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Un matin à Banglatown

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Default profile picture Amandine Agic

SociétéPolitique

Le taux de chômage chez les jeunes atteint 20% dans le quartier de Tower Hamlets, lieu de résidence de la communauté bangladaise. Les élus locaux tentent de s'attaquer au problème. Avec des résultats mitigés.

« Il y a un problème avec les jeunes de nos jours », lance Yusuf Ahmed, vendeur sur les étals du marché de Whitechapel. « Il ne se reconnaissent pas dans la culture de leurs ancêtres même si certains d'entre eux ont été élevés dans des foyers traditionnels ». En plein coeur de Tower Hamlets, on pourrait croire que rien, ou presque, n'a changé depuis l'arrivée massive d'immigrés en provenance du Bangladesh, dans les années 70. La plupart des habitants de cette communauté comptant près de 65 000 membres, à majorité musulmane, gagnent leur vie en vendant de la nourriture, des tissus ou en tenant un petit ‘Balti’, restaurant de curry et de tandoori. En général, ils envoient une partie de leurs revenus à leurs familles, restées au Bangladesh. Pourtant, les temps changent.

Enfants de l'immigration

Les usines et les ateliers dans lesquels les Bangladais plus âgés travaillaient ne tournent plus : ils ont été transformées en centre commerciaux et en bars. Et les jeunes issus de l'immigration ne partagent pas le mode de vie de leurs parents. « Toutefois, ils se sentent différents des jeunes Britanniques et ne veulent pas adhérer à 100% aux manières d'ici. Ils sont quelque part entre les deux », raconte Yusuf Ahmed. Non contents d'être à cheval sur deux cultures, ils doivent également faire face aux défis qui les attendent.

Selon une enquête du quotidien The Independent, 70% des enfants bangladais et pakistanais vivent dans la pauvreté. Le chômage dans la communauté musulmane est 3 à 4 fois supérieur à la moyenne nationale.

La pauvreté, l'accès à l'éducation, le manque de logement ne sont que quelques uns des problèmes rencontrés par ces immigrés. Même si le taux de criminalité reste stable, Mohamed Azan, représentant du Ilford Islamic Centre, affirme que les jeunes musulmans sont de plus en plus frustrés. « Contrairement à leurs parents, ils ont toujours vécu ici et leurs attentes ont augmenté. Ils ne veulent plus être traités comme des citoyens de seconde zone »

Chômage dans une économie florissante

« Le quartier des Docklands voisin propose 150 000 emplois, mais un petit nombre seulement de Bangladais a trouvé du travail ici », pointe Marc Francis, un conseiller à l'arrondissement de Tower Hamlets. Les employeurs pratiquent-il des discriminations contre ces immigrés, une attitude allant clairement à l’encontre du discours officiel ? Le Royaume-Uni se vante souvent d'avoir un pourcentage important de personnes appartenant à des minorités ethniques occupant un poste dans les médias, l'administration et le commerce. Une politique d’intégration qui tranche avec celle de ses voisins européens.

Mais le East End londonien reste l’une des zones les plus pauvres du pays. Si l’actuel programme de réhabilitation lancé par les élus locaux autour de Canary Warf, attire les entreprises, il ne donne pas de travail aux Bangladais des environs. Ces dernières années, Tower Hamlets a obtenu le statut de ‘quartier modèle’, décerné par le gouvernement, parce qu'il «  rapproche des communautés » et « promeut l'égalité des races », tout en s'occupant des problèmes des minorités. La localité mène plusieurs programmes afin d'intégrer des personnes d’origines et d’âges différents et travaille en étroite collaboration avec les leaders des communautés pour identifier et résoudre les problèmes.

Néanmoins, les responsables des quartiers ont récemment été accusés de discriminations. Ils ne proposeraient leur aide qu'aux communautés fortes, négligeant celles qui sont moins nombreuses et moins organisés. D’autres opposants dénoncent l’influence grandissante de l’islam et pointent du doigt les autorités britanniques, accusées de baisser les bras. Certains disent que les élus locaux encouragent les islamistes parce qu'ils ne veulent traiter qu'avec les leaders religieux au lieu de chercher d'autres moyens d'atteindre la communauté musulmane. Le résultat : une identité « britannico-musulmane », figée et réductrice.

« Pourquoi un citoyen britannique qui est aussi musulman devrait-il faire confiance aux imams ou à d'autres membres de sa communauté pour communiquer avec le Premier ministre ? », se demande, non sans raison, Amartya Sen, économiste indien, lauréat du prix Nobel en 1998. L'attitude du gouvernement ne fait pas que nier les différences qui existent entre les diverses formes d'islam, elle exclue aussi les musulmans modérés. Face à ces accusations, Marc Francis tente de se justifier : « l'administration aide toutes les activités et toutes idées qui participent au développement des communautés locales et à une entente commune, sans se préoccuper de l'origine du projet.  »

Selon lui, la mosquée de l'Est de Londres et le London Muslim Centre sont de plus en plus engagés dans le management de projets variés, en créant différentes structures et menant à bien plusieurs projets. Une raison qui explique qu'elles aient reçu beaucoup de fonds.

Aujourd'hui, le gouvernement veut en finir avec le chômage pour améliorer les conditions de vie de la communauté bangladaise. Jim Murphy, employé au département du travail et des aides, pense qu'un « Etat-providence de plus en plus local et personnalisé » est nécessaire. L'Est de Londres a d’ores et déjà été classé ‘zone prioritaire’.

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Crédit photos : Wladek Manteuffel

Translated from Log jam in Banglatown