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She’s The Fest : Les femmes donnent de la voix

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Le monde de la musique est encore loin d'être un modèle de parité hommes / femmes. Le tout jeune festival She's The Fest, organisé à Valence, se présente donc comme un tremplin destiné à donner plus de visibilité aux talents féminins. Une organisatrice d'événements et une chanteuse nous expliquent comment elles vivent leur statut de femme dans cet univers particulier.

Donner à la femme la place qu'elle mérite dans le monde de la musique et la laisser s'exprimer : voilà l'objectif de She's The Fest, un festival dont la première édition a eu lieu du 27 au 29 novembre derniers à Valence et qui a rassemblé des groupes féminins nationaux émergents comme des figures plus connues de la scène indépendante internationale.

Cet événement se présente comme une initiative visant à contrer les inégalités de genre dans le monde de la musique. Cependant, Isabel Cervera, co-fondatrice du festival, insiste : l'objectif n'est pas de créer la polémique. "Nous ne voulons pas rentrer dans le débat : nous ne revendiquons rien, nous créons seulement un événement permettant d'améliorer la visibilité d'artistes qui, pour nous, ont un talent féminin central pour leur formation."

"Certains groupes sont bons, et d'autres sont mauvais, peu importe le sexe de leur compositeur. Mais il ne faut pas oublier que les formes d'art les plus audacieuses viennent souvent des femmes car leur position est plus dissidente, plus instable et plus anti-canonique", explique Carolina Otero, une des artistes valenciennes à l'affiche de la première journée du festival. La chanteuse pop-rock Carolina Otero & The Someone Elses, interrogée sur le machisme dans le monde de la musique, confie avoir déjà été confrontée à "un homme de Cro-Magnon qui affirmait que la plupart des personnes qui assistaient à [ses] concerts n'y allaient que pour voir [sa] jupe [...]. Or, c'est à [elle] de décider si [elle] a envie de porter un dessus décolleté ou de jouer en sweat-shirt, si [elle a] envie d'être laide ou jolie ; ça n'a aucun rapport avec [sa] musique. [Son] sexe et [son] apparence sont secondaires."

Pour dépasser les préjugés existants et l'analyse permanente, Carolina assure que le problème réside dans le fait que l'univers musical lui-même charrie des idées déformées qui font croire que les créations féminines ne sont pas à la hauteurs de celles des hommes. C'est pourquoi elle défend une idée simple : "le public doit être éduqué à la parité, quel que soit le genre musical". Elle ajoute : "En Espagne, les femmes passent beaucoup de temps à faire de la musique, donc le fait d'affirmer qu'elles créent peu est un mensonge et non un argument permettant d'expliquer leur présence rare dans les activités publiques."

Le statut d'artiste doit aller de pair avec la remise en question de l'offre des grands festivals de musique espagnols. Par exemple, en 2015, l'affiche du BBK ne proposait que 17 % de groupes dans lesquels les femmes occupaient une position clé. Pour le FIB, le Primavera Sound, le Low et l'Arsenal Sound, la proportion est un peu plus importante, mais elle ne dépasse pas 20 % de groupes principalement féminins. À Valence, des festivals comme le Deleste ou le Festival de les Arts ont laissé un peu plus de place aux talents féminins, qui occupaient 30 % de l'affiche Le chiffre le plus bas enregistré est celui du festival SOS8.4 (Murcie) : les femmes n'y occupaient que 12 % de la line-up.

Cette inégalité explique la naissance de She's The Fest. L'objectif est d'apaiser les tensions, jusque dans les structures organisationnelles : "Adopter une attitude constructive et donner l'exemple est bien plus enrichissant. [...] En consacrant une affiche entière à des artistes féminines, on augmente leur visibilité et on leur donne la valeur et la reconnaissance qu'elles méritent", explique Cervera, organisatrice de l'événement musical.

She's The Fest est un projet actuellement indispensable, mais qui ne répond pas à la volonté des artistes. "J'aimerais qu'on n'ait pas à en arriver là, car cela signifierait que les hommes et les femmes ont les mêmes opportunités. Mais on a besoin d'un festival qui fasse entendre d'autres voix. Je souhaite un bel avenir au festival pour qu'il puisse continuer à soutenir les autres créations nationales et internationales", confie la chanteuse. Elle réaffirme en outre : "Il n'existe aucun festival uniquement consacré aux talents masculins, mais les affiches leur sont presque exclusivement réservées sans qu'on ne s'en rende compte."

Le festival She's The Fest a donc trouvé à Valence un lieu où se poser, comme bien d'autres festivals urbains. Núria Graham, Les Sueques, Soledad Vélez et Anni B. Sweet ont ouvert le spectacle le vendredi. Elles ont été suivies de Leyya et de Hella Comet, deux groupes de la scène underground contemporaine choisis pour faire découvrir le potentiel féminin autrichien, leur pays étant l'invité de cette première édition.

Le samedi, ce sont les Londoniennes de Skinny Girl Diet et de Kid Wave qui ont pris le relai, ces dernières partageant la scène avec Joana Serrat, Lorena *alvarez, Bala et les jeunes de Belako. De plus, des activités étaient organisées parallèlement aux concerts : des showcases, des sessions de DJ, des conférences consacrées à l'art, au cinéma et à la poésie ou encore des ateliers pour enfants. Maïa Vidal et le passage de Carolina Otera & The Someone Elses fut le point d'orgue du festival.

Loin de faire l'objet de critiques, le festival a été accueilli avec enthousiasme par la presse, par les musiciens de la région et par le public. Ces trois journées culturelles ont permis de concilier les points de vue et de répondre, comme un palliatif, à la nécessité de combattre les inégalités qui grèvent le panorama musical. Artistes, industrie et public sont appelés à trouver une solution. Mais peut-on compter sur une amélioration ? La réponse repose peut-être simplement dans la nécessité, pour She's The Fest, de célébrer ou non une deuxième édition.

Translated from She’s The Fest: Las mujeres toman los micros