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Une autre Europe est possible

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Default profile picture aurélie durand

Qui veut changer le monde prête rarement attention aux frontières. Mais si l’engagement devient transnational, il manque encore un cadre institutionnel pour les associations européennes.

Pendant que l’Europe institutionnelle stagne, bredouille et piétine quelque peu, les citoyens se rapprochent de plus en plus. Des expériences douloureuses communes les soudent : les attentats de Madrid n’ont pas touché que les Espagnoles mais l’Europe entière. L’identité européenne naît des souffrances.

Lorsqu’en juillet 2001 le jeune Italien Carlo Giuliani a été abattu par des policiers italiens pendant les manifestations contre le sommet du G8 à Gênes, la jeunesse d’Europe, choquée, a tressailli. Le joyeux et souvent carnavalesque sommet touristique avait perdu de son innocence. Pendant que les puissants s’étaient retranchés derrière les invincibles remparts de sécurité dans les « zones rouges », la foule bigarrée de ceux qui n’étaient pas d’accord avec les tournures officielles des choses s’était rassemblée. Un an après la fusillade de Gênes est né le Forum Social Européen (FSE) à Florence : le mouvement de protestation s’était émancipé de la logique « anti-sommet » et avait décidé d’instaurer un symbole propre et constructif d’une autre Europe anti-institutionnelle.

Cyrille, qui étudie le droit à Paris, avait participé au FSE de Florence. Il a connu là-bas des activistes de nombreux pays européens, avec qui il a échangé des expériences et des adresses électroniques. Un an plus tard il a aidé à construire un camp autogéré lors du deuxième FSE à Paris-Saint-Denis, le GLAD (Globalisation des Luttes et des Actions de Désobéissance) : « Pour moi, il s’agit, par un travail en commun, de renforcer nos actions, de se connaître les uns les autres, et d’échanger des pratiques concrètes. Les Allemands sont par exemple très en forme pour ce qui concerne l’organisation, les Italiens ont une grande tradition du squat et de la mise en place de ‘centres sociaux’ ». Cependant pour tous les échanges européens, il s’agit d’apprendre à connaître les traditions de chacun, et de respecter les autres : « Chacun a sa propre identité, son propre visage et son propre rythme politique. A côté du refus des relations dominantes, nous avons malgré cela une volonté commune de vivre autrement ». Dans le cadre de communautés de courte de durée, polyglottes et autogérées, comme « le village intergalactique », les pays européens sont en bon chemin pour se connaître mieux.

Le fardeau du droit des associations

Pour Keyvan, du réseau étudiant français Animafac, il est tout simplement stupide de conserver des conceptions nationales : « L’Europe est aujourd’hui régie par les institutions, c’est pourquoi il faut remplir cette Europe de vie. Nous sommes tous des Européens, il n’y a aucune raison d’ériger quelque frontière que ce soit dans sa tête. On cherche des gens qui s’intéressent à des projets en particulier, et la recherche ne s’arrête pas aux frontières ». Cette conception s’incarne par exemple dans Eurocampus, un atelier de plusieurs jours où les initiatives étudiantes de toute l’Europe sont conviées. A côté de l’amélioration de la collaboration entre organisations étudiantes en Europe, une question phare rayonnait sur le programme l’été dernier, à Bordeaux : le droit des associations européen. A l’heure actuelle ; il n’est pas possible de réer une association dont la personnalité juridique soit reconnue dans tous les pays européens. Le droit des citoyens européens de s’associer et de réunir en toute liberté des moyens d’utilité publique a été jusqu’à maintenant laissé de côté par la bureaucratie bruxelloise. Il ne reste donc que le recours à des constructions provisoires : pour l’organisation du prochain Eurocampus en Italie une association sera sûrement fondée, en France. Contrairement à d’autre pays, les étrangers peuvent y assumer la présidence.

Se disputer avec respect

La collaboration internationale n’est cependant pas dénué de crises : il existe des rivalités de pouvoir et des incompréhensions culturelles. Pour Keyvan, ce n’est pourtant pas un problème aussi longtemps qu’on est conscient des différences : « Quand on se respecte, on peut aussi se disputer. C’est comme au judo : avant et après le combat on se salue et on repart en toute amitié chacun de son côté ».

L’européanisation devient pour plus en plus d’associations et d’institutions nationales une nécessité logique, à laquelle on peut encore se refuser. Le programme allemand ASA est un programme de développement politique qui, depuis plus de quarante ans, envoie des jeunes gens sur des missions dans le monde entier. Depuis peu, une collaboration existe avec des organisations de toute l’Europe, de la France à l’Estonie. Les projets de développement menés intègrent des équipes de deux nationalités mélangées.

Dans une Europe qui avance unie et que les jeunes ont déjà parcouru plusieurs fois de long en large grâce à InterRail, Erasmus et aux vols à bas prix, il a semblé de plus en plus étrange de partir en Afrique, alors que les échanges avec les voisins européens pouvaient sembler limités : « Les participants sont curieux d’apprendre comment les autres pays s’en sont sortis avec ce genre de questions. Ils veulent voir au-delà des limites allemandes. » précise Albrecht Ansoln, le directeur des programmes. Ce regard peut aussi irriter : une organisation partenaire slovaque, par exemple, met l’accent sur son approche chrétienne, une attitude par rapport à laquelle les Allemands sont plutôt sceptiques.

La maison européenne n’est pas une construction récente, soignée, mais un ensemble de murs avec leurs recoins, où il y a souvent quelque chose d’étonnant à découvrir dans la chambre d’à côté. La découverte de cette maison et de ses habitants est devenue une évidence pour l’eurogénération : « On ne pense pas à la maison dans laquelle on vit, affirme Keyvan. On se contente d’y vivre. »

Translated from Ein anderes Europa ist möglich