 jours de la fin du monde, que l’on somatise. On ne le dit pas assez mais le soma peut être désigné comme un ensemble de l’organisme, des cellules, abstraction faite des cellules reproductrices. Ainsi, si vous vous sentez un peu flagada en cette moitié d’automne, c’est sûrement somatique. Rien de grave, puisque votre diagnostic vital n’est que très rarement engagé. Tout ceci se règle au grog, à la verveine ou à l’envie.

Dégun

C’est donc afin de soigner les organismes fatigués que Soma, groupe de Provence-Alpes-Côte d’Azur, est monté, jeudi dernier, sur la scène de La Maroquinerie (20ème arrondissement de Paris, ndlr) pour la deuxième fois. « La première fois le programmateur a eu la bonne idée de nous faire venir pour la première partie d’Oxmo Puccino », commence Lionel, le chanteur. Veste de costard, pantalon cigarette et visage émacié, il se fera la voix du groupe tout le concert durant, distillant quelques vannes et remerciements bien tenus. Le reste du quatuor se compose d’un guitariste assez discret (Sébastien), d’un batteur forcément dans l’ombre (Thomas) et d’un bassiste complètement dingue (Xavier) qui caressera l’exploit de tenir un déhanché en appui complètement improbable sur plus d’1h15 de scène.

Bref, Soma est curieux mais pas totalement invraisemblable. Le premier morceau, « Henry VIII » aura le mérite de rendre l’atmosphère carrément calibrée. A ceux qui ne connaissaient pas, le groupe sudiste envoie une grande baffe de sincérité à la face de ceux qui pensent aujourd’hui qu’un groupe de rock peut se former avec un auto-tune et une boite à rythmes. Pas d’arrangements, pas de grimaces, Soma fait du rock. Un truc qui détonne quand même pas mal avec ce qui nous avait été donné à voir en première partie (Hi Cowboy en tête) C’est à l’issue du troisième titre que le chanteur tombe la veste, tour à tour chauffé à blanc par la salle bondée et par le set quasi-parfait de ses collègues qui le pousse à gueuler comme un cochon à Gaza.

Alors évidemment, on ne peut qu’apprécier l’énergie d’une formation apparemment contente d’être là d’autant plus quand elle est si bien maitrisée. A mesure du set, les enchainements rythmiques deviennent de plus en plus soignés et le groupe va prendre de plus en plus de liberté sur les planches, jusqu’à inviter les personnes du premier rang à monter sur scène et à partager leur tube « Get Down ». Aparté sarcastique, la moyenne d’âge des gai-lurons avoisine les 18 piges. Une petite parenthèses pour quand même rappeler que le son de Soma s’apparente parfois à la bande-son d’une soirée caps à la cafète du BDE. Mais quelque part tout est là. Dans l’énergie d’un groupe qui a décidé de ne pas bousiller les 2-3 codes sympas du rock en reprenant syncopes et mélopées réchauffées mais bien efficaces. Parfois, il faut bien se rendre compte que lorsque tout le monde suce le même bonbon depuis 10 ans, il faut mettre le paquet sur l’emballage. L’énergie, la sincérité et l’évidente allégresse que Soma diffuse sur 4 planches rend ce groupe éminemment sympathique et en fait, pour reprendre un mot valise, « l’ambassadeur » d’une musique décomplexée qu’elle porte le nom des Smashing Pumpkins ou des Strokes

Une énorme paire de couilles

Quoi qu’il en soit, c’est tout sauf un hasard si les désormais trentenaires se sont fait alpaguer par les mains expertes de Dave Sardy (producteur d’Oasis, Cold War Kids, Jet, The Dandy Warhols…) ou celles de Tony Hoffer (The Kooks, Phoenix, Beck, Depeche Mode…). Sur des morceaux comme « The Brightest Side » ou « Rollercoaster » - tous deux extraits du nouvel album Nobody’s Hotter Than God – ça respire la faucille et le marteau. Ça commence aussi à sentir la transpi si l’on regarde bien la tronche du chanteur qui juste avant de vouloir faire son morceau au ukulélé électro-acoustique se retrouve témoin d’une scène assez cocasse. Un mec monte sur scène et demande « Ana ». La nana met 5 bonnes minutes à débarquer et le garçon, pas désorienté pour un euro, se met à lui déclamer une flamme des plus américaines devant une salle acquise à sa paire de couilles. Après quoi, la blonde exprimera tout sauf sa bonne humeur. Et le groupe essaiera de sauver la face de l’instant par un riff bien énergique, laissant partir tout penaud l’aventurier aux burnes plus grosses que la raison. C’est pas grave mec, elle était moche toute façon.

Après ça, on entre dans la phase habituelle rappel-à-la-prochaine. Mais ce qu’il faut retenir c’est que ce groupe est très intéressant en live et qu’il a sûrement rabiboché les organes non-reproductifs d’un tas de gens présents. D’ailleurs, le nom Soma est une référence au morceau éponyme des Smashing Pumpkins mais aussi un clin d’œil au Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, dans lequel la population s’évade de son aliénation sociale grâce à une drogue nommée soma. Prenez ça comme ça vient.

 Photos : © courtoisie de la page Facebook officielle de Soma

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.