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Un Polonais à Dublin : les similarités entre le gaélique et le biélorusse

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L’histoire de la disparition du gaélique comme langue principale d’Irlande semble choquer les Polonais qui arrivent dans le pays. La préservation de la langue avait un rôle central dans l’histoire de beaucoup d’entre eux. Mais les Polonais ont un exemple similaire près de chez eux. Alors que le gaélique est défendu et protégé, le biélorusse est devenu un parti perdant dans une guerre politique.

Premier épisode d’une série depuis Dublin.

Lorsque j’arrive à l’aéroport de Dublin en provenance de Pologne, je lutte pour comprendre que les inscriptions en gaélique qui mènent à « Sli Amach’s » « Busanna’s » et « Tacsai’s » (sorties, bus, taxis) sont inutiles aux gens du coin. Les deux langues – le celte et le slave – n’ont presque rien en commun en ce qui concerne la grammaire, le vocabulaire ou la prononciation. Pourtant le gaélique et le biélorusse partagent une histoire de colonisation linguistique et de déclin. Les histoires sont remarquablement similaires et se sont presque produites en même temps.

Le don des langues

Pendant une visite guidée de Dublin, les touristes apprennent que jusque dans les années 1840, lorsque la grande famine irlandaise a éclaté, le gaélique était pratiqué par au moins 50% de la population. La famine et l’émigration ont réduit la population de 20 à 25%. Le gaélique a été complètement englouti par l’anglais irlandais. Jusqu’en 1922, l’Irlande faisait partie du Royaume-Uni, qui avait une politique hostile envers les langues nationales de ses provinces. Selon le recensement irlandais de 2011, seulement 94 000 locuteurs natifs parlent gaélique à la maison.

Lire aussi « La langue biélorusse : un art perdu au Bélarus » sur cafebabel.fr

De même, le biélorusse a connu sa première vague de déclin pendant le 19ème siècle. Jusqu’en 1795, il constituait la langue principale du Grand-Duché de Lituanie, lorsque la partie bélarusse était sous domination russe. L’Empire Russe a conduit une politique générale de « russification » : le russe était la seule langue autorisée dans les écoles et l’administration publique (comme l’anglais en Irlande sous domination anglaise). En 1918, la Pologne et la Lituanie ont retrouvé leur indépendance, mais les régions bélarusses ont été divisées entre le nouvel État polonais et la Russie soviétique. La langue a déserté les régions rurales de l’est de la Pologne. Après la Seconde Guerre mondiale, la Biélorussie est devenue une république soviétique. L’afflux de colons russes après la guerre a complètement marginalisé la langue nationale. Dans la République de Biélorussie, qui a vu le jour grâce à la dissolution de l’URSS, le russe est la langue la plus pratiquée. Le biélorusse demeure la première langue officielle, comme le gaélique en Irlande. Pourtant, un rapport gouvernemental de 2009 a révélé que moins d’un million de biélorusses parlait leur langue à la maison, sur près de 10 millions d’habitants.

La préservation des langues dans l’Union européenne et l’autocratie post-soviétique

L’Irlande est une démocratie parlementaire établie avec presque 100 ans de tradition républicaine, alors que la Biélorussie n’a pas d’histoire d’indépendance très évoluée. Sa courte durée de vie démocratique s’est éteinte après l’élection présidentielle de 1994, qui a vu Alexandre Loukachenko obtenir le poste qu’il occupe encore aujourd’hui. En Irlande, les gouvernements successifs élus démocratiquement ont cherché à protéger la langue en voie de disparition avec différentes politiques comme le Placenames Orders après 2004, qui a débouché sur la conception de tous les panneaux de signalisations bilingues par exemple. Le gaélique est préservé dans les Gaeltachts, régions où l’on parle irlandais et où les enfants peuvent être envoyés dans des écoles qui mènent un programme uniquement dans cette langue. En 2005, l’irlandais gaélique est devenu une langue officielle de l’Union Européenne.

La situation est complètement différente en Biélorussie. Le gouvernement pro-russe a adopté un référendum controversé qui réimplante le symbolisme soviétique dans la vie publique et a placé le russe sur un pied d’égalité avec la langue nationale. Le biélorusse est activement découragé au quotidien, mais il a vu naître un récent regain d’intérêt parmi l’opposition démocratique et les jeunes. Par exemple, le portail d’opposition des guérillas biélorusses offre une version biélorusse de son site. La langue est également préservée en tant que langue officielle dans certaines gminas (petites unités administratives, ndt) de l’est de la Pologne, où la communauté possède des panneaux de signalisation bilingues et des programmes séparés à la télévision (comme dans les Gaeltachts).

Pour les Polonais, qui ont maintenu leur culture sous les lois étrangères pendant le 19ème siècle, le cas irlandais est une image de ce qui pourrait arriver s’ils ne concentrent pas leur renaissance nationale sur la préservation de la langue. Les Allemands et les Italiens aussi ont réunifié leurs pays en raison de leur dialecte commun. En 1922, les Gaeltachts en Irlande étaient beaucoup plus grands, mais les monolingues ruraux ont encouragé leurs enfants à communiquer en anglais car il s’agissait d’une langue d’éducation et de prospérité. De même, quand la Biélorussie a acquis son indépendance entre 1990 et 1992 ses meneurs ont appelé à une « biélorussisation » de la vie publique (un programme peut-être trop radical), qui se heurta à l’opposition de la majorité russophone, et par conséquence à l’élu Loukachenko en 1994. Aujourd’hui, il y a une sympathie grandissante parmi la jeune population urbaine à Dublin et à Minsk. Pour commencer, les clubs gaéliques, les associations et les programmes résidentiels se développent autour des universités, incluant mon université – Trinity College. Les jeunes biélorusses entretiennent leurs connaissances scolaires et universitaires du biélorusse afin « de ne pas oublier leurs origines ». Avec un peu de chance, à l’avenir nous pourrons entendre davantage d’irlandais gaélique et de biélorusse dans les rues européennes.

Cet article est publié avec l’accord de cafebabel.com Dublin, l’une des plus récentes équipes de blogueurs, journalistes et photographes de notre réseau pan-européen. Surveillez leurs activités en vue de la création de leur nouveau blog début 2013, et rejoignez le groupe Facebook ici

Photo : (cc) Richard Milnes/ flickr

Translated from A Pole in Dublin on similarity between Irish Gaelic and Belarusian languages