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Strasbourg : un remède à la crise du logement

Published on

Story by

Paul Langer

Translation by:

Vincente Morlet

Style de vie

Un projet qui associe la crise du logement en France et la création d‘une école de football au Burkina Faso ? Explication d'un grand écart avec l’auberge Tom’s Fair House, à Strasbourg. 

Le train s’arrête. Je retrouve Félicien dans les environs de la gare. En quelques phrases, il m’explique que nous n’avons pas le temps de déposer mon bagage à l’appartement. Nous nous frayons un chemin à travers les rues encombrées du centre de Strasbourg. Nous sommes accompagnés de Vuk, originaire de Serbie, qui étudie la chimie à l’université. Lui et Félicien travaillent à l’auberge Tom’s Fair House, où je m’apprête à passer la nuit.

J’ai rencontré Félicien lors d’un atelier de théâtre à Bochum (ouest de l'Allemagne, ndlr). À l’origine, mon plan était de lui rendre visite à Strasbourg. Il m’avait dit qu’il travaillait dans une auberge parce qu’il pouvait y vivre gratuitement et qu’il n’avait pas pu trouver de logement au loyer abordable. Après avoir découvert l’auberge, j’ai été fasciné par le concept. Au lieu de rester le week-end comme prévu, je suis resté une semaine entière. 

Une fois arrivé à l’auberge, je me présente rapidement. En retour, on pointe du doigt l’un des lits et on me dit : « Voici ton lit ». Je pourrai, moi aussi, dormir ici les nuits suivantes. Félicien et moi nous asseyons. Sur le mur d’en face se trouve un lit en mezzanine. Sept personnes sont installées dans les différents fauteuils, canapés et lits. Thomas Hincker-Fritz, le responsable de l’auberge, en fait partie.

Logement contre travail

Thomas, 35 ans, Strasbourgeois, rêveur. Il veut contribuer à sauver le monde. Rien ne l’arrête. Il aurait même racheté le club de football de Strasbourg pour un euro. L’histoire de Tom’s Fair House commence en août 2013. Le wwoofing, de l’anglais World-Wide Opportunities on Organic Farms, autrement dit la possibilité de travailler gratuitement dans les fermes biologiques du monde entier, est un concept que l’on trouve plutôt dans des régions rurales, très fréquentées par les globetrotteurs. C’est pourquoi les gens sont quelque peu surpris lorsqu’ils entendent parler d’un projet situé en plein cœur de Strasbourg, dont le site Internet propose de faire du wwoofing. Le concept de Thomas est simple : proposer aux invités de s’acquitter de quelques tâches et de payer moins. Ils peuvent loger gratuitement en échange d’une plus grande quantité de travail fournie. « Beaucoup de personnes sont intéressées », déclare Thomas. Beaucoup plus que ce qu’il s’était imaginé. 

Le fondateur de Tom’s Fair House est conscient que la signification d’origine du mot implique qu’il faut cultiver des légumes biologiques. Mais, pour l’instant, cela ne fait pas partie du plan. Ce qu’il reste, c’est le principe de base : logement contre travail. Il revisite simplement la forme que prend le travail. Il doit être bénévole.

Le teaser très « home-made » de Tom's Fait House.

Le projet initial de Thomas était de construire une école de football pour les filles au Burkina Faso, mais il lui a fallu par la suite trouver des possibilités de financement. Il a donc, petit à petit, développer un concept. Il a d’abord commencé par louer et gérer deux appartements appartenant à ses parents, situés sur le quai Finkwiller, qu’il a ensuite proposés sur Airbnb. En mars 2014 est venu s’ajouter celui de la rue Gustave Doré. Il ne passe quasiment pas une nuit sans que tous les lits soient occupés. La plupart des invités, âgés de 18 à 30 ans, veulent apprendre à parler français. Étudiants, travailleurs ou habitants de Strasbourg, ils sont tous là pour profiter de cet échange multiculturel. Selon Thomas, l’auberge a vu passer plus de 40 nationalités de tous les continents. 

Bien plus qu’Airbnb

« Au début, il y avait trois wwoofers. Maintenant, ils sont dix. » Félicien est arrivé à Strasbourg à l’été 2014 pour suivre des cours de théâtre. Mais il ne trouvait pas de logement qui correspondait à son budget, le prix des chambres étant calculé pour le tourisme. À Strasbourg, une chambre coûte en moyenne 449 euros. L’indice de référence des loyers est proche de celui de villes comme Hambourg ou Helsinki

Les institutions sont dépassées par la crise du logement qui touche les étudiants. Selon le Crous, l’établissement français d’aide sociale des étudiants, tous les logements seraient occupés. En raison du trop grand nombre de demandes, les étudiants ne pourraient même pas être ajoutés aux listes d’attente.

Après avoir pu se loger à l’auberge Tom’s Fair House, Félicien a organisé un concert de reggae avec d’autres wwoofers et les recettes ont été reversées au projet de Thomas au Burkina Faso. « Faire de la publicité pour le concert, organiser l’événement et m’occuper de son déroulement, toutes ces activités je les avais déjà faites dans le cadre d’un projet de théâtre pour lequel j’ai travaillé. Thomas m’a aidé, alors je suis ravi de pouvoir faire de même », raconte Félicien. 

De façon similaire, Nuno, de Lisbonne, s’est occupé des flyers et des affiches pour le concert, Marina, qui a occupé une chambre rue Gustave Doré, a donné des cours de français, ou encore Rafael, du Mexique, qui a accroché sa carte de visite en tant que guide à l’auberge. Les wwoofers, lorsqu’ils ont suffisamment de temps libre, trouvent par eux-mêmes des tâches à effectuer. « Faire les lits, nettoyer les appartements, c’est une chose, mais lorsqu’il s’agit de mettre sur pied un concert, la motivation est bien plus grande. »

Désormais, le projet de Thomas ne sera plus uniquement considéré comme un hébergement façon Airbnb. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif officiellement enregistrée. En outre, Thomas partage régulièrement ses activités au Burkina Faso sur son blog. Tom’s Fair House semble être une solution dans une ville où le tourisme florissant est l’arbre qui cache l’injustice sociale, tout en étant l’exemple d’une niche qui s’est développée grâce aux réseaux sociaux et à l’économie du partage.

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Translated from Straßburg: Wwoofing gegen Wohnungsnot