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Un jeu sans limites

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Default profile picture audrey duquenne

Société

Le format des émissions et les thèmes traités par la télé-réalité sont désormais laissés en pâture à l’avidité malsaine des spectateurs-voyeurs.

Les Britanniques ont été plus nombreux à composer le numéro de téléphone d’une émission pour donner leur avis sur la série des 'Big Brother’ -jusqu'à 14,2 millions de voix en 2002- qu’à voter pour le parti travailliste aux dernières élections en 2005 (9,5 millions de voix pour le parti).

Paradoxalement, le seul point commun entre tous les programmes de télé-réalité diffusés sur continent, c’est leur irréalisme. Que ce soit par leur stylisation, l’angle retenu ou l’improbabilité des situations de la vie quotidienne, systématiquement recréées artificiellement. Pour échapper au ‘déjà vu’, l’industrie télévisuelle opte désormais pour des castings toujours plus extrêmes, des montages toujours plus vulgaires, repoussant ainsi les limites de la décence.

Big Brother

Lancé aux Pays-Bas en 1999, ‘Big Brother’ (alias 'BB') est désormais un rendez-vous immanquable annuel -voire bi- et triannuel dans certains pays- dans les grilles des 27 pays européens. Les protagonistes sont recrutés parmi le public puis enfermés dans une maison durant plusieurs semaines, complètement coupés du monde extérieur. Et régulièrement, les téléspectateurs choisissent d’éjecter un par un les «colocataires ».

Comme le concept de l’émission n’a pas changé d’un iota depuis son lancement, l’intérêt du public doit sans cesse être ranimé par les 'manipulations de la prod' ou des polémiques médiatiques, variables en fonction de l’imagination des concepteurs de chaque pays.

Les producteurs de 'BB' ont par exemple systématiquement essayé de provoquer un climat sexuel mouvementé parmi les colocataires enfermés. Et ce, dans chaque pays où était diffusé l’émission.

Dans la version anglaise, la boîte de production n’a pas fourni suffisamment de lits ou a choisi de privilégier les personnes sexuellement « déviantes » dans son casting – incluant même une ‘sorcière psychique’ en 2005 ou un transsexuel portugais, qui a fini par remporter l’émission l’année dernière. Pendant ce temps, les alter ego du programme dans la ‘TV Nova’ tchèque étaient des gorilles.

Outre-Rhin, la version proposée par la chaîne RTL II a fait les gros titres de la presse allemande en 2005, en séparant les participants ‘riches’ des ‘pauvres’ à un moment où le pays endurait une baisse des allocations, le plus fort taux de chômage en Europe et un fossé de plus en plus large entre les classes sociales.

Quant aux exclamations blasphématoires des participants au ‘Grande Fratello’ italien sur Canale 5, elles ont provoqué un tollé religieux : les groupes RAI et Mediaset ont d'ailleurs été condamnés à verser chacun une amende de 100 000 euros aux plaignants le 4 octobre dernier.

Le corps sous toutes ses coutures

Bientôt, plus aucun centimètre de l’anatomie humaine n’échappera aux caméras. Retour en Grande-Bretagne où la Channel Five, qui propose régulièrement les coulisses des opérations de chirurgie esthétique, propose aussi des programmes de plus en plus trash : elle a par exemple, diffusé une naissance par césarienne en direct, sans aucun présentateur, laissant la future mère entièrement seule face aux caméras. Un grand moment d’«émotion».

Cette surenchère a parfois donné lieu a des supercheries. Dans un autre programme danois lancé en 2007, ‘The Big Donor Show’, une femme en phase terminale de cancer devait choisir lequel des trois « concurrents » en attente pour une greffe d’organes, méritait le plus ses reins. Ce n’est qu’à la fin de l’émission que le spectateur apprenait que les protagonistes étaient en réalité des acteurs, utilisant le format de la téléréalité pour attirer l’attention sur le manque d’organes dans le pays.

Mais la télé-réalité est plus qu’un phénomène qui rend perplexe. Que nous apprend sa popularité sur les Européens qui la regardent ? Les critiques émises à l’égard du format des émissions sont-elles gages de snobisme ou d’une préoccupation réelle pour l’humain - comme l’exploration des profondeurs de la psyché et du fonctionnement de notre psychologie ? La télé-réalité se limite t-elle au reflet de la cupidité des producteurs utilisant des participants qui rêvent du « quart d’heure de célébrité »», cher à Andy Wahrol. En gros, une version moderne des jeux du cirque ou des combats de coqs ?

Son principe de base entend filmer des situations dramatiques innées, sans avoir recours à la fiction. Dans l'essai issue de ses séminaires culturel, ‘Notes on camp’, la philosophe américaine Susan Sontag évoque les multiples témoignages d’amour et de haine qui s’élèvent dès que l’on parle du phénomène qu’elle considère comme la quintessence du kitsch. « Le kitsch voit tout entre guillemets. Ce n’est pas une lampe, mais une « ‘lampe’ ; pas une femme, mais une ‘femme’. » Percevoir la dimension kitsch qui surgit parfois dans les objets et les personnes, c’est comprendre cette mise en scène. C’est l’extension à la sensibilité, de la métaphore de la vie comme d’un théâtre. C’est aussi bon parce que c’est horrible.

Translated from Reality TV: so bad it's good?